Le pari congolais d’une gouvernance proactive des risques
Au cours d’un atelier technique tenu du 8 au 10 juillet 2025 à Brazzaville, les autorités congolaises, épaulées par le Programme des Nations unies pour le développement, ont parachevé la révision de la Stratégie nationale de relèvement post-catastrophes et de préparation aux crises futures 2025-2030. Cette séquence – ouverte par Mme Carine Ibatta, directrice de l’assistance humanitaire au ministère des Affaires sociales – répond à un impératif croissant : encadrer, de manière cohérente et budgétairement soutenable, la réponse de l’État face aux chocs climatiques et technologiques qui se sont multipliés depuis la saison des pluies 2023.
Un socle normatif aligné sur le Cadre de Sendai
Le document, nourri par l’évaluation post-catastrophes conduite en 2024 avec la méthodologie PDNA, s’inscrit dans les standards internationaux de réduction des risques. L’articulation avec le Cadre de Sendai 2015-2030 est assumée, tant sur la priorisation des infrastructures critiques que sur la mise en place d’un système d’alerte précoce multirisques. « Il n’était plus question de juxtaposer des plans sectoriels : il fallait une architecture unique, lisible pour nos partenaires techniques et financiers », souligne Joseph Pihi, expert résilience au PNUD, en marge des débats.
156,7 milliards FCFA d’investissements ciblés
Estimé à 156,7 milliards de francs CFA pour la seule période 2025-2026 – soit près de 239 millions d’euros –, le coût global illustre l’ambition gouvernementale. Les financements seront colorés par un montage hybride associant crédits budgétaires, guichet vert du PNUD, guichets climat multilatéraux et contributions des organisations humanitaires telles que la Croix-Rouge. Le ministère des Finances évoque une « trajectoire budgétaire réaliste », reposant sur une programmation pluriannuelle intégrée au Document de stratégie pour la croissance inclusive.
Reconstruction, relance économique et capital humain
Trois faisceaux d’actions structurent la matrice opérationnelle. D’abord le relèvement post-catastrophes, centré sur la réhabilitation d’écoles, de centres de santé et de logements aux normes parasismiques dans les départements particulièrement touchés que sont la Cuvette, les Plateaux et le Kouilou. Ensuite, la restauration des infrastructures essentielles, avec un accent sur les routes secondaires et les forages ruraux motorisés à énergie solaire, considérés comme leviers d’intégration des marchés vivriers. Enfin, la relance des moyens de subsistance, où l’agro-écologie, l’aquaculture et l’élevage extensif constituent la cheville ouvrière de l’autonomie alimentaire et de la stabilité sociale. La stratégie défend la réduction de la dépendance aux importations céréalières, un objectif salué par la Confédération africaine des organisations paysannes (CAOP).
Une approche inclusive et ancrée dans les territoires
Le texte accorde une importance particulière aux populations les plus exposées. Il intègre des indicateurs de genre, de handicap et de couverture géographique pour s’assurer que les actions de relèvement ne reproduisent pas des inégalités préexistantes. « La résilience est d’abord un processus social », rappelle Mme Ibatta, soulignant que les comités locaux de prévention des risques seront dotés d’un budget de fonctionnement afin de consolider l’appropriation communautaire. Les préfets, pour leur part, auront mandat de décliner les plans de contingence avant la prochaine grande saison des pluies.
Défis de mise en œuvre et mécanismes de redevabilité
Le gouvernement reconnaît que le succès du plan dépendra autant de la mobilisation des ressources que de la qualité du suivi-évaluation. Un tableau de bord trimestriel, hébergé au ministère de l’Aménagement du territoire, consolidera les données opérationnelles, tandis qu’un audit indépendant annuel, financé par la Banque africaine de développement, viendra renforcer la redevabilité. Les experts préconisent également l’adossement à la future plateforme nationale de données climatiques, afin d’harmoniser les alertes et d’éviter la fragmentation informationnelle qui avait ralenti l’assistance durant les crues de 2023.
Perspectives diplomatiques et attractivité des investissements
Au-delà de la stricte gestion des catastrophes, la Stratégie 2025-2030 s’inscrit dans une diplomatie de la résilience que Brazzaville promeut depuis la COP27. En alignant ses priorités sur les objectifs de l’Agenda 2063 de l’Union africaine, le Congo transmet un signal de crédibilité aux bailleurs institutionnels. La sécurisation des corridors logistiques et la stabilité des chaînes d’approvisionnement devraient élargir la base d’investisseurs intéressés par les secteurs de l’agro-transformation et des énergies renouvelables. « Un pays qui protège ses populations et ses infrastructures rassure naturellement les capitaux », fait valoir un conseiller économique européen en poste à Kinshasa.
Un cap résolument tourné vers 2030
L’atelier de Brazzaville marque une étape décisive, mais non la ligne d’arrivée. Les six prochaines années exigeront persévérance, coordination intersectorielle et pédagogie publique pour transformer les principes de la stratégie en bénéfices tangibles. Pour l’heure, la consolidation du consensus entre l’État, les partenaires internationaux et la société civile constitue un acquis stratégique. En misant sur la prévention et la reconstruction durable, la République du Congo se dote d’un instrument de souveraineté moderne, capable de protéger ses citoyens et de renforcer son positionnement sur l’échiquier régional.