Brazzaville célèbre le bois congolais
Depuis le 11 août, les allées du futur village artisanal dressé face au stade Massamba-Débat fourmillent d’étals, de copeaux parfumés et de mélodies bantoues. La 4ᵉ édition du Salon des métiers du bois (SAMEB) y déploie ses 136 exposants venus de tout le pays.
Décliné jusqu’au 25 août autour du thème « Bois et artisanat : de la forêt à la maison, consommons congolais », le rendez-vous entend dépasser l’exposition pour devenir un laboratoire d’idées, de partenariats et d’opportunités économiques pour la jeunesse.
Artisanat et diversification économique
Présente à l’ouverture, la ministre des PME, Jacqueline Lydia Mikolo, souligne que le SAMEB « incarne la volonté de placer la filière bois au cœur de la stratégie nationale de diversification ». Pour elle, l’artisanat offre un relais de croissance complémentaire aux hydrocarbures.
Selon le ministère de l’Économie forestière, un mètre cube de bois transformé localement génère six emplois directs, contre moins de deux lorsqu’il est exporté brut. Le salon veut ainsi démontrer que la valeur ajoutée peut rester au Congo et irriguer les quartiers urbains.
Le salon consacre également une journée au « pitch des jeunes pousses ». Des start-ups proposent des applications de calcul de débitage ou de réalité augmentée pour l’agencement intérieur. Le but est de rapprocher l’artisan traditionnel de l’entrepreneur numérique et de séduire les investisseurs internationaux et locaux.
Former et protéger les créateurs
Au-delà de la vitrine commerciale, le gouvernement présente un plan de professionnalisation : ateliers de design, modules de gestion et accompagnement par la Caisse nationale de sécurité sociale pour donner à l’artisan la même couverture qu’un salarié du secteur formel.
« Sur 200 000 artisans recensés, seuls 12 % cotisent aujourd’hui », rappelle le sociologue Cyrille Goma. « En intégrant l’assurance maladie et la retraite, nous stabilisons des milliers de parcours », ajoute-t-il, saluant une approche qui conjugue inclusion sociale et compétitivité.
La forêt, capital naturel à gérer
Le Congo dispose d’un potentiel ligneux estimé à 900 millions de mètres cubes répartis sur plus de 300 essences. Pourtant, à peine 1,7 million de mètres cubes sont aujourd’hui valorisés. L’écart révèle, selon la ministre Rosalie Matondo, « un chantier immense ».
L’édition 2025 met donc l’accent sur la certification forestière, les technologies de séchage solaire et la récupération des rebuts pour l’énergie domestique. Objectif affiché : prouver que croissance et conservation peuvent coexister, sous l’œil attentif du PNUD et des partenaires techniques.
Dans les allées, les ONG environnementales sensibilisent à la lutte contre le changement climatique. Elles expliquent aux visiteurs que chaque table ou statuette achetée à un artisan certifié participe à la réduction de l’exploitation illégale, donc à la préservation des services écologiques mondiaux.
Innovation et design durable
Au détour des stands, les visiteurs découvrent une chaise longue taillée dans le limba, un drone de télédétection en contreplaqué local ou encore des bijoux en raphia inspirés des motifs téké. Les artisans rivalisent d’ingéniosité pour répondre aux goûts urbains contemporains.
Le label « Made in Congo » se veut gage d’authenticité et de qualité. Un comité d’experts travaille à une charte incluant traçabilité, durabilité et esthétique. À terme, les organisateurs espèrent séduire les marchés d’Afrique centrale et la diaspora, sensible aux produits identitaires.
Financement, le nerf de la création
Le Fonds national de soutien aux PME artisanales annonce une enveloppe initiale de dix milliards de francs CFA pour des crédits à taux préférentiel. Les banques commerciales, longtemps frileuses, se disent prêtes à cofinancer des lignes de microleasing dédiées aux machines-outils.
Pour l’économiste Florent Bifoungou, « un artisan peut tripler sa productivité avec une raboteuse moderne, mais il lui faut un prêt adapté ». Il plaide pour des procédures simplifiées et l’usage du téléphone mobile afin de suivre les remboursements en temps réel.
Un stand pilote présente la titrisation future des revenus artisanaux via la blockchain. Les organisateurs y voient un moyen transparent de sécuriser les transactions et d’attirer l’épargne locale. « La technologie peut garantir la confiance sans remplacer la poignée de main », insiste le régulateur financier.
Rayonnement sous-régional
Des délégations camerounaises, gabonaises et rwandaises arpentent les allées à la recherche de partenariats. Le SAMEB veut devenir la plate-forme sous-régionale du bois transformé, à l’image du Salon de Douala pour l’agroalimentaire ou de la Foire de Kigali pour le textile.
« Nous sommes ici pour sourcer des panneaux lamellés collés made in Congo », confie Monique Zam, acheteuse camerounaise. La dynamique répond également à la Zone de libre-échange continentale africaine, qui encourage la circulation des biens et savoir-faire entre États membres.
Cap sur 2026
Les portes du SAMEB se refermeront le 25 août, mais les organisateurs planchent déjà sur une édition 2026 centrée sur le numérique et la chaîne logistique. Ils ambitionnent une croissance de 30 % du volume d’affaires et l’arrivée de nouveaux investisseurs privés.
En attendant, artisans, étudiants et cadres sont conviés à « sublimer, acheter, consommer, soutenir et propulser l’artisanat congolais ». Une invitation qui fait écho à la vision présidentielle : plus qu’un événement, le SAMEB se veut catalyseur d’une économie résiliente et créative.