Un prix qui résonne au-delà du Pool Malebo
Le week-end dernier, la scène du site Ndombasi de Mbanza-Ngungu a vu Djoson Philosophe recevoir le Prix Pool Malebo sous les applaudissements d’un public venu des deux rives du fleuve. Annoncé comme l’une des attractions, le chanteur a tenu ses promesses.
« C’est une reconnaissance pour tous les artistes kongo des deux Congo », a-t-il déclaré, micro en main, avant d’ajouter que la distinction honore également l’Angola voisine. Le trophée symbolise donc un pont culturel qui relie Kinshasa, Brazzaville et Luanda par-delà les frontières.
Les organisateurs soulignent que cette récompense distingue « une contribution exceptionnelle à la vitalité musicale de la région ». Le jury, composé de critiques et de promoteurs, a été sensible à la capacité de l’artiste à préserver les rythmes traditionnels tout en les adaptant aux goûts urbains actuels.
Mbanza-Ngungu, carrefour culturel inattendu
Troisième ville du Kongo-Central, Mbanza-Ngungu culmine à 785 mètres. Son climat tempéré a surpris plusieurs invités, dont Djoson Philosophe, qui l’a comparé avec humour à certaines capitales européennes. « Le froid ici est une bénédiction, il réveille l’inspiration », a-t-il confié.
Le choix de cette localité pour lancer le Festival Nzola n’est pas anodin. Carrefour historique du chemin de fer, la cité souhaite redevenir un pôle d’échanges. Les autorités provinciales y voient un vecteur de cohésion et de relance économique ancré dans la culture.
Sur deux journées, concerts, dégustations culinaires et conférences ont animé les artères de la ville. Les hôtels ont affiché complet, témoignant de l’impact touristique naissant. Les commerçants du marché central évoquent déjà un chiffre d’affaires doublé durant l’événement.
La performance flamboyante de Super Nkolo Mboka
Accompagné de son orchestre Super Nkolo Mboka, Djoson Philosophe a livré un show dense de plus de 90 minutes. Guitares soukous, percussions ngoma et cuivres jazzy ont fusionné dans un cocktail sonore qui a fait danser la foule jusqu’à l’aube du 17 août.
Le public a repris en chœur « Mokongo Aboyi Kobanga », son dernier single, et redécouvert « Brazzaville By Night », succès qui l’avait révélé au grand public il y a quatre ans. Pour les jeunes présents, la prestation a illustré que la musique kongo peut rivaliser sur les plateformes africaines.
Des ingénieurs son congolais basés en Afrique du Sud ont assuré la régie, preuve du retour de compétences de la diaspora. Selon le directeur technique, « le défi était d’obtenir un son de qualité festival européen avec des moyens locaux ». Un pari relevé sans anicroche.
Résonances kongo et diplomatie culturelle
La première édition de Nzola s’inscrit dans une stratégie plus large de « soft power » régional. En célébrant le patrimoine kongo des deux Congo, l’initiative encourage le dialogue transfrontalier et renforce la paix culturelle. Les diplomates présents ont salué l’idée d’un rendez-vous annuel.
Le ministère congolais de la Culture, partenaire officiel, a rappelé que « la créativité est un pilier du développement ». À ce titre, une convention a été signée avec la direction du festival pour accompagner des résidences artistiques itinérantes entre Pointe-Noire, Matadi et Soyo.
Des experts notent que l’événement arrive au moment où Brazzaville prépare la candidature de son rumba inscrite à l’Unesco à des programmes de valorisation. Nzola pourrait devenir la vitrine pratique de cette démarche, offrant aux musiciens un espace d’expérimentation et de visibilité.
Perspectives pour la scène artistique congolaise
Fort de son Prix Pool Malebo, Djoson Philosophe prévoit une tournée qui passera par Ouesso, Impfondo et Dolisie avant de rejoindre Kinshasa. Objectif : montrer que la musique peut irriguer l’ensemble du territoire, y compris les villes éloignées des circuits classiques.
Le directeur du label Métissage Productions annonce le pressage de 5 000 vinyles collector pour séduire les audiophiles, tandis que les plateformes de streaming ciblent déjà les diasporas aux États-Unis et en France. Une stratégie hybride qui associe mémoire et modernité.
Dans les rues de Brazzaville, les fans espèrent que ce sacre encouragera d’autres artistes à s’exporter. « Voir un frère réussir motive », confie Nadia, étudiante à Talangaï. Pour elle, Nzola démontre que le talent local, soutenu par des institutions, peut accéder à une audience mondiale.
À l’heure du bilan, les organisateurs annoncent une seconde édition élargie à la danse, au cinéma et aux arts visuels. Djoson Philosophe, désormais ambassadeur du festival, s’engage à « porter haut les couleurs kongo et à inspirer la relève ». La scène culturelle congolaise semble avoir trouvé un nouvel élan.