Une fermeture prolongée qui interroge les supporters
Depuis près d’un an, la plupart des enceintes de football nationales, dont le stade Alphonse-Massamba-Débat, demeurent inaccessibles aux compétitions. La décision, prise par le ministère des Sports pour des raisons présentées comme techniques, alimente de nombreuses interrogations parmi les supporters.
Réunis le 22 août 2025, les dirigeants de la Fécofoot ont déclaré ne pas comprendre la persistance de cette fermeture malgré l’ordonnance de rétractation rendue par la Cour d’appel de Brazzaville, qui avait levé la suspension provisoire des autorisations d’exploitation.
L’opinion publique sportive, très active sur les réseaux sociaux, oscille entre frustration et espoir, tandis que les rencontres de Ligue 1 se jouent à huis clos ou sur des terrains secondaires, loin de l’atmosphère galvanisante des gradins pleins.
Le cadre légal des concessions sportives
En mars 2014 puis en octobre 2016, deux textes officiels avaient accordé à la Fécofoot l’usage des stades pour vingt ans, en contrepartie de la pose, financée par la FIFA, de pelouses synthétiques. Ces accords restent, selon la Fédération, juridiquement valides.
Me Hervé Ipepa, spécialiste du droit sportif, rappelle que « seule une décision judiciaire définitive pourrait casser une convention en cours ». Il souligne toutefois l’obligation pour chaque partie d’assurer la sécurité et la maintenance des infrastructures conformément aux clauses techniques.
Le ministère, de son côté, insiste sur la nécessité de contrôler l’état des tribunes et des équipements électriques avant toute réouverture. Selon une source interne, un audit complet commandité en 2024 aurait révélé plusieurs non-conformités susceptibles d’engager la responsabilité de l’État en cas d’incident.
Les enjeux de sécurité et de modernisation
L’expérience d’autres stades africains, ces dernières années, a montré les conséquences dramatiques de bousculades causées par des barrières défaillantes. Brazzaville veut éviter tout risque, quitte à retarder la reprise, explique un ingénieur de la Direction générale des grands travaux.
Des travaux de rénovation de la toiture du stade Alphonse-Massamba-Débat, financés par un partenariat public-privé, auraient déjà commencé, selon la Société congolaise de construction. Les gradins devraient recevoir de nouveaux sièges ignifugés conformes aux standards CAF avant la fin de l’année.
La Fifa, sollicitée pour un soutien technique, a dépêché en juillet une délégation chargée d’évaluer la qualité des pelouses et des vestiaires. « Nous travaillerons en concertation avec les autorités pour garantir des conditions optimales aux joueurs et aux spectateurs », a déclaré la cheffe de mission.
Impact sur les clubs et compétitions nationales
Les clubs de Ligue 1 dépensent davantage pour louer de petits terrains, souvent en périphérie, avec des recettes billetterie en chute libre. À Pointe-Noire, l’AS Cheminots affirme avoir perdu 40 % de ses revenus mensuels depuis le déplacement forcé de ses matches.
Pour la Fédération, l’organisation de championnats sans stade référentiel renchérit également les coûts logistiques. Les images télévisées, captées dans des enceintes plus petites, séduisent moins les sponsors nationaux, même si la Radiodiffusion télévision congolaise continue de diffuser l’intégralité des rencontres.
Les supporters, eux, se regroupent désormais dans les bars ou sur les plateformes de streaming pour suivre les matches. Cette mutation, analysent des sociologues du sport à l’université Marien-Ngouabi, pourrait durablement transformer la culture du stade s’il n’y a pas de retour rapide.
Vers un dialogue entre Fécofoot et Ministère
Le président de la Fécofoot, Jean-Guy Blaise Mayolas, assure vouloir « privilégier la concertation » et dit attendre une réunion technique conjointe avant fin septembre. Il rappelle que la fédération a budgété une contribution aux travaux, notamment pour les systèmes d’éclairage et de vidéo-surveillance.
Contacté, le cabinet du ministre Hugues Ngouélondélé affirme que le gouvernement « se félicite de la disponibilité de la Fécofoot » et qu’un calendrier de réouverture progressif sera présenté, après validation des experts, afin de permettre aux clubs de préparer la saison 2026 en toute sécurité.
Les deux parties envisagent la création d’un comité mixte pour suivre l’avancement des chantiers. Celui-ci serait composé d’ingénieurs, de représentants des supporters et d’agents de la protection civile, dans le but d’associer chaque acteur à la gestion du risque et à la transparence.
Perspective internationale pour les Diables Rouges
Au-delà de l’enjeu local, la disponibilité des stades conditionne la participation du Congo aux éliminatoires de la Coupe du monde 2026. La CAF exige que chaque pays dispose d’une enceinte homologuée pour accueillir ses matches à domicile, faute de quoi le pays sera délocalisé.
Les Diables Rouges A’ sortent d’un CHAN 2025 encourageant. « Nous avons besoin de sentir nos fans derrière nous », confie le capitaine Prince Ognongué. Pour l’instant, l’équipe s’entraîne au Centre national de Kintélé, en attendant un feu vert pour rejouer à Brazzaville.
Entre impératifs de sécurité et impératifs sportifs, la balle est désormais au centre. Le public espère une issue rapide qui concilie modernisation et passion, dans l’intérêt du football national et de l’image du Congo sur les pelouses africaines et mondiales.