Brazzaville met l’orientation au centre du jeu
Durant cinq jours, le Palais des Congrès de Brazzaville a résonné d’une ferveur particulière : celle de centaines de nouveaux bacheliers en quête de repères académiques. Sous l’égide de la ministre de l’Enseignement supérieur, le professeur Delphine Édith Emmanuel, le Salon national de l’information et de l’orientation a réuni plus d’une quarantaine d’établissements publics et privés. L’objectif affiché était clair : offrir aux jeunes, accompagnés souvent de leurs parents, une cartographie lisible des filières proposées dans le pays afin de réduire l’errance post-bac et d’aligner la formation aux besoins réels de l’économie congolaise.
« Nous voulons que chaque élève trouve sa voie, non par hasard mais par conviction », a résumé la ministre en inaugurant les stands. L’initiative, soutenue par les autorités, s’inscrit dans une politique plus large de renforcement du capital humain, un des piliers du Plan national de développement 2022-2026.
Une académie tournée vers l’après-pétrole
Parmi les stands les plus fréquentés, celui de l’Académie des sciences et des arts du Congo s’est imposé comme un pôle d’attraction. Créée il y a une décennie, l’université privée a bâti sa réputation sur une approche pragmatique : former des compétences immédiatement mobilisables. Pour le colonel Maurice Itous Ibara, promoteur de l’établissement, « s’orienter, c’est se projeter ; et se projeter, c’est penser déjà l’après-pétrole ».
Sa démarche consiste à anticiper la mutation d’une économie longtemps adossée aux hydrocarbures vers des secteurs créateurs de valeur diversifiée. Cette vision, rappelée à travers une série de conférences flash, résonne avec les aspirations officielles à la diversification productrice d’emplois durables.
Des filières calibrées pour l’économie nationale
Dans les allées du salon, les visiteurs découvraient une offre pédagogique articulée autour du génie civil, de l’architecture, de la transition environnementale, des télécommunications, de l’infographie, du génie électrique, de la climatisation ou encore de la gestion hôtelière. À ces cursus techniques s’ajoutaient des formations artistiques allant de la musicologie aux arts plastiques, témoignant d’une conception holistique du développement.
L’université a également dévoilé deux programmes phares : la monétisation des ressources naturelles et la « pétrolisation », un corpus d’unités d’enseignement destiné à optimiser les recettes pétrolières actuelles tout en préparant leur substitution par de nouveaux gisements de croissance. « Il ne s’agit pas de tourner le dos à notre rente, mais de la convertir en levier pour d’autres secteurs », a expliqué le colonel Itous Ibara devant un auditoire attentif.
Un partenariat tacite avec les pouvoirs publics
Si l’Académie des sciences et des arts se réclame de la sphère privée, son action s’inscrit dans un dialogue constant avec les ministères de référence. Le salon offrait d’ailleurs la scène parfaite pour cette complémentarité : d’un côté, l’État impulse la régulation et fixe les priorités nationales ; de l’autre, les établissements adaptent leurs curricula et investissent dans les infrastructures pédagogiques.
Au-delà des mots, un accord de principe a été annoncé pour accueillir des boursiers d’excellence dans les filières scientifiques dès la prochaine rentrée. Une manière de démocratiser l’accès à des formations souvent coûteuses, tout en consolidant la cohésion sociale par l’égalité des chances.
Échos des futurs étudiants
Dans les couloirs, la voix d’Alice, bachelière de dix-huit ans, soulignait l’importance de l’événement : « Je pensais faire de la comptabilité, mais j’ai découvert le génie environnemental. J’ai maintenant une vision plus claire ». Même enthousiasme du côté de Cyrille, jeune passionné de musique, séduit par le module d’ethnomusicologie : « Je veux valoriser les rythmes du terroir à l’international ».
Ces témoignages illustrent la valeur d’un salon qui, au-delà de l’exposition, opère comme révélateur de vocations. D’après les organisateurs, plus de six mille visiteurs ont été enregistrés, un record qui confirme l’appétence des jeunes pour une orientation rigoureuse.
Perspectives pour une génération en transition
À l’heure du bilan, le ministère se félicite d’avoir posé une nouvelle pierre à l’édifice de l’enseignement supérieur national. La promesse d’un suivi numérique des choix des élèves, annoncée lors de la clôture, devrait permettre de mieux ajuster les quotas dès l’an prochain. Pour l’Académie des sciences et des arts, le défi est désormais de transformer l’engouement en inscriptions effectives, puis en réussites académiques et professionnelles.
La route reste longue, reconnaît le colonel Itous Ibara, mais elle est balisée : « Si nous outillons la jeunesse, le Congo ne manquera pas de talents pour écrire la prochaine page de son émergence ». Dans un contexte mondial où la compétition pour les compétences est féroce, Brazzaville entend prouver que l’avenir se construit d’abord chez soi, dans la rigueur et l’innovation.