Une réunion stratégique à la Maison russe
Le 25 septembre, la Maison russe de Brazzaville a réuni proviseurs, directeurs d’études et professeurs de la capitale pour préparer la rentrée 2025-2026. Dans son hall coloré, les discussions ont porté sur le bilan pédagogique et la feuille de route des prochains mois.
Maria Fakhrutdinova, directrice du centre, a rappelé l’esprit de ces rencontres annuelles : « Définir ensemble l’objectif de l’année prochaine et évaluer sans complaisance celle qui s’achève ». L’approche collaborative doit, selon elle, garantir une continuité didactique malgré la mobilité des enseignants.
Des renforts venus de Moscou
La session 2024 a déjà vu arriver quatre professeurs venus directement de Russie, une première depuis plusieurs années. Leur mission, d’une durée d’un an, consiste à épauler leurs collègues congolais, partager de nouveaux supports et tester des méthodes immersives adaptées aux réalités locales.
Selon la directrice, ce renfort extérieur crée « un nouveau souffle » et devrait hisser le niveau de langue des lycéens d’un cran. Les établissements pilotes, dont Nganga-Ntolo et Savorgnan-de-Brazzà, expérimenteront en priorité des classes co-animées bilingues.
Russophonie, un choix aux multiples atouts
La langue russe séduit un public varié. Dans le couloir du lycée Thomas-Sankara, pourtant en manque d’enseignants, plusieurs élèves évoquent l’envie « d’étudier l’aéronautique à Moscou » ou « d’ouvrir un commerce entre Pointe-Noire et Saint-Pétersbourg ». Des aspirations très concrètes.
Ferty Mbemba, directeur des études au lycée Emery-Patrice-Lumumba, constate une corrélation entre choix du russe et réussite au baccalauréat. « Tous nos candidats ayant présenté la langue ont été admis en 2024-2025 », souligne-t-il, attribuant cette performance à la rigueur grammaticale exigée.
Outre l’attrait académique, la Russie accorde chaque année 250 bourses d’études aux meilleurs bacheliers congolais, tous profils confondus. La Maison russe accompagne la constitution des dossiers et rassure les familles sur les conditions d’accueil, un argument clé pour les zones périphériques.
Ressources pédagogiques : le grand chantier
Les échanges ont toutefois mis à nu plusieurs faiblesses. Certains lycées ne disposent plus d’enseignant titulaire depuis le départ à la retraite de leurs derniers spécialistes. D’autres peinent simplement à conserver les jeunes diplômés attirés par le secteur privé ou l’interprétation.
Roger Kandza, administrateur du centre, évoque « un déficit de personnel pour couvrir tous les établissements en une seule année scolaire ». Pour remédier, la Maison russe programme des tournées trimestrielles, durant lesquelles ateliers de théâtre, slam et prise de parole stimulent la pratique orale.
Autre obstacle : le manque de manuels bilingues récents. Beaucoup d’exemplaires datent de plus de dix ans et n’intègrent ni la réforme orthographique ni les nouveautés culturelles. Des commandes groupées sont envisagées avec des éditeurs moscovites pour réduire le coût logistique.
Les bibliothèques scolaires constituent un autre front. Plusieurs rayonnages dédiés à la littérature russe se résument aujourd’hui à quelques classiques écornés. Des partenariats avec des ONG lectrices, déjà actifs pour le français, pourraient être étendus afin de fournir BD traduites, magazines et audio-livres.
Le tournant numérique
Le numérique n’est pas oublié : une plateforme pilote, hébergée localement, proposera exercices interactifs, fiches de vocabulaire contextualisées et podcasts enregistrés par des locuteurs natifs. La version test devrait être accessible aux élèves de Brazzaville avant la fin du premier trimestre 2025.
Le projet inclut également une certification numérique, alignée sur le Cadre européen, afin de valoriser les acquis sur les plateformes professionnelles. Un badge électronique, signé par le ministère, pourra être joint au CV des candidats dès la session de janvier 2026.
Témoignages et initiatives locales
Pour les enseignants, la formation continue reste la clé. Les nouveaux venus de Russie animeront chaque mois des séminaires méthodologiques, traduits simultanément pour favoriser la participation. Les thèmes iront de la phonétique à la préparation des Olympiades internationales en passant par la littérature contemporaine.
Certains professeurs congolais souhaitent également partager leurs réussites. « Nous avons monté une pièce de Tchekhov en kit, adaptée en lingala et en russe ; l’enthousiasme des élèves a été immédiat », raconte une enseignante du lycée Chaminade. L’expérience pourrait devenir un projet inter-lycées.
À terme, l’ambition est de voir naître un réseau d’alumni russophones capables de servir d’ambassadeurs linguistiques dans l’administration, le tourisme ou l’énergie. Un forum professionnel, mêlant entreprises et futurs diplômés, est déjà inscrit à l’agenda culturel de novembre prochain.
Prochaines étapes vers 2025-2026
D’ici la rentrée, un comité de suivi rassemblera Inspection générale, Ministère de l’Éducation, Maison russe et associations de parents. Il s’agira de valider le calendrier de formation, répartir les dotations en manuels et identifier les lycées prioritaires pour l’arrivée d’enseignants détachés.
La question budgétaire reste centrale. Les partenaires envisagent un co-financement public-privé pour l’impression des supports et l’entretien du matériel audio. L’objectif affiché est de limiter la contribution des familles afin de maintenir l’accessibilité du russe, surtout dans les filières scientifiques.
En attendant les premiers fascicules neufs, enseignants comme élèves repartent avec un mot d’ordre : persévérance. « C’est maintenant qu’il faut choisir votre futur », a rappelé Maria Fakhrutdinova. Les couloirs se vident, mais l’écho de cette promesse résonnera jusqu’au retour sur les bancs.