Une tension sportive aux résonances nationales
Le football, poumon populaire du Congo, traverse une zone de turbulences depuis que plusieurs enceintes demeurent closes aux compétitions. La situation oppose la Fédération congolaise de football, réhabilitée par les instances internationales, à un ministère des Sports soucieux, dit-il, d’assurer la sécurité et la conformité des lieux.
Dans la capitale, la fermeture répétée du stade Alphonse Massamba-Débat, temple des Diables Rouges, a alimenté les discussions des taxis-bus aux plateaux télé. Beaucoup y voient un simple bras de fer institutionnel ; d’autres redoutent un signal inquiétant pour l’attractivité sportive du pays.
Chronologie des fermetures de stades
Le premier verrou symbolique est tombé fin juillet, quand la finale de la Coupe du Congo a été délocalisée faute d’accès au terrain. Quelques jours plus tard, les barrages Racing Club-ASP se sont heurtés aux chaînes d’un portail fermé à Dolisie.
Des témoins rapportent que, simultanément, les mêmes infrastructures accueillaient des concerts grand public, nourrissant l’incompréhension. Selon un agent de sécurité rencontré à la grille, « nous ouvrons sur instruction écrite ». Le document concerné ne précisait toutefois pas la nature exacte des interdictions sportives.
La voix de la FECOFOOT
Réuni le 22 août, le comité exécutif de la FECOFOOT a dénoncé « un obstacle injustifié à la reprise des championnats ». Ses dirigeants martèlent que la suspension internationale ayant été levée, rien ne s’oppose plus légalement à l’organisation des compétitions nationales.
Le président Jean-Guy Mayolas rappelle que « chaque week-end sans match, ce sont des centaines de jeunes privés de visibilité ». L’instance fédérale assure avoir transmis un calendrier détaillé, incluant mesures sanitaires et plan de sûreté, afin de répondre aux préoccupations gouvernementales.
Les arguments avancés par le ministère
Contactée, une source au ministère évoque une « phase d’audit technique » ordonnée après des rapports signalant corrosion, éclairage déficient et défaillances électriques. « Aucun stade ne sera remis en service sans certification d’ingénieurs indépendants », insiste-t-elle, plaidant la prudence après plusieurs accidents recensés dans la sous-région.
Le cabinet du ministre rappelle également que des fonds importants ont été débloqués pour moderniser les enceintes avant les Jeux africains de 2027. « Nous refusons de travailler dans l’urgence », affirme le conseiller en charge des infrastructures, soulignant un taux d’avancement de 60 %.
Conséquences sur le terrain et dans les tribunes
A Brazzaville, clubs et supporters ressentent déjà les effets de l’arrêt. Les matchs amicaux improvisés dans des terrains de quartiers n’attirent ni arbitres officiels ni diffuseurs, limitant les recettes. Plusieurs entraîneurs craignent une baisse de régime physique avant les tours préliminaires des coupes continentales.
Chez les Diables Rouges A’, le staff médical note un déficit de compétition qui peut accentuer le risque de blessures. « La charge d’entraînement ne remplace pas la pression d’un match officiel », rappelle le préparateur physique, convaincu que quelques rencontres annulées peuvent coûter un tournoi.
Dimensions économiques et sociales
Les petites entreprises qui gravitent autour des stades ressentent également le contrecoup. Vendeuses de brochettes, imprimeurs de billets, mototaximen et animateurs d’avant-match estiment avoir perdu jusqu’à 30 % de leur chiffre d’affaires depuis juillet, selon une enquête rapide du Centre d’études sportives de Brazzaville.
Au-delà du pouvoir d’achat, certains sociologues évoquent la fonction cathartique du football, utile pour la cohésion urbaine. « Sans tribunes, les frustrations se déplacent vers la rue », observe l’universitaire Émile Bemba, qui préconise une reprise progressive sous strict encadrement logistique.
Vers une sortie de crise concertée
D’après nos informations, une réunion tripartite entre ministère, FECOFOOT et représentants de clubs est envisagée début septembre. L’objectif serait de classifier les stades selon leur état, puis de rouvrir graduellement ceux jugés conformes. La Banque mondiale soutiendrait l’initiative via un programme d’entretien.
Une médiation parlementaire est également sur la table. Plusieurs députés souhaitent auditionner les parties dès la rentrée afin de « préserver l’image du sport national ». Pour l’heure, aucune date n’a été fixée, mais le Bureau de l’Assemblée promet un calendrier sous peu.
Ce que préparera la prochaine saison
La saison 2025-2026, attendue comme la plus dense depuis une décennie, doit inclure un nouveau format de Ligue 1 à quatorze clubs ainsi que la relance de la Ligue féminine. Chaque semaine perdue complique le respect des fenêtres continentales et des engagements télévisuels.
Pour anticiper d’éventuels retards, la FECOFOOT planche sur des stades alternatifs à Owando, Impfondo ou Pointe-Noire. Le ministère, de son côté, évoque la possibilité d’accélérer certains chantiers grâce à des partenariats public-privé, signe qu’un terrain d’entente pourrait émerger.
Les supporters s’organisent
Face à l’incertitude, plusieurs associations de supporters ont lancé des campagnes sur les réseaux sociaux pour sensibiliser aux enjeux d’entretien des stades. Le hashtag #OuvrezNosPortes a ainsi été repris par près de 50 000 comptes congolais en une semaine, selon la plateforme SocialNet.
Des collectes bénévoles ont également permis de financer l’achat de peinture et de matériels de nettoyage pour les gradins du stade Marchand. « Nous voulons montrer que la sauvegarde de nos arènes est l’affaire de tous », explique Mireille Ngoma, présidente d’un club de fans.
Le mouvement prévoit une marche pacifique après la rentrée scolaire pour appeler au dialogue, dans le respect des mesures sanitaires.