Airports 2030, une feuille de route aux ambitions régionales
À Rabat comme à Casablanca, la stratégie « Airports 2030 » alimente depuis plusieurs mois les conciliabules des milieux diplomatiques et économiques. Portée par l’Office national des aéroports, elle vise à hisser le réseau marocain parmi les plateformes les plus fluides d’Afrique tout en renforçant le rôle du royaume comme trait d’union aérien entre Europe, Maghreb et Afrique subsaharienne. Le plan s’articule autour d’un double impératif : moderniser les infrastructures physiques — pistes, terminaux, centres de contrôle — et réinventer la logique de service, au sol comme dans les airs. À l’horizon 2030, ONDA entend ainsi conjuguer ponctualité opérationnelle, performance environnementale et expansion commerciale, autant de critères désormais décisifs dans les classements internationaux.
Un jeu d’échecs silencieux au sommet des directions
Pour gagner en réactivité, l’organisme marocain a déclenché une profonde réallocation de ses responsabilités. Deux directeurs techniques historiques, fort d’une décennie d’expertise cumulative, quittent leurs fauteuils opérationnels pour piloter des projets de développement stratégique directement rattachés à la Direction générale. Concomitamment, des appels à candidatures ont été émis pour reprendre les rênes de la Navigation aérienne et des Opérations aéroportuaires. À l’instar d’une tour de contrôle redistribuant ses slots, l’institution mise sur des dirigeants capables de concilier rigueur réglementaire, diplomatie sectorielle et sens aigu du service passagers. Les intérimaires désignés assurent un continuum d’activité, évitant tout trou d’air dans la gestion quotidienne du trafic.
Cap sur les profils hybrides et la culture du résultat
La montée en puissance du transport aérien après la parenthèse pandémique exige une gouvernance sensible à la data, à la sûreté et à la satisfaction client. ONDA cible donc des profils hybrides, rompus à la fois aux normes OACI et aux logiques de retail aéroportuaire. Dans l’écosystème concurrentiel des hubs africains, l’expérience voyageur devient un levier de différenciation autant qu’un centre de profit. L’arrivée récente d’un directeur commercial chargé de convertir les terminaux en véritables lieux de vie — restauration premium, concept-stores locaux, zones de coworking — illustre cette bascule vers l’économie de l’expérience. Les nouvelles recrues devront naviguer entre exigences souveraines de sécurité et impératif d’attractivité pour les transporteurs internationaux, condition sine qua non de l’ouverture de nouvelles lignes long-courrier.
Le capital humain, carburant de la transformation
Derrière la redistribution des portefeuilles se profile une doctrine claire : l’humain restera le pivot du changement. ONDA annonce un programme continu de formation aux métiers du contrôle aérien, de la maintenance prédictive et du management de crise, adossé à des partenariats universitaires nationaux. L’agence revendique également un régime d’incitation interne fondé sur la performance collective, gage, selon ses responsables, d’un service public efficient sans sacrifier la stabilité sociale. Cette approche, qui s’inscrit dans la tendance internationale à la gestion par compétences des autorités aéroportuaires, n’ignore pas les attentes d’une jeunesse marocaine qualifiée, désireuse de carrières technologiques et ouvertes sur l’international.
Des terminaux multipolarisés, vitrine d’un Maroc connecté
En filigrane, la réorganisation actuelle prépare l’évolution des aéroports marocains vers des plateformes multipolarisées, capables d’absorber la croissance touristique tout en devenant des nœuds logistiques pour le fret à haute valeur ajoutée. Marrakech, Tanger ou Agadir bénéficieront à terme des mêmes standards que Casablanca-Mohammed V, appelé à conserver son rôle de hub principal. Les chantiers de réhabilitation énergétique, le déploiement de solutions biométriques au contrôle frontière et la généralisation de zones duty-free agrandies manifestent l’ambition de faire des aéroports des vitrines de la dynamique économique nationale. Les partenaires internationaux consultés saluent une gouvernance « adaptative » qui, selon un diplomate européen en poste à Rabat, « anticipe les nouveaux équilibres du ciel africain tout en consolidant la souveraineté marocaine sur ses corridors aériens ».
Vers 2030, une trajectoire sans turbulences majeures ?
Alors que la transition se déploie, les observateurs soulignent la vigilance nécessaire pour maintenir l’équilibre budgétaire, en particulier face à l’inflation des coûts énergétiques et à la volatilité du trafic mondial. Néanmoins, le pari d’ONDA repose sur une conviction simple : une gouvernance plus agile, associée à une montée en gamme de l’offre, renforcera la résilience du secteur. La prochaine décennie dira si le ciel marocain aura su transformer cette nouvelle donne managériale en atout stratégique durable. Pour l’heure, la manœuvre s’effectue sans heurts apparents, attestant d’une culture administrative qui conjugue, non sans pragmatisme, continuité de l’État et innovation de service.