Un arrêté très attendu
Brazzaville a renoué avec un débat aussi technique que politique après la publication, début juillet, de l’arrêté répertoriant les partis officiellement reconnus. Face aux questions suscitées, le préfet directeur général de l’Administration du territoire, Bonsang Oko Letchaud, s’est expliqué devant les formations non-inscrites.
Il a martelé qu’aucune dissolution n’avait été prononcée, mais que la reconnaissance institutionnelle restait suspendue au respect de la loi n°20-2017. L’annonce vise, selon lui, à garantir la transparence des futures échéances électorales tout en offrant un délai supplémentaire de mise en conformité.
Dans un contexte où le paysage politique compte plus de deux cents sigles, l’administration souhaite « clarifier la cartographie partisane pour éviter la prolifération de structures dormantes », confie un haut fonctionnaire du ministère de l’Intérieur, soulignant la nécessité d’un registre à jour.
Le rappel du cadre légal
Le cœur du dispositif, précisé dans la loi organique de 2017, impose un nombre minimal d’adhérents, un programme conforme à la Constitution et l’obligation de déclarer les sources de financement. Les partis manquants à l’une de ces obligations basculent mécaniquement dans la catégorie « non-reconnus ».
Bonsang Oko Letchaud rappelle que l’administration avait accordé six mois, du 4 mars au 4 septembre, pour régulariser les dossiers. L’arrêté du 12 juillet acte simplement la fin de ce moratoire et dresse, selon lui, un état des lieux sans jugement de valeur.
Le texte ministériel n’interdit pas les réunions internes, les permanences ni la tenue de congrès, à condition de signaler toute manifestation publique aux autorités locales. Cette nuance vise à prévenir les amalgames entre suspension d’activités et retrait temporaire de la reconnaissance officielle.
Dialogue apaisé, inquiétudes persistantes
Devant la centaine de représentants conviés, plusieurs voix ont salué la démarche pédagogique du ministère. « L’État fait son travail de régulation, c’est à nous de finaliser nos dossiers », admet un trésorier du Parti du renouveau citoyen, venu de Dolisie pour la rencontre.
D’autres responsables, plus inquiets, redoutent un effet d’éviction à l’approche de la présidentielle de 2026. Maurice Kinoko, président du Mouvement pour la démocratie et le changement, s’interroge sur sa disparition de la nouvelle liste, qu’il assimile à « une sanction déguisée ».
La demande d’une circulaire explicite, formulée par plusieurs délégués, illustre la quête de garanties juridiques. Un juriste indépendant souligne que « l’administration aurait intérêt à préciser noir sur blanc les droits maintenus, afin d’éviter les recours contentieux ».
Pour l’heure, aucune contestation officielle n’a été déposée devant la Cour constitutionnelle. La majorité des participants préfèrent engager la procédure de régularisation plutôt que d’emprunter la voie judiciaire, jugée longue et coûteuse.
Quelles marges pour 2026 ?
À vingt-quatre mois des scrutins locaux et à trois ans de la présidentielle, la clarification du paysage partisan devient un enjeu stratégique. Les partis déjà reconnus consolident leurs réseaux, tandis que les non-reconnus calculent le temps nécessaire pour remplir les critères.
Dans les cercles universitaires, on rappelle que les délais d’agrément varient de trois à six mois, lorsque le dossier est complet. Les formations concernées disposent donc, en théorie, d’une fenêtre suffisante pour participer aux législatives prévues après 2024.
Cependant, l’accès aux financements publics reste conditionné à l’obtention du récépissé définitif. Or les campagnes nécessitent déjà des ressources pour se déployer. Plusieurs présidents de micro-partis envisagent des alliances techniques avec des organisations déjà reconnues, afin de mutualiser les coûts.
Du côté de la Commission électorale, on se félicite de la démarche gouvernementale. « Un fichier clair nous permettra de mieux calibrer le financement public et la logistique des bulletins », confie un commissaire, tout en appelant les partis à régulariser rapidement leur situation administrative.
Perspectives administratives
Le ministère de l’Intérieur annonce la mise en place d’une cellule mixte, rassemblant juristes et informaticiens, chargée d’accompagner les partis dans la procédure numérique de dépôt de pièces. L’objectif est de réduire les va-et-vient entre préfectures et services centraux.
Parallèlement, une base de données actualisée sera publiée trimestriellement, accessible depuis le portail gouvernemental. Selon Bonsang Oko Letchaud, cet outil favorisera « une meilleure visibilité des acteurs autorisés et un suivi rigoureux des obligations légales ».
En définitive, l’arrêté du 12 juillet s’inscrit dans la volonté de moderniser la gouvernance politique sans entraver la pluralité. Entre devoir d’ordre public et encouragement au pluralisme, l’administration trace une piste médiane que les partis devront emprunter s’ils veulent peser en 2026.
Les experts en gouvernance considèrent que cette numérisation pourrait également réduire les suspicions de favoritisme. Les dossiers horodatés en ligne laisseraient moins de place aux interprétations, tout en permettant aux observateurs nationaux d’exercer un contrôle citoyen sur le processus.
À court terme, les formations concernées s’organisent pour collecter les timbres fiscaux, actualiser leurs statuts et réunir les pièces d’état civil exigées. « Le verrou administratif n’est pas insurmontable, assure un jeune secrétaire général, il exige simplement rigueur et anticipation ».