Un chantier d’envergure nationale
Au poste de Loudima, le 21 août, les marteaux des techniciens résonnaient déjà lorsque le ministre de l’Énergie et de l’Hydraulique, Émile Ouosso, a lancé la réhabilitation de la ligne haute tension reliant Pointe-Noire à Brazzaville, longue de cinq cents kilomètres.
Face aux responsables locaux, il a qualifié ce projet de « colonne vertébrale indispensable pour notre souveraineté énergétique », rappelant que le corridor sud-nord porte chaque jour l’essentiel de l’électricité consommée par les deux principales villes congolaises et leurs zones industrielles.
Le chantier, confié au groupe Eni Congo, s’effectuera sans interruption d’alimentation grâce à un phasage précis des interventions sur les pylônes, une approche saluée par les syndicats d’électriciens qui redoutaient des coupures prolongées en période de forte consommation.
Pointe-Noire-Brazzaville, colonne vertébrale électrique
Mise en service en 2002, la ligne de 220 kV transporte aujourd’hui plus de la moitié des mégawatts produits dans le Sud vers la capitale administrative, mais son vieillissement se traduit par des pertes techniques estimées à 14 %, d’après la Direction générale de l’Énergie.
Neuf postes électriques, dont ceux de Mindouli et Ngoyo, seront modernisés ; certains recevront des compensateurs statiques capables de stabiliser la tension malgré les variations rapides de charge observées depuis la montée en puissance de nouvelles industries agro-alimentaires et minières.
De nouveaux capteurs installeront une surveillance en temps réel de la température des câbles et de la direction du vent, afin d’éviter l’échauffement ou le contact avec la végétation, deux causes majeures des incidents recensés ces dernières années sur le tracé forestier.
Eni Congo, un partenaire stratégique
Présent à la cérémonie, le directeur général d’Eni Congo, Andrea Barberi, a décrit l’opération comme « un pont entre les besoins pressants d’aujourd’hui et les ambitions durables de demain », soulignant que ses équipes sont mobilisées sur le terrain depuis déjà quatre semaines.
Eni, actionnaire minoritaire de la Centrale électrique du Congo, rappelle produire plus de 70 % de l’énergie nationale avec un taux de disponibilité supérieur à 98 %. La modernisation de la ligne est donc perçue comme un verrou supplémentaire pour sécuriser cette production.
« Nous respecterons les calendriers et les normes internationales », a assuré M. Barberi, précisant que les conducteurs en aluminium-acier acheminés par voie maritime sont conçus pour résister à la corrosion saline et aux orages équatoriaux, fréquents sur le littoral congolais.
Des bénéfices concrets pour la population
Pour les ménages brazzavillois, l’actualité rime souvent avec micro-coupures. La société nationale dispatching estime qu’une fois les travaux achevés, la tension ne variera plus que de ±2 %, limitant la dégradation prématurée des appareils électroménagers et la perte de données dans les cybercafés.
Dans la capitale économique, les industriels du bois, du ciment et de la pêche espèrent une réduction des arrêts non planifiés qui grèvent la compétitivité. Un seul arrêt de four rotatif coûte plusieurs millions de francs CFA, rappelle la Fédération des entreprises du Congo.
La continuité du service permettra aussi aux écoles et aux centres de santé ruraux branchés le long de la ligne de sécuriser vaccins et cours numériques, un enjeu souligné par le Programme des Nations unies pour le développement qui finance divers micro-réseaux solaires d’appoint.
Moderniser pour sécuriser l’avenir énergétique
Selon la Commission de la CEMAC, l’interconnexion avec le système électrique du Cameroun exigera, d’ici 2027, une capacité de transit supplémentaire de 200 MW sur l’axe Pointe-Noire-Brazzaville ; le chantier lancé aujourd’hui prépare donc aussi l’intégration sous-régionale.
Le gouvernement mise par ailleurs sur l’apport des centrales hydroélectriques de Chollet et de Sounda, actuellement en études, pour verdir le mix et réduire les coûts de production. Un réseau de transport robuste est la condition sine qua non pour évacuer cette énergie renouvelable.
Le ministère de l’Environnement note qu’une meilleure efficacité du réseau diminuera les émissions liées aux groupes électrogènes diesel, dont la consommation pourrait baisser de 30 millions de litres par an, équivalent à plus de 75 000 tonnes de CO2.
Pour assurer la formation locale, l’Institut universitaire de technologie de Pointe-Noire a obtenu un appui pour équiper son laboratoire haute tension. Les étudiants pourront ainsi suivre, en temps réel, les essais mécaniques et électriques réalisés sur les conducteurs amenés à remplacer les anciens câbles.
Avant de conclure la cérémonie, Émile Ouosso a remis un échantillon de conducteur au directeur d’Eni, symbole d’un partenariat « qu’il faudra célébrer par la fiabilité retrouvée des lampadaires et des lignes de production ». Les applaudissements ont longtemps couvert le grondement discret des groupes électrogènes voisins.
Dans les prochains mois, un comité de suivi rassemblant ingénieurs du ministère, représentants d’Eni et universitaires publiera des rapports trimestriels accessibles au public. Cette transparence, présentée comme gage de confiance, devrait encourager les bailleurs internationaux à soutenir d’autres réhabilitations régionales.
Le premier pylône renforcé sera érigé dès octobre, signe visible d’un renouveau que de nombreux usagers attendent impatiemment.