Une passation au cœur de la diplomatie humanitaire
Le hall du ministère des Affaires étrangères résonnait d’une effervescence rare lorsque Mariavittoria Ballotta a remis sa lettre d’accréditation à Jean-Claude Gakosso. Par ce geste protocolaire, le Congo a officiellement accueilli la nouvelle représentante de l’UNICEF, succédant à Chantal Umutoni.
Le ministre a salué « une coopération exemplaire qui ne cesse de se renforcer pour le bien-être de l’enfant congolais » (ministère). Dans une brève allocution, la diplomate italienne a promis d’« accompagner la marche du pays vers le développement humain inclusif », alignée sur la Vision 2030 nationale.
Un parcours forgé sur plusieurs continents
Formée à la London School of Economics, Mariavittoria Ballotta s’est immergée, depuis vingt ans, dans les terrains complexes du développement. Elle a dirigé des programmes d’éducation au Mozambique, coordonné l’action humanitaire au Népal après le séisme de 2015 et piloté des partenariats innovants au Liban.
À Dakar, siège régional de l’UNICEF pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, elle supervisait récemment la planification de 24 pays. Cette fonction l’a familiarisée avec les défis communs à la sous-région : financement durable des services sociaux, ruptures d’approvisionnement vaccinal et renforcement des statistiques nationales.
Priorités immédiates sur le terrain congolais
À Brazzaville, la diplomate déclare concentrer ses premiers mois sur trois urgences : la vaccination de routine, la scolarisation des filles et la lutte contre la malnutrition chronique qui touche encore un enfant congolais sur trois (UNICEF).
Elle souhaite consolider le dispositif de santé communautaire mis en place lors de la pandémie de Covid-19, considérant qu’« un réseau d’agents formés constitue la première ligne de défense sanitaire ». L’idée est d’élargir ce modèle aux consultations prénatales et à la nutrition infantile.
Renforcer la synergie avec l’État et la société civile
La nouvelle représentante rappelle que « l’UNICEF n’est efficace que si ses actions s’imbriquent dans les politiques publiques ». Elle prévoit donc des revues trimestrielles conjointes avec les ministères de la Santé, des Affaires sociales et de l’Enseignement primaire afin d’harmoniser plans de travail et budgets.
Les organisations de jeunesse, comme l’ONG Avenir Nepad, seront également associées aux diagnostics locaux. Le président de cette structure, Armel Mavoungou, se dit « confiant que la nouvelle équipe saura nous écouter et nous donner les moyens d’agir sur le terrain ».
Innovation et financement : un tandem indispensable
À l’heure où la solidarité internationale se recompose, Mariavittoria Ballotta mise sur des partenariats non traditionnels. Elle évoque un dialogue naissant avec le secteur des télécoms pour soutenir l’enseignement numérique dans les zones rurales et l’exploration d’obligations à impact social pour mobiliser l’épargne diasporique.
Selon la Banque mondiale, chaque dollar investi dans la nutrition rapporte dix-sept dollars de productivité future. « Ces arguments économiques parlent aux décideurs financiers et peuvent attirer des fonds privés vers la cause de l’enfant », analyse Yves Ondelé, économiste à l’Université Marien-Ngouabi.
Les attentes d’une jeunesse connectée
À Moungali, quartier populaire de Brazzaville, Mariam, 19 ans, attend surtout de l’UNICEF un appui pour son club de codage. « Nous voulons des formations qui nous ouvrent des portes », témoigne-t-elle. Son propos illustre l’évolution des aspirations urbaines, désormais tournées vers le numérique.
La représentante onusienne affirme vouloir accompagner cette dynamique par un programme pilote de compétences numériques féminines, en lien avec l’Institut supérieur des technologies avancées. « Promouvoir la créativité de la jeunesse, c’est préparer l’économie de demain », insiste-t-elle.
Perspectives régionales et coopération sud-sud
Le Congo partage avec ses voisins un bassin forestier stratégique pour le climat mondial. L’UNICEF soutient déjà un projet transfrontalier de cantines scolaires vertes, utilisant des produits locaux pour nourrir 150 000 élèves entre la Sangha et la Likouala.
Mariavittoria Ballotta envisage d’étendre cette initiative grâce à un échange de bonnes pratiques avec le Cameroun et la République centrafricaine. « Les solutions africaines aux défis africains gagnent en crédibilité, notamment auprès des bailleurs brésiliens et indiens », souligne un diplomate régional.
Un agenda aligné sur la Vision 2030 du Congo
Le Plan national de développement 2022-2026 réserve plus de 40 % de son budget social à l’enfance. L’arrivée de Mariavittoria Ballotta intervient donc à un moment charnière pour la mise en œuvre de ces engagements, notamment le déploiement du programme zéro village sans école.
« Nous disposons désormais d’une feuille de route claire et d’une énergie renouvelée pour la réaliser », conclut la nouvelle cheffe de l’UNICEF. Entre ambition nationale et expertise internationale, la diplomatie de l’enfance continue d’écrire à Brazzaville une page déterminante pour la génération future.