Brazzaville en mode brainstorming
Le 18 et le 19 septembre, près de soixante experts issus de l’administration, du monde des affaires, des syndicats et des ONG ont investi une salle d’hôtel à Brazzaville pour imaginer le Congo qu’ils présenteront au deuxième Sommet mondial sur le développement social prévu à Doha en novembre 2025.
La réunion, co-organisée par le gouvernement et le Système des Nations unies, a adopté une méthode dite « multi-acteurs »: chaque table associait un fonctionnaire, un entrepreneur, un représentant communautaire et un partenaire technique, afin que les propositions tiennent compte des réalités de terrain autant que des orientations internationales.
« La participation du Congo à Doha doit être l’occasion de montrer que nos réponses viennent d’abord de chez nous », a insisté, au nom du Coordonnateur résident des Nations unies, le Dr Vincent Sodjinou, représentant de l’OMS, saluant un « engagement national remarquable ».
Trois axes stratégiques validés
Les débats ont rapidement convergé vers trois priorités considérées comme les leviers les plus efficaces contre la vulnérabilité : l’emploi productif et le travail décent, l’intégration et l’inclusion sociale, puis la réduction de la pauvreté assortie d’un système de protection sociale plus performant.
Chaque groupe thématique a dressé un bilan sans complaisance des progrès réalisés depuis la Déclaration de Copenhague de 1995. Des avancées en matière de couverture santé universelle ont été notées, mais l’assurance vieillesse reste embryonnaire et les emplois générés hors pétrole demeurent trop informels, ont reconnu plusieurs intervenants.
Sur la question de l’inclusion, les délégués ont rappelé que plus de la moitié des Congolais vivent en milieu urbain, plaidant pour des programmes spécifiquement calibrés pour les quartiers périphériques, où la jeunesse réclame à la fois une première chance professionnelle et l’accès à des services sociaux de base fiables.
Des solutions maison déjà opérationnelles
Plusieurs initiatives nationales ont été mises en avant comme bonnes pratiques, dont le Programme Lisungi d’assistance directe aux ménages vulnérables, ou encore les brigades agricoles qui forment chaque année des centaines de jeunes aux métiers de la transformation alimentaire, réduisant la dépendance aux importations.
Une représentante de la Chambre de commerce a souligné que certaines PME bénéficiaires du fonds Lisungi réalisent aujourd’hui des ventes hors ligne et en ligne, illustrant « la capacité de résilience de l’économie populaire lorsque l’État joue un rôle d’animateur plutôt que de simple allocataire ».
Du côté des affaires sociales, le directeur de cabinet Eugène Ickounga a rappelé l’ambition gouvernementale de couvrir 80 % des ménages pauvres d’ici 2030 grâce à un guichet unique et à une digitalisation progressive des subventions, afin d’éviter les doublons et d’accélérer les paiements aux bénéficiaires.
Une position nationale déjà couchée sur papier
Au terme des deux jours, les rapporteurs ont présenté une note de position nationale de quinze pages, ainsi qu’une matrice d’engagements pour 2025-2030. Ce document stratégique prévoit des cibles claires, comme une hausse annuelle de 2 % de l’emploi formel et le doublement des filets sociaux.
Le texte, validé en plénière, s’appuie sur le Plan national de développement 2022-2026 tout en l’enrichissant de volets genre, jeunesse et handicap. Les rédacteurs estiment que cet ancrage dans une stratégie déjà budgétée facilitera la mise en œuvre et le suivi post-Doha.
Pour la Banque mondiale, présente comme partenaire technique, « assurer la cohérence entre les engagements internationaux et les plans nationaux est essentiel pour attirer les investisseurs sociaux et consolider la crédibilité du pays », a déclaré un conseiller senior avant d’encourager la poursuite de la concertation.
Cap sur Doha : les prochaines étapes
Le calendrier arrêté prévoit la validation interministérielle du document d’ici décembre, suivie d’une présentation au Parlement pour appropriation nationale. Au premier trimestre 2024, une campagne digitale d’information sera lancée afin de vulgariser les engagements et de recueillir les attentes du grand public.
Le ministère des Finances a d’ores et déjà indiqué que les mesures nécessitant un financement additionnel seraient inscrites dans le budget 2025, ce qui laissera une marge de négociation avec les bailleurs avant le sommet. Les experts saluent cette anticipation jugée cruciale pour la crédibilité du dossier.
À Doha, la délégation congolaise devrait être conduite par la ministre des Affaires sociales et par le ministre du Plan, accompagnés d’acteurs non étatiques. Leur mandat sera de défendre les initiatives locales, mais aussi de nouer des partenariats, notamment dans les domaines de la formation professionnelle et du numérique solidaire.
Un engagement salué par les partenaires
À la clôture, Eugène Ickounga a exprimé la gratitude du gouvernement envers les partenaires, soulignant que « la solidarité internationale renforce notre action nationale ». L’ONU, l’Union africaine et l’Organisation internationale du travail ont tour à tour assuré leur appui technique jusqu’au jour J du sommet.
Avec cette feuille de route, le pays confirme sa volonté de porter sur la scène internationale une voix africaine tournée vers la solidarité, l’inclusion et le dynamisme économique. D’ici le sommet, l’enjeu sera de transformer ces ambitions en actions tangibles sur le terrain national.