Un enjeu mondial pour la diplomatie congolaise
Brazzaville a placé la course à la direction générale de l’Unesco au cœur de son agenda diplomatique 2024-2025. En misant sur Firmin Édouard Matoko, le Congo entend projeter une image de compétence technique et d’ouverture multilatérale.
L’élection se tiendra à Samarcande, lors de la 43ᵉ Conférence générale. Deux autres candidats – l’Égyptien Khaled Ahmed El-Enany et la Mexicaine Gabriela Lian Ramos Patino – sont en lice, mais le gouvernement congolais assure que « le continent parlera d’une seule voix ».
Une carrière bâtie à la maison Unesco
Ancien sous-directeur général chargé de la Priorité Afrique et des Relations extérieures, Matoko a passé plus de trois décennies à forger des ponts entre États membres et secrétariat. « Il connaît chaque couloir et chaque attente », souligne une source interne à l’organisation.
Diplômé en économie du développement et en relations internationales, il a piloté des programmes d’alphabétisation, de protection du patrimoine et d’appui aux sciences, consolidant sa réputation de technocrate pragmatique.
Un programme orienté vers l’avenir
Le projet porté par le candidat congolais se veut résolument prospectif. Il préconise l’intégration de l’intelligence artificielle dans les systèmes éducatifs tout en protégeant les diversités culturelles, convaincu que « l’inclusion numérique commence par la pédagogie ».
Face à l’urgence climatique, Matoko promet de renforcer la recherche interdisciplinaire sur les écosystèmes tropicaux et de déployer des observatoires régionaux afin de traduire les alertes scientifiques en politiques publiques concrètes.
Trois leviers pour moderniser l’institution
Le premier axe s’appuie sur l’acte constitutif de 1945, garant de l’universalité. « Sans ce socle, l’Unesco perdrait son âme », insiste-t-il.
Le second levier concerne les organes directeurs. Il propose d’optimiser la Conférence générale et le Conseil exécutif grâce à des cycles de délibération plus courts, afin d’éviter ce qu’il nomme « la lenteur budgétivore ».
Le troisième pilier vise le secrétariat. Matoko souhaite multiplier les partenariats avec les commissions nationales, les écoles associées et le secteur privé, pour décloisonner expertises et financements.
Une campagne africaine tous azimuts
Chargé par le président Denis Sassou Nguesso, le Premier ministre Anatole Collinet Makosso a entrepris depuis le printemps une tournée auprès des capitales africaines. Objectif : sceller un caucus continental autour du candidat.
Le chef de la diplomatie, Jean-Claude Gakosso, a pour sa part enchaîné Angola, Afrique du Sud, Mozambique, Botswana, Île Maurice, Tanzanie et Éthiopie fin juillet. Selon son entourage, les échanges ont mis en avant « la valeur ajoutée d’un Africain à la tête d’une institution mondiale en mutation ».
Plusieurs chefs d’État, dont Ismaïl Omar Guelleh à Djibouti, se sont déclarés favorables, considérant que l’expérience de Matoko répond aux aspirations d’une jeunesse africaine avide d’innovation éducative.
L’Asie, partenaire décisif
Conscient que la victoire se jouera au-delà du continent, Brazzaville a activé son réseau en Asie. Matoko s’est rendu au Vietnam, au Japon, en Indonésie, en Chine et en Inde, où il a plaidé pour « un multilatéralisme équitable ».
Des diplomates indonésiens confient que son discours sur la protection des patrimoines maritimes a rencontré un écho particulier à Jakarta. Pékin souligne pour sa part « la complémentarité entre l’initiative Ceinture et Route et un Unesco tourné vers la science ouverte ».
Vers une nouvelle gouvernance multilatérale
Pour le candidat congolais, l’architecture mondiale en gestation impose de repenser les méthodes de travail à l’Unesco. Il suggère un dialogue régulier avec les organisations régionales afin d’éviter la duplication des programmes et la dispersion des financements.
Il défend également une transparence accrue dans la sélection des grands projets, grâce à des plateformes numériques permettant aux États membres, mais aussi aux ONG et entreprises partenaires, de suivre l’avancement en temps réel.
Si Matoko l’emporte, il deviendrait le deuxième Africain subsaharien à diriger l’Unesco après le Sénégalais Amadou-Mathar Mbow. Cette perspective nourrit l’espoir d’un renouveau, tout en rappelant que la paix et le respect des libertés restent la boussole première de l’institution.