Brazzaville entre session parlementaire et pré-campagne
Sous le dôme étincelant du Palais du parlement, les applaudissements viennent tout juste de retomber lorsque Isidore Mvouba referme la neuvième session ordinaire de l’Assemblée nationale. Dans la moiteur d’août, l’orateur place déjà la politique de 2026 au cœur de la prochaine saison sèche.
Son discours, relayé en direct sur les ondes publiques, vante « la stabilité conquise au prix d’efforts constants ». Mais l’essentiel du message porte sur la figure présidentielle : Denis Sassou-Nguesso, dont la candidature n’est pas encore déclarée, serait, affirme-t-il, « l’homme de la situation ».
Le timing n’a rien d’anodin. À sept mois de l’ouverture officielle de la campagne, les états-majors affûtent slogans et alliances. En exposant ainsi son soutien, le président de l’Assemblée renforce la mécanique d’investiture au sein de la majorité tout en testant la température de l’opinion.
Isidore Mvouba, un soutien stratégique
Les observateurs rappellent qu’Isidore Mvouba n’est pas novice. Ancien chef de gouvernement, réputé fin connaisseur des jeux internes, il s’emploie depuis plusieurs législatures à maintenir l’hémicycle comme caisse de résonance des politiques publiques, mais également comme baromètre du soutien institutionnel au chef de l’État.
Lors de son allocution, il cite l’agri-hub de Loudima et la distillerie de N’Kayi, deux sites industriels récemment inaugurés, comme preuves tangibles d’un redressement productif. Ces réalisations s’ajoutent à la prochaine mise en service des hôpitaux généraux de Ouesso et Sibiti, attendue par les riverains.
Réformes économiques et diversification
Les signaux macroéconomiques restent cependant sous forte surveillance. Pour le bureau permanent de l’Assemblée, l’amélioration du climat des affaires et la viabilisation de la dette demeurent prioritaires afin de rester dans les clous du programme régional de réformes soutenu par la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale.
Le ministre délégué au Budget rappelle d’ailleurs que la croissance projetée pour 2025, autour de 4 %, dépendra autant du secteur pétrolier que de la montée en puissance des filières agricoles. « La diversification n’est pas un slogan, c’est une feuille de route », assure-t-il en marge.
Stabilité régionale et enjeux climatiques
Sur le terrain diplomatique, Brazzaville se pose en médiateur discret. Les conflits au Soudan ou en Ukraine, rappelés par Isidore Mvouba, viennent peser sur les cours des matières premières et sur les capacités d’importation. La stabilité interne congolaise devient alors, pour beaucoup d’analystes, un avantage comparatif.
La question climatique s’invite elle aussi dans le débat. Les fortes pluies de juin dernier, qui ont déplacé plusieurs centaines de familles, ont rappelé la vulnérabilité des quartiers périurbains. Le gouvernement a accéléré les opérations de relogement tandis que la première dame a mobilisé un soutien humanitaire.
Jeunesse, emploi et transparence électorale
Côté électeurs, les attentes s’expriment surtout sur l’emploi et le pouvoir d’achat. Dans les campus de Makélékélé, de nombreux étudiants interrogés disent vouloir « des opportunités locales » pour éviter l’exode. Les débats sur les réseaux sociaux reflètent cette priorité plutôt que la seule compétition des appareils politiques.
Clément Mampouya, politologue à l’Université Marien-Ngouabi, observe que « l’électorat jeune demande du concret ». Selon lui, la performance des incubateurs soutenus par le Figa sera scrutée dans les mois à venir. Leur capacité à transformer des idées en emplois pèsera sur l’humeur des urnes.
Dans l’opposition, plusieurs figures exigent des garanties sur la transparence du processus. Le Front pour le respect de la Constitution plaide pour une publication anticipée du calendrier électoral et pour l’audit du fichier. Le ministère de l’Intérieur affirme travailler avec les partenaires internationaux afin de renforcer la confiance.
Calendrier incertain, certitudes politiques
À l’heure actuelle, aucune date officielle n’a encore été fixée pour l’annonce de Denis Sassou-Nguesso. Entre-temps, les déplacements présidentiels se multiplient, de Pointe-Noire à Impfondo, entre inaugurations et consultations locales. Chaque étape donne lieu à un mot d’ordre souvent répété : « paix et cohésion » nationale durablement assurées.
Le Conseil supérieur de la liberté de communication a déjà rappelé les médias à leur devoir d’équilibre. Les journalistes indépendants saluent la mise à disposition rapide des données officielles, mais appellent aussi à un accès élargi pour couvrir les meetings de toutes les sensibilités, sans restriction préalable.
Sur le plan institutionnel, la Cour constitutionnelle prépare la révision de ses logiciels de totalisation. Les magistrats promettent des statistiques en temps quasi réel. Cette modernisation, financée par la Banque africaine de développement, devrait, selon eux, réduire l’intervalle entre clôture du vote et proclamation provisoire.
Le scrutin de mars 2026 servira donc de test grandeur nature : consolidation d’un modèle économique en mutation, affirmation d’une diplomatie de stabilité et, surtout, validation populaire d’un leadership installé depuis plusieurs décennies. Pour le pouvoir comme pour les challengers, l’enjeu dépasse le simple résultat final attendu nationalement.
En attendant, la vie parlementaire reprend au rythme habituel des commissions. Les projets de loi budgétaire seront le prochain grand rendez-vous. Ils diront, mieux que les slogans, quelle marge financière accompagnera les promesses de campagne et, partant, quel horizon se dessinera pour les jeunes Congolais.