Un signal fort pour le Kouilou connecté
Le ruban tricolore a été coupé à Yanga, village de 6 000 âmes situé à 49 kilomètres de Pointe-Noire, sous les applaudissements d’une foule rassemblée autour du préfet du Kouilou, Paul Adam Dibouilou, représentant le Premier ministre. L’événement marque l’entrée officielle du district dans l’ère du haut débit.
Dans son allocution, le préfet a salué « la vision présidentielle d’un Congo où la fracture numérique recule chaque jour ». Selon lui, la mise en service du site Fasuce ouvre « une fenêtre sur le monde » aux habitants, tout en créant des conditions nouvelles d’apprentissage, de commerce et de loisirs.
Une infrastructure de dernière génération
Le directeur général de l’Arpce, Louis Marc Sakala, a détaillé la technologie embarquée : un réseau d’accès radio tout-en-un intégrant alimentation solaire, connectivité 4G et antenne à large couverture. L’équipement, conçu pour résister au climat côtier, garantit un service stable même lors des fortes pluies.
Selon les ingénieurs, la capacité initiale permettra de servir simultanément un millier d’utilisateurs avec des débits théoriques proches de ceux observés à Pointe-Noire. La plateforme évolutive pourra accueillir la 5G ou des liaisons satellites au besoin, limitant ainsi les coûts futurs d’extension.
Internet pour les écoles du district
Parmi les premières structures raccordées figurent le Lycée de Pointe-Noire 2 et le Collège Mâ Loango. Les chefs d’établissement affirment que les classes virtuelles, jusque-là impossibles faute de bande passante, pourront démarrer dès le prochain trimestre, offrant aux élèves des ressources pédagogiques actualisées.
« Nous allons enfin télécharger nos manuels sans passer par la ville », se réjouit Grâce, élève de Terminale. Le corps enseignant table aussi sur des formations à distance pour les professeurs, tandis que l’administration académique envisage de dématérialiser inscriptions et relevés de notes.
Les retombées économiques locales attendues
Les commerçants de Yanga misent déjà sur les services mobiles pour commander marchandises et suivre les cours des produits agricoles. L’accès à Internet, combiné au paiement numérique, pourrait réduire le coût des transactions et élargir les débouchés jusqu’aux marchés urbains de Pointe-Noire.
D’ici un an, la mairie espère la création d’au moins vingt emplois directs liés à la maintenance et à la vente de services numériques. Les artisans locaux, des réparateurs de téléphones aux développeurs en herbe, bénéficieraient d’un environnement favorable à l’entreprenariat digital, souligne le chef de district.
Un partenariat public-privé exemplaire
La réalisation du site est l’œuvre conjointe du Fasuce, bras opérationnel de l’État pour l’accès universel, de l’Arpce et de l’opérateur Mtn-Congo. Chacun a apporté expertise, financement ou équipements, illustrant un modèle de partage des risques encouragé par le gouvernement pour accélérer la couverture nationale.
Pour l’ingénieur réseau de Mtn-Congo, Innoussa Gnagna, « le succès repose sur la complémentarité : le Fonds assure la viabilité sociale, l’opérateur garantit la qualité de service et les collectivités facilitent le foncier ». Il juge ce schéma reproductible dans d’autres zones rurales à faible densité.
Protéger et s’approprier l’outil numérique
Tout en saluant l’initiative, le secrétaire général du Fasuce a mis en garde contre les actes de vandalisme et les pannes volontaires. « Cette antenne appartient d’abord aux populations. Sa durée de vie dépendra de la vigilance de chacune et de l’entretien régulier », a-t-il insisté.
Des sessions de sensibilisation à la cybersécurité et aux usages responsables seront animées par l’Arpce et les enseignants. Dans un contexte de montée des fausses informations, les autorités souhaitent promouvoir un Internet citoyen où l’esprit critique, la protection des données et le respect des lois restent prioritaires.
Yanga, vitrine d’une stratégie nationale
Le ministre des Postes, des Télécommunications et de l’Économie numérique, joint par téléphone, voit dans Yanga « un laboratoire grandeur nature ». Le département du Kouilou compte dix-sept autres localités candidates à la même solution, tandis que le Fasuce poursuit son déploiement dans la Cuvette et la Likouala.
D’après les documents budgétaires, plus de 3 milliards de francs CFA seront investis d’ici 2025 pour l’accès universel. L’objectif gouvernemental reste de porter la couverture Internet nationale à 95 % de la population, un levier jugé indispensable à la diversification économique et à la création d’emplois qualifiés.
Au-delà des chiffres, les élus locaux rappellent que le numérique redessine déjà la vie quotidienne : rendez-vous médicaux en ligne avec le Centre de santé intégré, consultations agricoles par messagerie sécurisée et cérémonies filmées en direct pour la diaspora. Autant d’usages impensables il y a encore deux ans.
Sur la place centrale, la danse traditionnelle ayant clos la cérémonie s’est poursuivie tard dans la nuit, portée par des playlists diffusées… en streaming. Symbole d’un basculement discret mais tangible, cette soirée a donné un aperçu concret de la façon dont la connectivité façonne déjà la culture locale.
Les spécialistes interrogés estiment toutefois que la réussite passe aussi par l’énergie. Un projet de mini-centrale solaire, actuellement à l’étude par l’Agence nationale de l’électrification rurale, devrait sécuriser l’alimentation de l’antenne et offrir de l’électricité verte aux ménages dépourvus de connexion au réseau conventionnel.