Une soirée musicale inédite à Brazzaville
Dimanche 21 septembre 2025, le Palais des congrès a troqué ses sonorités habituelles pour un cocktail d’archets, de cuivres et de percussions consacrés à la rumba congolaise. L’Orchestre symphonique des enfants de Brazzaville, mieux connu sous l’acronyme Oseb, a proposé un spectacle qualifié d’exceptionnel par les spectateurs présents.
Annoncée comme « cent pour cent rumba symphonique », la représentation a répondu à la promesse dès les premières mesures. Au fil de deux heures de concert, des classiques populaires, de Tabu Ley à Papa Wemba, ont été revisités par des arrangements qui ont marié finesse orchestrale et cadence du bassin congolais.
Un orchestre pas comme les autres
Créé en 2018 par des pédagogues congolais et allemands, l’Oseb regroupe aujourd’hui soixante jeunes musiciens âgés de cinq à vingt-deux ans. Violons miniatures, violoncelles, clarinettes et tambours ngoma cohabitent à l’unisson, faisant de l’ensemble le premier orchestre symphonique juvénile d’Afrique centrale.
Le maestro Josias Ngahata porte la baguette fondatrice. Lui-même formé au Conservatoire de Brazzaville avant un passage à l’Académie de Dresde, il défend l’idée que « l’orchestre apprend la discipline, l’écoute et la confiance, des valeurs qui rayonnent bien au-delà de la scène ».
Trois anniversaires dans une même harmonie
La soirée ne marquait pas seulement sept ans d’existence musicale. En amont du lever de rideau, l’ambassadeur d’Allemagne, Dr Wolfgang Klapper, a rappelé « les cinquante ans de jumelage entre Brazzaville et Dresde ainsi que les soixante-cinq ans de relations diplomatiques entre nos deux pays ».
Le diplomate, en fin de mission après près de cinq ans passés au Congo, a salué le public pour ses « moments partagés riches en culture et en amitié ». Son intervention s’est conclue par de chaleureux applaudissements, renforçant la dimension symbolique d’une soirée placée sous le signe de la musique et de la coopération.
La rumba revisitée en majesté symphonique
Sur scène, l’arrangement ingénieux d’« Indépendance Cha-Cha » a fait se lever plusieurs rangs dès le deuxième mouvement, porté par les coups de bowings syncopés qui réinterprétaient la guitare traditionnelle. Les chœurs polyphoniques, tenus par une trentaine d’enfants, ont redonné au morceau une fraîcheur inédite.
Les partitions, écrites par de jeunes arrangeurs congolais, alternaient sections en tutti éclatant et réponses intimistes des cordes. Cette lecture orchestrale a ouvert de nouvelles passerelles entre patrimoine populaire et écriture classique, démontrant que la rumba, inscrite depuis 2021 au patrimoine immatériel de l’UNESCO, reste une source inépuisable d’innovation.
Public restreint mais conquis
Malgré la communication des organisateurs et l’éclectisme annoncé, l’affluence n’a pas atteint les attentes. Une moitié seulement des sièges rouges de la grande salle se trouvait occupée, reflet sans doute d’un calendrier culturel chargé en ce début de saison.
Les absents ont cependant eu tort. À l’issue de chaque morceau, les salves d’applaudissements résonnaient longuement, ponctuées de « bis » spontanés. « C’est la première fois que j’entends une rumba portée par un hautbois », confiait Mireille, ingénieure venue avec sa fille de dix ans, visiblement émerveillée.
Levée de fonds et reconnaissance
Au terme du rappel, les jeunes violonistes ont quitté leurs pupitres pour passer entre les rangs avec des paniers aux couleurs nationales. Les contributions serviront à financer des instruments adaptés à la taille des plus petits et à soutenir une tournée prévue à Pointe-Noire.
Avant de refermer le pupitre, la violoniste Solange, 17 ans, a remercié les donateurs. « Nous ne jouons pas seulement des notes ; nous écrivons notre avenir », a-t-elle lancé, sous le regard ému de son maestro. En retour, l’orchestre a remis une statuette symbolique à Josias Ngahata pour son engagement.
Perspectives et rendez-vous à venir
Selon l’équipe technique, un enregistrement live pourrait voir le jour si les fonds réunis dépassent les prévisions. L’objectif serait de proposer un album numérique disponible sur les principales plateformes de streaming afin de toucher la diaspora congolaise.
D’ici là, l’Oseb prévoit de rejouer le programme lors d’un concert en plein air sur l’esplanade de la mairie centrale. « Nous espérons un public encore plus nombreux pour partager cette fierté nationale », a déclaré le coordinateur du projet, rappelant que la culture reste un pont solide entre générations.
Au sortir de la salle, chacun retenait l’écho d’une rumba transfigurée par l’orchestre. Les sourires scellés sur les visages d’enfants laissaient deviner l’envie de poursuivre la note jusqu’au bout de la nuit, promesse d’un futur chapitre musical déjà très attendu.