Sassou Nguesso séduit par la diplomatie économique de Trump
Installé dans une suite discrète du Waldorf Astoria, Denis Sassou Nguesso confie avoir été « très heureux » d’entendre Donald Trump lier, à la tribune de l’ONU, pacification des zones de crise et prospérité pour les populations. Pour le chef de l’État congolais, cette équation confirme des convictions forgées depuis quatre décennies.
« Sans paix, pas de développement », répète-t-il, faisant écho aux sept conflits que l’ancien président américain affirme vouloir éteindre. Il assure être prêt à partager son expérience de médiateur africain pour accélérer la dynamique, convaincu qu’une détente globale dynamiserait les échanges commerciaux.
Ce rapprochement rhétorique avec Washington survient alors que Brazzaville recherche des partenaires pour diversifier son économie. Le président souligne que l’enthousiasme exprimé ne comporte aucune arrière-pensée politique, mais répond à une logique pragmatique orientée vers la croissance inclusive.
Des souvenirs de médiation continentale
Le dirigeant évoque, le regard vif, les négociations de 1988 organisées à Brazzaville qui avaient ouvert la voie à l’indépendance de la Namibie et à la libération de Nelson Mandela. « Nous avons prouvé qu’un dialogue bien conduit peut transformer l’histoire », souligne-t-il.
Plus récemment, il préside le comité de l’Union africaine sur la Libye, travaillant à rapprocher camps rivaux et puissances régionales. Il estime que la stabilisation de Tripoli reste la clef pour endiguer l’expansion jihadiste au Sahel et dans le golfe de Guinée.
Sassou Nguesso rappelle enfin avoir été, en 2011, l’un des cinq chefs d’État envoyés auprès de Mouammar Kadhafi. « Le courage d’écouter chaque partie demeure la meilleure arme », assure-t-il, en appelant les grandes puissances à soutenir les efforts africains plutôt qu’à les doubler.
Opportunités d’investissement au Congo-Brazzaville
Le président déroule l’inventaire d’un sous-sol abondant : pétrole offshore, gaz, fer, cuivre, potasse, sans oublier l’or et le zinc. « Pour un pays de cinq millions d’habitants, c’est beaucoup », glisse-t-il, persuadé que les investisseurs américains y trouveraient un terrain rentable.
Il cite l’expérience de Chevron, longtemps présent dans le secteur pétrolier congolais, comme « un exemple à revitaliser ». Selon lui, la prochaine étape consiste à renforcer la connaissance mutuelle : « Souvent, nos interlocuteurs confondent les deux Congo. Nous devons multiplier échanges académiques, visites d’affaires et forums sectoriels ».
Brazzaville mise aussi sur l’agro-business, profitant de terres arables inexploitées et d’un ensoleillement stable. L’objectif officiel, rappelle-t-il, est de substituer progressivement les importations alimentaires par une production locale compétitive, condition sine qua non pour une balance commerciale équilibrée.
Suivi attentif des pourparlers RDC-Rwanda
Bien que non impliqué directement, Sassou Nguesso assure suivre « au jour le jour » la médiation pilotée par Washington entre Kinshasa et Kigali. Brazzaville redoute que l’instabilité à l’Est de la RDC n’enraye la dynamique régionale.
Le président qualifie la signature partielle obtenue à Washington de « signal encourageant » et espère que la phase de Doha sur la crise du M23 aboutira rapidement. « Une paix durable libérerait le potentiel minier et agricole du cœur de l’Afrique centrale », dit-il.
Il rappelle que son propre pays s’efforce de maintenir une frontière ouest libre de tensions, garantissant ainsi un couloir logistique sûr entre l’Atlantique et les Grands Lacs, un atout que les investisseurs devraient, selon lui, davantage prendre en considération.
Forêts du Bassin du Congo, priorité verte mondiale
Désigné « poumon vert » de la planète, le Bassin du Congo stocke plus de carbone que l’Amazonie, rappelle Sassou Nguesso. Il insiste sur la première année de la Décennie de restauration des forêts, initiative portée avec l’ONU et soutenue par dix-sept pays riverains.
Un fonds dédié a été créé avec la Banque mondiale ; il nécessite désormais des contributions privées pour atteindre ses objectifs. « L’alliance climat-biodiversité doit aussi être une alliance pour l’emploi rural », plaide-t-il, évoquant des projets d’écotourisme et d’économie circulaire.
Le chef de l’État souligne que la protection des écosystèmes et l’exploitation rationnelle du bois précieux peuvent coexister grâce à une certification rigoureuse. Il encourage les entreprises américaines à investir dans des chaînes de valeur vertes, gage de compétitivité future.
Immigration et jeunesse africaine
Interrogé sur les flux migratoires vers l’Europe, Sassou Nguesso soutient le Mattei Plan défendu par la Première ministre italienne Giorgia Meloni : investir au sud pour réduire les départs. « Nos jeunes n’embarqueront plus sur des rafiots s’ils trouvent un avenir chez eux », juge-t-il.
Selon lui, la clé réside dans la création d’emplois qualifiés, en particulier dans l’énergie, l’agro-industrie et les services numériques. « Nous disposons d’une jeunesse instruite, avide d’innovation », insiste-t-il, en invitant les universités américaines à multiplier les partenariats avec Brazzaville.
Il estime que l’afflux de capitaux étrangers, complété par des transferts de compétences, permettrait de retenir les talents et d’accélérer l’industrialisation africaine, limitant ainsi les tensions migratoires sur le long terme.
Appel à un partenariat américain renforcé
Sassou Nguesso affirme préférer, « bien sûr », une coopération prioritaire avec les États-Unis, tout en maintenant des liens historiques avec la Chine et la Russie. « Il reste un potentiel inexploité entre Brazzaville et Washington », affirme-t-il.
Il se félicite des sommets USA-Afrique organisés sous Barack Obama puis Joe Biden, mais souhaite des suites concrètes : zones économiques spéciales, financements d’infrastructures et soutien aux PME africaines. « Un océan nous sépare, pas nos intérêts », résume-t-il.
Le président conclut sur une perspective démographique : « En 2050, l’Afrique comptera deux milliards d’habitants, majoritairement jeunes et formés. Qui saisira cette opportunité ? ». À ses yeux, l’approche de Donald Trump, conjuguant paix et croissance, ouvre une voie que Brazzaville se dit prête à emprunter.