Révision des listes électorales : un recensement capital
Le 7 août, un arrêté du ministère de l’Intérieur a fait entrer le pays dans la phase active du cycle électoral en fixant la révision des listes du 1ᵉʳ septembre au 30 octobre 2025. L’étoffement et l’actualisation du corps électoral, qui s’établissait à 2 645 000 inscrits en 2021, constituent la clef de voûte de la crédibilité du scrutin présidentiel programmé pour le 22 mars 2026. « Cette opération permettra d’intégrer les nouveaux majeurs, d’épurer les doublons et de prendre en compte les mouvements de population », explique un haut fonctionnaire de la direction générale des affaires électorales, insistant sur l’importance du maillage numérique mis en place depuis deux ans.
Au-delà du déploiement technique, l’enjeu est démographique. La capitale et sa périphérie concentrent près de la moitié de la population nationale, mais des zones rurales à faible densité demeurent sous-inscrites. Les autorités locales annoncent la mobilisation de 5 000 agents recenseurs et l’ouverture de centres itinérants afin de réduire les disparités. Pour le politologue Arnaud Makosso, de l’université Marien-Ngouabi, « la qualité de cette révision conditionnera la confiance des électeurs et, partant, le taux de participation qui avait atteint 67 % en 2021 ».
Calendrier serré et vote anticipé des forces armées
Le même arrêté précise que les militaires voteront cinq jours avant la population civile, soit le 17 mars 2026. Cette organisation, déjà éprouvée lors des scrutins précédents, vise à garantir leur disponibilité opérationnelle le jour J sans désorganiser la sécurisation des bureaux. Le général Philippe Oba, chef d’état-major adjoint, rappelle que « les forces armées se doivent d’assurer la neutralité du processus tout en préservant l’ordre public ».
Entre la clôture des listes en octobre 2025 et l’ouverture de la campagne officielle, prévue légalement quinze jours avant le scrutin, la Commission nationale électorale indépendante affinera la cartographie des bureaux, testera les équipements biométriques et validera les procédures de transmission des résultats. Plusieurs observateurs internationaux, dont la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, ont déjà été invités à se joindre au dispositif, signe d’une volonté d’ouverture.
Un échiquier politique qui s’esquisse
Sur le terrain partisan, les candidatures se dessinent à un rythme accéléré. Destin Gavet, sous la bannière du Mouvement républicain, a été le premier à se déclarer dès janvier. Il a été rejoint en juillet par Frédéric Bintsamou, alias Pasteur Ntumi, investi par le Conseil national des républicains. Dans la majorité, les fédérations du Parti congolais du travail multiplient les réunions et appellent le président Denis Sassou Nguesso à solliciter un nouveau mandat. Le congrès prévu en fin d’année confirmera ou non cette investiture, mais les discours officiels saluent déjà « l’expérience et la stabilité » qu’incarne, selon eux, le chef de l’État.
Les analystes notent que la précocité des annonces offre du temps pour bâtir des programmes et nuancer les discours. « Nous assistons à un début de campagne fondé davantage sur la visibilité que sur les projets, mais cela va évoluer avec la publication des listes définitives », observe Mme Elodie Nkouka, sociologue politique.
Garanties institutionnelles et défis logistiques
La CNEI a renouvelé la moitié de ses membres en juin, conformément à la législation, afin d’assurer l’équilibre entre représentants de la majorité, de l’opposition et de la société civile. Son président, Henri Bouka, se montre confiant : « Nos équipes se sont préparées à prendre en charge un volume accru de données biométriques. Les procédures d’affichage et de recours seront strictement respectées. »
Sur le terrain, la logistique s’appuie sur un parc de 800 kits d’enrôlement répartis dans les départements. Les partenaires techniques, dont le Programme des Nations unies pour le développement, accompagnent l’entretien de l’équipement et la formation des opérateurs. Le défi majeur réside dans la desserte de zones enclavées comme la Likouala ou la Sangha, où la saison des pluies peut perturber la livraison du matériel. Les autorités prévoient le prépositionnement de stocks et la location d’embarcations fluviales pour sécuriser l’acheminement.
Enjeux socio-économiques d’une élection sous contrôle
Le ministère de l’Économie chiffre à près de 18 milliards de francs CFA le coût global du processus, incluant la sécurisation des bureaux et la sensibilisation citoyenne. Cette enveloppe, inscrite dans le budget 2025-2026, alimente le tissu local : impression des cartes, restauration du personnel, transport interurbain. Elle représente également un défi de rigueur financière dans un contexte marqué par le recentrage budgétaire post-pandémie.
Sur le plan social, plusieurs organisations de jeunesse, à l’image du Forum national de la société civile, multiplient les campagnes de sensibilisation dans les établissements scolaires et les marchés. L’objectif est double : encourager l’enrôlement des primo-votants et maintenir un climat pacifique. « Voter est un devoir, mais c’est aussi un apprentissage de la citoyenneté », rappelle la coordinatrice Rosalie Ikouoni.
À quinze mois de la clôture des listes, le Congo-Brazzaville pose ainsi les jalons d’une consultation présidentielle que les autorités promettent inclusive et apaisée. La cadence des préparatifs, désormais publique, laisse augurer d’une montée en puissance mesurée du débat, dans le strict respect d’un calendrier désormais gravé dans le marbre réglementaire.