Une candidature congolaise ambitieuse
La République du Congo poursuit une vaste offensive diplomatique pour porter son compatriote Firmin Édouard Matoko à la direction générale de l’Unesco, dont l’élection interviendra en 2025. Depuis début septembre, plusieurs membres du gouvernement sillonnent trois continents pour convaincre les capitales influentes.
Mission latino-américaine réussie
La première séquence a conduit le ministre d’État Pierre Mabiala au Chili, au Paraguay puis en Argentine, accompagné du candidat. Du 7 au 12 septembre, la délégation a enchaîné rencontres officielles, entretiens médiatiques et visites culturelles pour exposer la vision de réforme portée par Matoko.
Partout, l’accueil a été jugé «chaleureux» par la délégation. Ministères de l’Éducation, commissions Unesco nationales et parlementaires régionaux ont salué le parcours de l’ancien sous-directeur général africain de l’agence, estimant que son expérience constituait «un atout pour la diversité linguistique et culturelle mondiale».
Arguments mis en avant
Durant les présentations, Pierre Mabiala a insisté sur quatre axes majeurs : revitaliser la solidarité scientifique Sud-Sud, renforcer la numérisation des programmes éducatifs, accroître la protection des patrimoines immatériels et impulser une gouvernance financière plus transparente. Ces thèmes ont suscité, selon les compte-rendus officiels, de nombreux acquiescements.
Firmin Édouard Matoko, bilingue français-espagnol, a répondu aux interrogations sur le financement des États membres et la place de l’intelligence artificielle dans l’éducation. «L’Unesco doit rapprocher ses programmes des réalités locales sans rompre son mandat multilatéral», a-t-il expliqué à Buenos Aires.
Relais diplomatique au Moyen-Orient
Pendant que la mission latino-américaine se poursuivait, le ministre de la Coopération internationale Denis Christel Sassou Nguesso s’est rendu à Mascate le 14 septembre. Portant un message du président Denis Sassou Nguesso au Sultan Haitham Bin Tarik, il a sollicité l’appui du Sultanat d’Oman.
La rencontre avec le chef de la diplomatie omanaise, Badr Al-Busaidi, a permis d’exposer les ambitions africaines pour l’Unesco et d’évoquer la coopération bilatérale. Tourisme durable, formation maritime et gestion foncière ont été identifiés comme domaines où les deux États pourraient rapidement nouer des partenariats.
Selon la partie congolaise, Mascate voit d’un œil favorable la candidature de Matoko, qu’il a côtoyé lorsqu’il pilotait les programmes culturels arabes de l’Unesco. Aucun engagement officiel n’a été annoncé publiquement, mais les signes de convergence sont décrits comme «prometteurs» par les diplomates.
Retombées pour l’image du Congo
Ces déplacements successifs offrent au Congo l’occasion de renforcer son réseau d’alliances au sein du Conseil exécutif de l’Unesco, composé de 58 membres. Certains analystes estiment qu’une campagne précoce permet de «gagner la bataille des perceptions» avant même l’ouverture formelle des dépôts de candidature.
Pour Brazzaville, la démarche illustre également la volonté présidentielle de promouvoir des cadres congolais dans les organisations internationales. Depuis 2019, plusieurs diplomates nationaux ont intégré des postes stratégiques à l’Union africaine ou à la Commission climat du Bassin du Congo, améliorant la visibilité du pays.
Cap sur La Havane
La prochaine étape de la campagne se déroulera à Cuba du 17 au 20 septembre sous la conduite de la ministre de la Culture et des Arts, Lydie Pongault. Des séances de travail sont prévues avec la Commission nationale cubaine pour l’Unesco et le ministère des Affaires étrangères.
Cuba entretient une longue tradition de coopération culturelle avec l’Afrique et siège actuellement au Conseil exécutif de l’Unesco. Obtenir le soutien de La Havane serait perçu comme un signal fort auprès des pays non-alignés influents en Asie et en Amérique centrale.
Firmin Édouard Matoko compte mettre en avant ses racines afro-caribéennes, héritage de son passage universitaire à La Havane dans les années 1980. «Je reviens partager une vision commune de l’humanisme culturel», a-t-il déclaré avant son départ, assurant vouloir servir «tous les continents sans exclusive».
Calendrier et stratégie
La phase actuelle vise surtout à bâtir un noyau dur d’États parrains avant la session de printemps 2024 du Conseil exécutif, moment où la liste officielle des candidats sera close. Chaque visite s’accompagne d’un mémorandum bilatéral rappelant l’engagement du Congo en faveur des objectifs de développement durable.
Les observateurs notent que la diplomatie congolaise privilégie une approche dite «360 degrés»: implication des ministères sectoriels, mobilisation de la diaspora, relais médiatiques numériques et articulation avec la politique culturelle nationale. Cette méthode, éprouvée lors de précédentes campagnes continentales, semble déjà porter ses fruits en Amérique latine.
Renforcement interne et opportunités
Le gouvernement assure que ces tournées n’entravent pas l’exercice normal des affaires internes. «Notre diplomatie culturelle est une composante de la diplomatie économique», souligne un conseiller du ministère des Affaires étrangères, convaincu que l’élection de Matoko offrirait au Congo «un levier supplémentaire pour ses partenariats».
Réactions internationales
À Paris, siège de l’Unesco, plusieurs diplomates africains interrogés soulignent la «diplomatie d’écoute» déployée par Brazzaville. «Le Congo présente un profil technique plutôt que politique, cela peut rassembler», confie un représentant d’Afrique australe, tout en rappelant que «rien n’est joué avant le scrutin secret».
Projections asiatiques
En marge de la tournée cubaine, l’équipe de campagne envisage déjà une incursion en Asie du Sud-Est, où trois sièges du Conseil exécutif seront renouvelés en 2025. Singapour, Thaïlande et Vietnam figurent parmi les capitales ciblées pour présenter le projet Matoko d’ici décembre.