Un séminaire révélateur à Pointe-Noire
Le musée Cercle africain, sanctuaire patrimonial niché au cœur de Pointe-Noire, s’est transformé le 19 juillet en agora littéraire. Sous l’égide du Café Prud’homme, forum informel prisé des intellectuels côtiers, l’événement a accueilli diplomates en poste, universitaires, théologiens et simples lecteurs venus ausculter trois ouvrages signés Bernard Moussoki : « Dieu nous parle » tomes 1 et 2, ainsi que « Le devoir de s’asseoir – construire l’unité du couple ». Au-delà de la présentation éditoriale, la rencontre s’est apparentée à un laboratoire d’idées où la spiritualité dialogue avec la science sociale.
Dans une ville marquée par un bouillonnement économique pétrolier, l’initiative culturelle n’a rien d’anodin. À en croire le directeur du musée, cette mobilisation traduit « la soif de repères symboliques d’une population en mutation rapide ». Les autorités locales, représentées par le service départemental de la Culture, ont souligné « la valeur ajoutée de ces échanges dans la consolidation du vivre-ensemble », s’inscrivant ainsi dans la stratégie nationale de promotion du livre définie par le ministère en charge du secteur.
Le message théologique d’une plume laïque
Né en 1953, Bernard Moussoki n’est ni clerc ni théologien de formation universitaire. Pourtant, son parcours pastoral – plus de trois décennies d’engagement à la paroisse Sainte-Face de Jésus – a nourri une familiarité rare avec l’exégèse biblique. « Ma boussole demeure la Parole, mais je parle au monde civil », confiait-il en marge du séminaire. Cette posture bornera la portée de « Dieu nous parle », conçu comme un compagnon de lecture quotidienne des Évangiles. Chaque chapitre articule un extrait scripturaire, un commentaire contextuel puis une proposition d’ancrage dans la vie urbaine congolaise, du marché Digne-d’Armes aux plateformes pétrolières offshore.
La réception du public a révélé une attente: réconcilier tradition chrétienne et complexité contemporaine. Des universitaires ont souligné la dimension herméneutique de l’ouvrage, jugeant qu’il « dépoussière » les tropes catéchétiques sans les édulcorer. Les représentants de la jeunesse paroissiale y voient, eux, une méthode pour « rendre audible un héritage spirituel noyé dans le brouhaha numérique ».
Entre pastorale et création littéraire : trajectoire d’un auteur congolais
La carrière publique de Bernard Moussoki illustre la porosité congolaise entre action communautaire et production intellectuelle. De 1986 à 2019, son apostolat l’a conduit à modérer le conseil pastoral paroissial tout en animant la Ligue pour la lecture de la Bible. Ce double engagement a façonné un capital symbolique solidement arrimé à la société civile. « L’auteur appartient à cette génération qui a fait de la Bible un manuel de développement humain », observe le sociologue Alain Makaya, évoquant l’usage des Écritures pour médiations sociales dans les quartiers périphériques.
Le passage à l’écriture en 2019 répond autant à une logique de transmission qu’à la nécessité de consigner des pratiques pédagogiques éprouvées. Les Éditions Vérone, choisies pour la publication, saluent « la clarté didactique » d’un auteur dont le lectorat dépasse désormais les frontières nationales grâce aux plate-formes numériques.
Les enjeux socioculturels de la lecture biblique au Congo
Si « Dieu nous parle » explore la foi, « Le devoir de s’asseoir » s’attaque à l’institution matrimoniale, pilier reconnu par les politiques publiques congolaises pour la stabilité sociale. Moussoki y défend un devoir de dialogue conjugal, fondé sur les vertus théologales mais adossé à une observation fine des foyers urbains soumis à la mobilité professionnelle et aux réseaux sociaux. Dans une société où le taux de nuptialité ralentit, l’ouvrage propose une grammaire de la réconciliation inspirée du modèle trinitaire, conjuguant harmonie sexuelle et communion des esprits.
Pour les analystes présents au séminaire, cette articulation entre spiritualité et sociologie répond à un impensé des programmes d’alphabétisation: la santé relationnelle. « Nous parlons beaucoup d’infrastructures, moins du ciment symbolique de la communauté », regrettait une responsable d’ONG spécialisée dans la cohésion familiale.
L’événement du 19 juillet conforte enfin la diplomatie culturelle de Pointe-Noire, portée par un soft power fondé sur la circulation des idées plutôt que sur l’unique rente pétrolière. À mesure que la lecture retrouve droit de cité, la République du Congo consolide un positionnement de carrefour intellectuel dans le Golfe de Guinée, fruit d’une stratégie qui valorise l’initiative privée tout en bénéficiant d’un cadre réglementaire favorable au livre.