Célébration des 145 ans du Traité Makoko-De Brazza
Le mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza a résonné cette semaine au rythme de la mémoire collective. Chercheurs, diplomates, étudiants et curieux y ont convergé pour saluer les 145 ans du Traité Makoko-De Brazza, acte fondateur des relations modernes entre le royaume téké et la France.
Autour du thème « Sur la route de l’histoire », un colloque international a réuni plusieurs panels pour décrypter la genèse, les enjeux et les résonances contemporaines de l’accord signé le 10 septembre 1880 à Mbé par le roi Iloo Ier et l’explorateur Pierre Savorgnan de Brazza.
Un colloque international à Brazzaville
Ouvert dans l’auditorium Denis-Sassou-Nguesso, l’événement a mis en avant l’apport des historiens congolais, mais aussi de chercheurs venus du Bénin, de France et du Cameroun, soucieux d’éclairer les zones d’ombre de la première rencontre diplomatique entre un souverain téké et la IIIe République française.
Tables rondes, projections d’archives, expositions de pièces rituelles et performances artistiques ont jalonné trois jours de débats, créant un pont entre science et tradition. Les organisateurs ont insisté sur l’importance de replacer la parole téké au centre du récit commun.
Le roi Makoko s’invite par écran interposé
Clou de l’agenda, un message vidéo envoyé depuis Mbé par Sa Majesté Michel Ganari, dix-huitième roi Makoko, a été diffusé devant une salle silencieuse. Sur les images, le souverain, entouré des notables, s’est adressé aux experts réunis à Brazzaville avec solennité.
Il a salué le climat apaisé du colloque, rappelant que « la paix est un chemin obligatoire pour notre cher pays ». En reprenant la formule du président Denis Sassou N’Guesso, le roi a souligné l’harmonie qui unit le trône téké aux institutions nationales.
Paix et stabilité, priorité présidentielle
Le souverain a tenu à « féliciter le chef de l’État pour les efforts constants en faveur de la stabilité ». Ce soutien royal, exprimé publiquement, a été applaudi par l’assistance, consciente que la dynamique sécuritaire demeure la condition préalable à toute recherche historique et à tout essor culturel.
Plusieurs intervenants ont d’ailleurs rappelé que les archives sont plus facilement ouvertes et protégées lorsque le pays traverse une phase de quiétude. Ils estiment que l’actuel contexte intérieur facilite la relecture d’événements sensibles sans passion excessive, ni crispation identitaire.
Bélinda Ayessa, mémoire vivante du royaume
Le roi n’a pas oublié de mettre en lumière Bélinda Ayessa, directrice générale du mémorial et princesse du royaume téké. Il a loué « sa détermination comparable au décollage d’un avion, affrontant le vent pour atteindre sa vitesse de croisière » et la charge d’entretenir la flamme patrimoniale.
Dans les couloirs, visiteurs et universitaires ont reconnu que la programmation muséale renforce les liens entre l’héritage téké et la jeunesse urbaine. Plusieurs expositions itinérantes, initiées sous sa houlette, sillonnent désormais les établissements scolaires de Brazzaville pour vulgariser une page souvent méconnue de l’histoire nationale.
Le passé interrogé pour éclairer demain
D’un ton pédagogique, le roi Makoko a exhorté l’auditoire à « interroger le passé sans honte », plaidant pour une écriture plurielle où « plusieurs encres utilisent désormais une seule plume ». Le propos a fait écho aux appels internationaux pour des historiographies plus inclusives.
Les chercheurs présents ont pris note de cette injonction et convenu d’élaborer un ouvrage collectif à paraître l’an prochain. Il rassemblera sources orales, archives françaises, correspondances missionnaires et chroniques du royaume, afin d’offrir un panorama nuancé, loin des clichés parfois persistants.
Un symbole royal remis aux partenaires
La séquence finale a vu la cour royale remettre un raphia symbolique à Bélinda Ayessa puis au représentant du royaume de Dahomey, saluant ainsi la dimension panafricaine du colloque. Le geste, capturé par les caméras, a été interprété comme un appel à la solidarité interroyaumes.
À l’issue des travaux, les participants ont formulé le vœu de pérenniser cet espace d’échanges. Des rencontres annuelles sont envisagées à Mbé et à Brazzaville afin de suivre l’avancement des recherches, mais aussi de renforcer le tourisme culturel dans la région du plateau téké.
Perspectives éducatives et numériques
Plusieurs startups congolaises, invitées pour l’occasion, ont dévoilé un prototype d’application mobile associant réalité augmentée et géolocalisation. L’outil permettra bientôt aux visiteurs de suivre pas à pas le parcours de Pierre Savorgnan de Brazza et du roi Iloo Ier, depuis le plateau jusqu’au fleuve.
Selon les développeurs, chaque étape sera enrichie de sons, de photos d’époque et de témoignages en langue téké, un moyen d’embrasser le multilinguisme cher au pays. Des partenariats avec les opérateurs télécoms sont en discussion pour garantir l’accès gratuit aux contenus pédagogiques.
Vers un itinéraire historique balisé
Le ministère de la Culture a profité du colloque pour annoncer un projet de sentier patrimonial entre Brazzaville et Mbé. Balises, panneaux explicatifs et haltes villageoises seront installés afin de dynamiser l’économie locale et d’offrir aux touristes une vision concrète du chemin diplomatique parcouru en 1880.
La direction générale du tourisme table sur une mise en service progressive dès 2025. Les chefs des villages concernés, consultés en amont, voient dans cette initiative une occasion de valoriser les savoir-faire artisanaux, tout en renforçant le sentiment d’appartenance à un récit national partagé.