Un passage de relais suivi de près par les marchés
Le 1ᵉʳ juillet 2025, Emmanuel Benoist a officiellement endossé la fonction de président de PwC France et Maghreb, région qui englobe notamment le Maroc. Son élection par les associés du réseau international clôt une séquence de gouvernance ouverte voilà plus d’un an, dans laquelle la firme s’est appliquée à ménager la continuité stratégique tout en injectant une impulsion neuve. Les observateurs parisiens, attentifs à l’évolution de la place de la capitale dans les services professionnels, soulignent que ce passage de témoin survient à un moment où les cabinets d’audit sont mis sous tension par des réformes prudentielles et par l’appétit renouvelé des investisseurs pour la donnée extra-financière.
Un parcours façonné par la finance globale
Diplômé de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, commissaire aux comptes et expert-comptable, Emmanuel Benoist incarne le profil classique du dirigeant forgé in situ. Entré chez PwC en 1999, il épouse d’abord les problématiques des institutions financières, avant de prendre part, entre 2005 et 2008, à la vigoureuse expansion du bureau new-yorkais. Ce détour par Wall Street a constitué pour lui une immersion dans l’ingénierie de la gestion des risques à grande échelle, dimension qu’il développera ensuite dans l’Hexagone. Sa nomination en 2021 au comité de direction mondial de l’audit et du conseil en gestion des risques a conforté son aura interne : son profil conjugue ainsi proximité culturelle avec les équipes européennes et maîtrise des standards anglo-saxons.
Gagner vingt pour cent de parts de marché à l’horizon 2030
Dans son premier message aux partenaires, le nouveau président se fixe un objectif chiffré : « accroître de plus de 20 % nos parts de marché régionales d’ici 2030 ». Cet horizon répond à une double logique. D’une part, le marché européen des services professionnels devrait se redessiner autour de la conformité durable et de l’intelligence artificielle appliquée à l’audit ; d’autre part, l’Afrique du Nord se positionne comme tremplin vers l’ensemble du continent, dont la croissance moyenne avoisine 4 %. L’ambition paraît vigoureuse, mais elle reste dans la fourchette haute des attentes sectorielles, comme le reconnaissent plusieurs analystes basés à Casablanca, convaincus que « le cabinet dispose de relais solides, notamment dans la banque et les télécoms ».
La transformation numérique, catalyseur d’avantage compétitif
Au cœur de la stratégie Benoist se trouve la capacité à industrialiser l’usage de plateformes analytiques propriétaires. La firme souhaite capitaliser sur les récents investissements réalisés dans l’automatisation des tests de contrôle interne et dans la cartographie prédictive des risques cyber. Selon un rapport interne, PwC France-Maghreb ambitionne de réduire de 30 % le temps d’obtention des livrables d’audit grâce au machine learning, tout en renforçant la profondeur du diagnostic. Les clients institutionnels sondés indiquent qu’ils attendent avant tout « de la fiabilité et de la lisibilité », deux critères qui pèsent désormais davantage que le simple critère tarifaire pour les appels d’offres internationaux.
Naviguer dans un environnement géopolitique instable
La nomination d’Emmanuel Benoist intervient alors que les cabinets d’audit doivent composer avec une volatilité géopolitique accrue, marquée par des tensions commerciales sino-américaines et par des pressions réglementaires européennes. Pour le nouveau président, « l’instabilité géopolitique, climatique, sociale, financière impose d’être toujours en mouvement ». Son propos fait écho au repositionnement plus large de la profession : fournir un capital-confiance à des acteurs économiques qui, confrontés à la fragmentation des chaînes de valeur, recherchent un accompagnement à 360 degrés. Dans cette perspective, la solidité du réseau africain de PwC, tant lusophone que francophone, est perçue comme un atout pour sécuriser les investissements extracontinentaux.
Le Maghreb, laboratoire d’une régionalisation maîtrisée
Le rattachement du Maroc au périmètre France-Maghreb n’est pas anodin. Rabat, de même qu’Alger et Tunis, voit s’accélérer des programmes de transition énergétique et de modernisation fiscale que Benoist considère comme « des chantiers vitrines ». En associant des équipes mixtes – parisiennes pour la conception, locales pour l’exécution –, le cabinet espère démontrer qu’il est possible d’exporter le haut niveau d’exigence réglementaire européen tout en l’adaptant aux contextes juridico-culturels nord-africains. Plusieurs responsables de banques centrales régionales confirment que l’approche attire l’attention, « car elle conjugue expertise internationale et ancrage domestique ».
Vers une création de valeur partagée et pérenne
En filigrane, la ligne Benoist repose sur l’idée que la croissance de PwC et la création de valeur pour les parties prenantes sont indissociables. Le président ne fait mystère ni de l’intensité concurrentielle qui oppose les Big Four ni des pressions sociétales qui plaident pour une profession plus transparente. Mais son pari s’articule autour d’un triptyque – confiance, innovation, responsabilité – dont l’ambition est de prolonger la pertinence du cabinet dans un monde perçu comme « imprévisible ». Reste à suivre la mise en œuvre opérationnelle : les diplomates économiques y verront un indicateur avancé des capacités d’adaptation d’un secteur clé pour l’attractivité des marchés européens et africains.