Un secteur en pleine mutation
Taxis collectifs, bus interurbains, camions longue distance : le transport terrestre congolais connaît depuis dix ans une croissance soutenue qui accompagne l’urbanisation de Brazzaville, Pointe-Noire et des chefs-lieux départementaux. Selon la Direction générale des transports terrestres, le parc roulant dépasse aujourd’hui 120 000 véhicules professionnels.
Cette expansion rapide s’est accompagnée d’initiatives privées nombreuses mais parfois informelles. « Nous avons observé une multiplication d’acteurs non déclarés, source de concurrence déloyale et de risques pour les passagers », explique un cadre du ministère. D’où la volonté de préciser les règles du jeu.
Ce que change l’agrément quinquennal
Jusqu’à présent, les autorisations délivrées aux transporteurs n’avaient pas de limite de validité explicite, rendant difficile le suivi administratif. Désormais, tout agrément sera valable cinq ans, renouvelable sur examen de conformité. « La périodicité donne de la visibilité aux opérateurs et un levier de contrôle à l’État », résume un inspecteur.
Concrètement, les sociétés devront présenter tous les cinq ans leurs justificatifs techniques, fiscaux et sociaux. Le ministère espère ainsi détecter plus vite les défaillances, inciter à la mise à jour des flottes et vérifier la formation continue des conducteurs.
Les entreprises concernées
Le texte distingue deux familles de métiers. La première englobe les entreprises de transport public de voyageurs ou de marchandises, qu’elles gèrent un seul minibus ou une centaine de semi-remorques. La seconde vise les activités dites connexes : auto-écoles, loueurs, centres de contrôle technique, ateliers sanitaires agréés, fabricants de plaques ou de signaux.
« Nous voulons harmoniser toute la chaîne de déplacement, de la formation du conducteur à la signalisation routière », insiste la ministre Ghislaine Ingrid Olga Ebouka-Babackas dans sa circulaire du 22 septembre. Cette approche globale, saluée par plusieurs syndicats, devrait faciliter la traçabilité des services.
Modalités d’enregistrement et délais
Depuis l’entrée en vigueur le 19 septembre 2025, les opérateurs disposent d’un trimestre pour déposer leur dossier complet auprès de la Direction générale des transports terrestres. Les documents exigés comprennent le registre de commerce, le certificat fiscal, l’attestation CNSS, la police d’assurance et la fiche technique de chaque véhicule.
Les sociétés déjà agréées doivent simplement actualiser leur dossier, tandis que les nouvelles entités passent par la procédure classique d’obtention de licence. « Nous avons renforcé nos guichets uniques afin de fluidifier le processus », assure le directeur départemental à Pointe-Noire. Un système numérique de prédépôt est également annoncé pour décembre.
Perspectives pour la compétitivité nationale
En encadrant plus strictement l’accès à la profession, le gouvernement espère réduire les accidents liés à la vétusté des véhicules et améliorer la ponctualité des services interurbains. Cette crédibilité accrue pourrait attirer de nouveaux investisseurs, tant locaux qu’étrangers, sur les axes économiques Pointe-Noire–Brazzaville et Brazzaville–Ouesso.
Pour l’économiste Alain Samba, la mesure constitue « un pas vers la formalisation du secteur, condition nécessaire pour négocier demain des partenariats public-privé et moderniser les gares routières ». Plusieurs opérateurs travaillent déjà à l’acquisition de bus climatisés répondant aux normes CEMAC, avec l’appui de banques locales.
Les usagers y voient aussi un gain potentiel. « Si les contrôles sont réguliers, le confort et la sécurité suivront », estime Nicole, étudiante à l’université Marien-Ngouabi qui emprunte chaque semaine la ligne Brazzaville-Kinkala. Le succès de la réforme dépendra toutefois de la capacité à faire respecter les inspections itinérantes prévues.
Le ministère mise sur la sensibilisation plutôt que la sanction dans un premier temps. Des campagnes radio, affiches et réseaux sociaux rappelleront les nouvelles obligations et les avantages du cadre quinquennal. « Nous voulons accompagner les transporteurs vers plus de professionnalisme », conclut un conseiller technique.
Au-delà du contrôle, l’agrément limité dans le temps ouvre la porte à des statistiques plus fines. Des tableaux de bord actualisés aideront les collectivités à planifier l’entretien des routes, les zones de repos et les parkings poids-lourds. Les municipalités pourront mieux calibrer leurs taxes et encourager les dessertes manquantes.
À moyen terme, l’harmonisation pourrait faciliter l’intégration sous-régionale. Les transporteurs congolais alignés sur les mêmes exigences que leurs homologues gabonais ou camerounais gagneraient en fluidité douanière. Un argument mis en avant par la Fédération nationale du transport lors d’un atelier organisé à Brazzaville ce mois-ci.