Une halte diplomatique stratégique à Oyo
Oyo, petite ville baignée par l’Alima, a retrouvé ce lundi un parfum diplomatique. Alors que le Président Denis Sassou Nguesso y passe quelques jours de repos, le vice-premier ministre belge Maxime Prévot est venu rompre la quiétude locale par une visite express.
Arrivé la veille sur le tarmac d’Ollombo, l’hôte européen a parcouru une trentaine de kilomètres de piste avant d’être introduit, au petit matin, dans la résidence présidentielle. Les scènes chaleureuses filmées par la télévision nationale ont rapidement fait le tour des réseaux sociaux.
Officiellement, l’entrevue portait sur l’état de la coopération bilatérale, la situation sécuritaire en Afrique centrale et les grands défis mondiaux, du changement climatique à la stabilité des circuits d’approvisionnement. Officieusement, chacun savait qu’il s’agissait surtout de consolider un partenariat historique.
Soixante-quatre ans d’amitié Congo–Belgique
Brazzaville et Bruxelles échangent depuis 1961. De la convention culturelle de 1984 à l’accord aérien de 2011, le canevas juridique couvre aujourd’hui la santé, la formation, l’énergie et la logistique. Maxime Prévot venait donc prendre le pouls de dossiers toujours en évolution.
En échange, le chef de l’État congolais souhaitait entendre l’analyse d’un membre influent du gouvernement belge sur l’actualité européenne, marquée par la transition énergétique et la redéfinition de la politique d’aide au développement. « La Belgique reste attentive à nos priorités », a-t-il soufflé.
Entretiens au bord de l’Alima
Au-delà de la symbolique, l’étape d’Oyo intervient à un moment charnière. La Commission de l’Union africaine planche sur un nouveau mécanisme de financement des infrastructures vertes, tandis que l’Union européenne finalise son Cadre mondial de coopération pour 2025-2030.
Le professeur Gilbert Owono, économiste à l’Université Marien-Ngouabi, y voit « le signe que le Congo se positionne en interface entre capital européen et marchés régionaux ». Selon lui, l’entretien a permis de recadrer certains projets d’électrification rurale financés par l’Agence belge de développement.
La visite s’inscrit également dans la volonté de Denis Sassou Nguesso de promouvoir une diplomatie de proximité. En recevant son invité loin des lambris du Palais du Peuple, il privilégie l’écoute informelle, souvent plus propice aux confidences qu’un protocole millimétré à Brazzaville.
Sur le perron, les deux hommes ont échangé de longues minutes devant les caméras. Aucun communiqué final ne mentionne de signature formelle, mais un calendrier de concertation semestrielle a été esquissé. Objectif déclaré : accélérer la mise en œuvre des accords encore dormants.
Sécurité et santé, lignes de force régionales
Les discussions ont aussi effleuré la situation sécuritaire à l’est de la RDC, où Bruxelles maintient une mission d’expertise. Brazzaville, membre fondateur de la CIRGL, multiplie pour sa part les médiations discrètes. Les deux capitales partagent l’idée d’un mécanisme de suivi renforcé.
Un proche conseiller du chef de l’État confie que « le Congo a intérêt à diversifier ses partenaires en matière de sécurité maritime sur le golfe de Guinée, sujet que la Belgique maîtrise depuis ses opérations au large de la Somalie ». Aucun détail n’a filtré.
Au-dessous des dossiers géopolitiques, la santé est revenue avec acuité. Les deux responsables ont salué le projet d’installation d’un laboratoire biomédical régional cofinancé par l’Université de Liège. L’infrastructure devrait renforcer la surveillance des zoonoses, leçons tirées de la pandémie de Covid-19.
Économie verte et initiatives locales
Au-delà des caméras, Maxime Prévot a profité de son passage pour parcourir les berges de l’Alima en compagnie d’élus locaux. Il s’est particulièrement intéressé aux initiatives communautaires de gestion des mangroves, rappelant l’expertise belge en matière de cartographie participative.
Dans la soirée, un dîner restreint a réuni quelques ministres, dont Jean-Baptiste Ondaye des Finances et Léon-Juste Ibombo du Numérique. Les discussions, tenues hors micro, auraient porté sur l’intégration de start-up congolaises aux programmes d’incubation européens pour l’économie circularisée.
Le lendemain, le vice-premier ministre a repris la route d’Olombo avant de s’envoler vers Kinshasa, deuxième étape de sa tournée africaine. Les médias belges soulignent la cordialité du séjour et l’importance d’entretenir un dialogue constant avec « l’un des moteurs de la CEMAC ».
Oyo, nouveau carrefour diplomatique
Pour de nombreux observateurs, cette séquence illustre la place grandissante d’Oyo dans la diplomatie congolaise. La ville, dotée d’un aérodrome modernisé et d’un hôtel cinq étoiles, reçoit de plus en plus de délégations, alliant confort et discrétion loin des capitales bouillonnantes.
Le politologue belge Pierre Verstraeten juge que « le mélange d’intimité et de sérieux offre un cadre idéal pour réactiver des chantiers en sommeil ». Selon lui, l’accord général de 1983 pourrait connaître un nouvel élan grâce à des financements climat désormais prioritaires.
Dans les rues de Brazzaville, les avis restent partagés. Certains y voient une simple étape protocolaire, d’autres saluent la diversification des coopérations dans un contexte mondial incertain. Les jeunes entrepreneurs interrogés espèrent un accès facilité aux fonds d’innovation européens évoqués pendant l’entretien.
Quoi qu’il en soit, la séquence d’Oyo rappelle que la diplomatie se tisse parfois au bord d’un fleuve, loin des tribunes officielles. Les prochaines semaines diront si les promesses esquissées se traduiront par des projets concrets, dans l’intérêt commun des deux nations.