Une parcelle au cœur de Brazzaville disputée
Au cœur du quartier La Poste, la parcelle 97, moins de mille mètres carrés, vient de provoquer l’une des décisions judiciaires les plus suivies de l’année. La Cour suprême a tranché en faveur de la République de Bulgarie, mettant fin à quinze ans d’incertitudes.
Le conflit foncier opposait la diplomatie bulgare à Mme Gisèle Ngoma, qui occupait les lieux et revendiquait un titre foncier concurrent. L’affaire, emblématique des enjeux de sécurité juridique à Brazzaville, soulève des questions dépassant le simple périmètre du terrain litigieux.
Un litige né dans les années 2000
D’après les archives cadastrales, la chancellerie bulgare détient un acte de vente notarié signé en 1971. Pourtant, au début des années 2000, la parcelle a été réimmatriculée au nom de Mme Ngoma, ancienne fonctionnaire devenue entrepreneuse, créant un enchevêtrement de titres qui s’est envenimé.
Plusieurs jugements rendus par le tribunal de grande instance, puis la cour d’appel, ont successivement donné raison à l’un et à l’autre, alimentant un feuilleton judiciaire suivi aussi bien par les riverains que par le corps diplomatique installé dans la capitale congolaise.
Les arguments présentés devant les juges
La défense de la Bulgarie s’appuyait sur le principe d’inviolabilité des missions diplomatiques énoncé par la Convention de Vienne de 1961, ainsi que sur la chaîne ininterrompue de titres notariés depuis l’acquisition. Le ministère congolais des Affaires étrangères avait fourni une attestation confirmant l’usage diplomatique continu des locaux.
Mme Ngoma, de son côté, avançait avoir acheté le terrain auprès d’ayants droit privés, soulignant l’absence d’exploitation visible par l’ambassade pendant une période prolongée. Ses conseils évoquaient la protection du droit de propriété et l’interdiction des possessions sans titre régulier au regard de la loi congolaise.
La portée de l’arrêt de la Cour Suprême
Dans son arrêt du 13 août 2025, la haute juridiction a confirmé la propriété bulgare, rappelant qu’un acte authentique prime toute inscription irrégulière ultérieure. Elle a aussi évoqué la nécessité de préserver l’image d’un Congo respectueux des engagements internationaux et protecteur de la stabilité foncière des missions étrangères.
« Nous saluons une décision conforme au droit et à la souveraineté de notre pays », a réagi maître Bruno Mbiem, avocat inscrit au barreau de Brazzaville. Pour la Cour, seule la sécurité juridique permet d’attirer des investisseurs et de consolider la confiance placée dans les institutions congolaises.
Conséquences pour la diplomatie bilatérale
L’ambassadeur de Bulgarie, Nikolay Kolev, a exprimé sa satisfaction, soulignant que l’arrêt réaffirme l’amitié historique entre Sofia et Brazzaville. Il a indiqué que la parcelle sera réaménagée pour accueillir un centre culturel, vitrine des échanges universitaires et commerciaux enclenchés ces dernières années entre les deux États.
Côté congolais, le ministère du Domaine a salué la clarté de la décision et promis la mise à disposition rapide des forces de l’ordre pour exécuter l’expulsion si nécessaire. « Le respect du droit international est une valeur cardinale de la diplomatie congolaise », a rappelé un communiqué.
Réaction des parties et de l’opinion publique
Mme Ngoma, jointe par téléphone, a déclaré qu’elle « prend acte » de l’arrêt mais envisage un recours auprès des instances africaines de défense des droits humains, estimant que sa bonne foi n’a pas été appréciée. Son entourage juge toutefois improbable une remise en cause d’une décision définitive.
Sur les réseaux sociaux, le hashtag #Parcelle97 a brièvement grimpé dans les tendances brazzavilloises. Beaucoup saluent la pédagogie de l’arrêt, tandis que d’autres soulignent la nécessité pour les particuliers de sécuriser leurs titres avant toute transaction. Aucun débordement n’a été signalé autour du site.
Un cas d’école pour la sécurité juridique
Pour le professeur André Malonga, spécialiste de droit immobilier à l’Université Marien-Ngouabi, l’affaire « illustre la tension entre le dynamisme du marché urbain et la rigueur des procédures foncières ». Selon lui, la décision pourrait servir de référence dans d’autres litiges impliquant des représentations étrangères.
Le verdict renforce aussi la fiabilité du cadastre numérique lancé en 2023 par le gouvernement congolais. Les autorités estiment que la dématérialisation des archives limite les risques de doubles attributions, un fléau qui pénalise l’investissement et engendre parfois des tensions communautaires dans les quartiers en pleine mutation.
À moyen terme, l’ambassade de Bulgarie prévoit de sécuriser le périmètre par une clôture moderne, puis de restaurer le bâtiment principal en tenant compte des normes environnementales du Plan national de développement. Des architectes congolais seront associés à l’ouvrage, signe d’une volonté de partenariat.
Pour de nombreux juristes, l’affaire Parcelle 97 montre que le système judiciaire congolais peut rendre des arrêts indépendants tout en contribuant à la stabilité économique. « La sécurité foncière est un pilier du climat des affaires », rappelle l’économiste Josiane Lousa, optimiste sur l’impact de la décision.
Dans un communiqué commun, les ministères congolais de la Justice et des Affaires étrangères ont rappelé que plus de soixante dossiers similaires sont actuellement en médiation. Ils encouragent les parties à privilégier la conciliation, solution moins coûteuse pour l’État et les particuliers et plus rapide pour la relance économique.