Don sportif à Oubouesse
Sous la bruine matinale de la saison sèche, la place centrale d’Oubouesse s’est transformée en terrain d’émotion, lorsque des sacs bourrés de ballons et de maillots flambant neufs ont été déchargés d’un pick-up poussiéreux sous le regard curieux des écoliers alignés au premier rang.
A l’origine de ce moment, le Professeur Jean de Dieu Bolzer Nzila, enseignant-chercheur à l’Université Marien Ngouabi, venu remettre une cinquantaine de ballons, des jeux complets de maillots et des paires de crampons destinés aux équipes de quartier du district de Moutamba.
Un hommage familial et collectif
A l’ombre des manguiers, la cérémonie s’inscrivait aussi dans la construction de la stèle funéraire du chef des terres Piolé, Joseph Nzila Lipouma, patriarche disparu en 1980 et grand-père du professeur, dont la mémoire irrigue encore les récits du Niari.
En associant devoir de souvenir et action tournée vers l’avenir, la famille Nzila pose un geste qui relie générations et territoires, rappelant qu’honorer les aïeux ne se limite pas aux rites, mais exige de nourrir l’espoir concret des plus jeunes.
Football, école de citoyenneté
Le football demeure dans les villages du Congo bien plus qu’une distraction dominicale : il forge la discipline, canalise l’énergie et offre un terrain d’apprentissage du vivre-ensemble, autant de leviers identifiés par les Nations unies pour prévenir la marginalisation rurale.
À Oubouesse, les éducateurs improvisés manquaient jusque-là d’équipements pour encadrer l’enthousiasme des jeunes. L’arrivée du nouveau matériel permettra de structurer des tournois réguliers, de comptabiliser les performances et de détecter des talents susceptibles d’intégrer plus tard des clubs du championnat départemental.
La parole aux jeunes du Niari
Des applaudissements ont couvert la voix timide de Clotaire Mabika, capitaine de l’équipe Espoir d’Oubouesse : « Nous pourrons désormais nous entraîner sans emprunter les ballons des écoles voisines. Cela nous motive à viser plus haut et à éviter les chemins dangereux de l’oisiveté ».
Pour Nadège Ntsika, étudiante revenue du campus de Brazzaville pour les vacances, l’initiative redore l’image d’une localité souvent absente des radars médiatiques : « Voir un universitaire penser à notre terrain prouve que le Niari compte dans le récit national ».
Une vision portée par le savoir
Interrogé, le Professeur Nzila insiste sur la complémentarité entre laboratoire et terrain : « Nos publications traitent de développement durable ; il serait incohérent de ne pas investir dans les capacités concrètes de nos villages ». Pour l’universitaire, la science gagne à descendre du pupitre.
Son geste s’inscrit également dans la stratégie gouvernementale qui mise sur le sport comme facteur d’inclusion sociale, en écho au Plan national de développement 2022-2026 axé sur le capital humain. Le professeur affirme être « un modeste relais » de cette vision globale.
Cohésion sociale et perspectives
Au-delà des statistiques, l’effet immédiat se lit sur les sourires. Les entraînements reprennent déjà chaque soir, attirant des collégiens mais aussi des cultivateurs qui, après la récolte, troquent la houe contre les crampons, renforçant ainsi la cohésion intergénérationnelle.
D’après le chef de village intérimaire, un règlement intérieur sera affiché afin de garantir la durabilité des équipements : interdiction de jouer sous la pluie torrentielle, rotation des jeux de maillots et mise en place d’une caisse commune pour les réparations.
Vers une dynamique de réplication
L’exemple d’Oubouesse commence déjà à inspirer. À Mossendjo, des commerçants évoquent la création d’un fonds similaire pour le basket. La mutuelle des anciens du lycée de Dolisie, informée par les réseaux sociaux, prépare de son côté une collecte pour doter les bibliothèques scolaires.
Ces initiatives, modestes en apparence, tracent une route vers une économie solidaire fondée sur la responsabilité collective. Si chaque acteur apporte une brique, soutient le professeur Nzila, « nos villages n’auront plus à attendre que tout vienne de la capitale ».
Appui institutionnel attendu
Le directeur départemental des Sports, présent lors de la remise, a salué l’initiative tout en promettant l’envoi périodique d’un encadreur fédéral pour former les arbitres locaux. Selon lui, la synergie entre donateurs privés et administration peut accélérer l’émergence d’une véritable ligue inter-villages au Niari.
Il a également rappelé que le ministère travaille à la réhabilitation des plateaux sportifs dans les zones rurales, projet financé par la Banque africaine de développement. Le cas d’Oubouesse servira, dit-il, de pilote pour mesurer l’impact des infrastructures légères sur la performance scolaire.
Pari sur l’avenir
Dans les discussions de fin de journée, l’idée d’un tournoi annuel baptisé « Coupe Nzila » a surgi. La commune de Mossendjo pourrait en assurer le trophée, tandis que des entreprises forestières de la région seraient sollicitées pour sponsoriser le transport des équipes éloignées.
Au moment où le soleil se couchait sur la piste rouge, les jeunes, ballons sous le bras, repartaient vers leurs hameaux. Leurs éclats de rire laissaient deviner qu’au-delà du match du lendemain, ils venaient surtout de recevoir la preuve tangible qu’ils comptent.
Et lorsque la nuit est tombée, le professeur Nzila a regagné Brazzaville par la route, confiant que ce premier coup de sifflet ouvrira d’autres portes, notamment l’arrivée de bibliothèques mobiles et d’ateliers numériques pour que l’élan sportif débouche sur un progrès global.