Une annonce qui secoue le paysage politique
Samedi 16 août, au centre culturel Zola de Moungali, Alexis Bongo a troqué la posture d’intervieweur pour celle de prétendant au plus haut poste de l’État. Devant une salle comble, le présentateur vedette de DRTV a déclaré vouloir «écrire une page neuve».
Sa candidature indépendante, annoncée treize mois après la réélection du président Denis Sassou Nguesso, s’inscrit dans une dynamique institutionnelle où la pluralité d’opinions est saluée par les autorités comme un signe de vitalité démocratique, selon le porte-parole du gouvernement, Thierry Moungalla.
Parcours médiatique et ambitions panafricanistes
Né il y a 56 ans à Makélékélé, Alexis Bongo s’est fait connaître grâce à l’émission sociopolitique «Homéosthasie», suivie chaque semaine par des milliers de Congolais. Son style direct, souvent ponctué d’humour, lui a valu l’étiquette de journaliste proche des préoccupations quotidiennes.
Durant la décennie écoulée, il a sillonné le pays en reporter, conviant ministres, artistes et chercheurs à débattre de sujets tels que la diversification économique ou la protection du fleuve Congo. Cette proximité avec divers acteurs nourrit désormais son argumentaire politique.
Le candidat revendique un panafricanisme pragmatique, estimant que «l’unité du continent passe par la stabilité de chaque capitale». Il cite souvent Brazzaville 1960, «carrefour des indépendances», pour défendre l’idée d’un Congo inspirant à l’échelle régionale.
Le projet Congo nouveau en cinq axes
Son programme, baptisé «Congo nouveau», repose sur cinq axes qu’il détaille au fil de ses interventions médiatisées. Il y promet une industrialisation progressive, une agriculture de transformation, une santé communautaire renforcée, une éducation numérique et une diplomatie économique orientée vers la CEEAC.
Au chapitre industriel, il veut favoriser des zones économiques spéciales autour de Pointe-Noire et Oyo, estimant que la pétrochimie peut cohabiter avec les énergies renouvelables. «Nous ne bannirons pas le pétrole, nous l’utiliserons pour financer la transition», répète-t-il.
Concernant l’éducation, il envisage un partenariat public-privé pour connecter les lycées aux fibres optiques du comité national numérique. Le ministère de l’Enseignement supérieur juge l’idée «complémentaire» au programme gouvernemental existant d’universités numériques, selon un conseiller contacté hier.
Jeunesse éveillée, pierre angulaire de la stratégie
Alexis Bongo place la jeunesse au centre de son dispositif électoral. Il parle d’une génération «éveillée», rompue aux réseaux sociaux, capable de diffuser son message dans les vingt-quatre langues les plus utilisées du pays, du lingala au téké.
L’équipe de campagne dit vouloir recruter deux mille «ambassadeurs digitaux» avant janvier. Plusieurs start-ups brazzavilloises, comme KobaTech, ont confirmé discuter d’animations live sur TikTok pour répondre aux questions des votants urbains et ruraux en temps réel.
Enjeux financiers et logistiques d’une candidature
La loi électorale impose une caution de 25 millions FCFA à chaque prétendant. «Le peuple est plus riche que la caution», a lancé Alexis Bongo, promettant un financement participatif transparent qui sera audité par des experts comptables indépendants afin de rassurer les donateurs.
Selon la Commission nationale électorale indépendante, plus de quinze dossiers de pré-candidats ont été retirés cette année, signe d’une compétition accrue. Aucun parti majeur n’a encore dévoilé son champion, mais les états-majors affûtent déjà leurs argumentaires terrain et leurs alliances.
Le directeur de cabinet du ministère de l’Intérieur, Jean-Félix Okala, rappelle que «tous les aspirants bénéficieront du même cadre sécuritaire». Une centaine d’observateurs de l’Union africaine sont attendus pour suivre les préparatifs, comme lors des scrutins de 2016 et 2021.
Réactions des observateurs et climat pré-électoral
Les premiers sondages d’opinion sont encore embryonnaires, mais l’institut BrazzaData crédite Alexis Bongo de 7 % d’intentions de vote, derrière des figures établies comme le sénateur Théodore Gokana. L’enquête souligne toutefois un taux de notoriété grimpant chez les 18-30 ans.
Pour le politologue Justin Matsoua, «la vraie inconnue reste la capacité de Bongo à bâtir des relais provinciaux hors de Brazzaville». Il estime que la présence soutenue de partis traditionnels dans les districts ruraux demeure un atout décisif pour le scrutin majoritaire à un tour.
L’ONG Observatoire congolais des médias, de son côté, salue la démission annoncée de l’animateur si sa candidature est validée, «afin de préserver l’équité antenne». La Haute autorité de la communication promet une veille stricte sur les temps de parole.
Cap sur 2026 : quels scénarios possibles
À dix-huit mois de l’échéance, le calendrier officiel fixe au 5 janvier 2026 l’ouverture des dépôts de candidatures. Le Conseil constitutionnel rendra la liste définitive en février, laissant ensuite six semaines de campagne pour convaincre un corps électoral estimé à trois millions.
Dans ce laps de temps, Alexis Bongo entend parcourir les quinze départements par voie fluviale et routière. Son équipe dit compter sur les radios communautaires et les forums villageois pour éviter une campagne exclusivement numérique et atteindre les zones sans couverture internet.
Qu’il gagne ou non, le journaliste-candidat assure vouloir «maintenir un dialogue constructif» avec les institutions. Pour de nombreux analystes, cette posture illustre le souhait d’inscrire la compétition dans la continuité républicaine, nourrissant un climat d’apaisement favorable à un scrutin accepté par tous.