Une ambition académique renouvelée
Dans les amphithéâtres de la FLASH, les 7 et 8 août 2025, un air de renouveau a soufflé sur la recherche congolaise. Pour la première fois, la formation doctorale « Espaces littéraires, linguistiques et culturels » a réuni mastérants, doctorants et enseignants autour de journées dédiées à la réflexion scientifique.
Le doyen, Pr Evariste Dupont Boboto, a salué « une initiative qui fait revivre la faculté ». Le rendez-vous, porté par les maîtres de conférences Bienvenu Boudimbou et Dieudonné Moukouamou Mouendo, répond à une attente ancienne : offrir aux jeunes chercheurs un cadre d’échanges structuré et visible.
Diversité et unité des littératures francophones
Ouvrant les débats, le Pr Moukouamou Mouendo a rappelé que parler de « littératures francophones » au pluriel revient à reconnaître les multiples contextes d’émergence. Nées au XIXᵉ siècle, ces œuvres interrogent identité, humanisme ou mémoire tout en portant la marque singulière de chaque espace culturel.
« La littérature francophone existe parce que la francophonie existe », a-t-il résumé. Dans un environnement congolais où la langue française cohabite avec une trentaine de langues nationales, la question de la pluralité prend une résonance particulière pour de jeunes chercheurs en quête de problématiques inédites.
La méthode, clé d’une recherche féconde
Le même conférencier a invité les doctorants à dépasser l’approche monolithique. Comparatisme pour mettre en lumière convergences et écarts, analyse linguistique pour décoder le dialogue entre langues locales et français, ou encore croisement avec la sociologie et l’anthropologie : la pluridisciplinarité est érigée en principe.
« Aucun texte ne se lit seul », a insisté l’universitaire, encourageant la prise en compte du contexte historique, des circulations éditoriales et des pratiques de réception. Cet appel méthodologique vise à aligner la recherche congolaise sur les standards internationaux tout en valorisant les spécificités locales.
Former pour l’emploi culturel de demain
La seconde thématique, animée par le Pr Bienvenu Boudimbou, s’est penchée sur la professionnalisation. Selon une enquête citée par le chercheur, trois élèves sur quatre choisissent la série littéraire après le BEPC, mais peinent ensuite à identifier des filières à forte valeur économique.
Les licences en lettres, arts ou droit pâtissent d’une image « trop générale ». Pourtant, les métiers de la culture se diversifient : création audiovisuelle, rédaction web, gestion d’événements, propriété intellectuelle ou marketing culturel offrent des perspectives réelles, à condition d’acquérir les bonnes compétences pratiques.
Vers des passerelles université-entreprises
Un consensus s’est dégagé : la faiblesse des partenariats freine l’insertion professionnelle. Stages, projets tutorés et mentors issus des médias ou des industries créatives restent rares. Pour le Pr Boudimbou, « il faut rapprocher les bancs de la faculté des studios, des rédactions et des start-up ».
Plusieurs pistes ont été évoquées : clauses de stage systématiques dans les maquettes pédagogiques, incubateur universitaire pour porteurs de projets culturels, ou encore conventions tripartites avec les maisons d’édition locales. L’objectif est clair : transformer les savoirs littéraires en compétences monétisables.
L’enjeu numérique au cœur des arts
À Brazzaville, le mobile est roi et les réseaux sociaux constituent un canal privilégié d’expression artistique. « Le clic vaut du fric », a rappelé le conférencier. De la scénarisation de podcasts à l’animation de communautés virtuelles, les métiers culturels migrent vers l’économie numérique.
Les doctorants ont ainsi débattu des moyens d’intégrer la maîtrise des outils digitaux dans les cursus. Filmer, monter, coder ou optimiser le référencement devient aussi essentiel que commenter un texte de Sony Labou Tansi. Cette hybridation répond aux attentes d’une jeunesse connectée et créative.
Perceptions étudiantes et réponses institutionnelles
Dans les couloirs, certains étudiants ont confié leur enthousiasme. « On se sent écoutés et guidés », témoigne Nadège Mabika, inscrite en M2 de lettres modernes. D’autres pointent la nécessité de ressources documentaires accrues et de bureaux équipés pour la recherche numérique.
Le Pr Anatole Banga, responsable d’ELLIC, a souligné que la faculté dispose désormais d’une feuille de route : renforcer l’encadrement, diversifier les séminaires et multiplier les rencontres avec les acteurs culturels. Un calendrier semestriel de colloques disciplinaires est déjà en préparation pour 2026.
Un signal fort pour la recherche congolaise
Ces premières journées doctorales attestent d’une volonté institutionnelle de hisser la production scientifique congolaise sur la scène francophone. La synergie entre enseignants et apprenants, évaluée positivement par les participants, devrait favoriser l’émergence de travaux publiables dans les revues indexées.
À terme, le modèle pourrait inspirer d’autres facultés et contribuer à la visibilité internationale de l’Université Marien Ngouabi. Dans un pays où la culture est un vecteur de cohésion, promouvoir la recherche en littératures francophones apparaît comme un investissement stratégique pour l’avenir.