Synergie santé-défense à Brazzaville
Brazzaville accélère la synergie entre médecine et sécurité. Cette semaine, le ministre de la Défense, Charles Richard Mondjo, a reçu successivement le nouveau représentant de l’OMS, Dr Vincent Sodjinou, puis l’ambassadeur du Sénégal, Ousmane Diop, pour approfondir deux volets complémentaires : santé publique et coopération militaire.
Ces audiences, tenues au siège du ministère, traduisent la volonté gouvernementale de conjuguer expertise internationale et savoir-faire africain. L’objectif affiché reste d’endiguer l’épidémie de choléra tout en modernisant l’encadrement des troupes, afin de garantir un environnement stable et propice au développement national.
Nouveau représentant OMS à l’œuvre
Le Dr Vincent Sodjinou, épidémiologiste béninois passé par plusieurs missions d’urgence, succède à Brazzaville au Dr Lucien Manga. Sa première sortie protocolaire l’a conduit devant le ministre de la Défense, preuve que la lutte contre le choléra mobilise également l’appareil sécuritaire congolais.
« Dans le cadre de cette épidémie, il est nécessaire que toutes les forces soient mises à contribution pour un contrôle rapide », a rappelé le nouveau représentant. L’accord signé en 2018 avec la Défense ouvre, selon lui, un accès privilégié à la logistique militaire, décisive hors des villes.
Concrètement, les bases terrestres et aériennes peuvent servir de points de stockage pour les vaccins oraux, tandis que les unités fluviales assurent le transport du personnel médical vers les localités riveraines. La Défense dispose aussi d’équipes de médecins militaires rompus aux interventions rapides, utiles pour la surveillance épidémiologique.
Riposte coordonnée contre le choléra
Le Congo a déclaré plusieurs foyers actifs dans les départements du Pool et du Kouilou. Les autorités sanitaires renforcent la chloration des points d’eau, tandis que les Forces armées prêtent des camions-citernes et sécurisent les zones de prise en charge afin de contenir la propagation transfrontalière.
Selon le ministère de la Santé, la stratégie civile-militaire permet d’acheminer en 48 heures du matériel dans des villages auparavant accessibles en quatre jours. « Cette optimisation logistique réduit le risque de nouvelles flambées », confie un officier du service de santé des armées ayant requis l’anonymat.
Coopération militaire Congo-Sénégal renforcée
Après la santé, place à la défense pure. L’ambassadeur du Sénégal, Ousmane Diop, est revenu sur les engagements pris lors de la récente visite du Premier ministre Anatole Collinet Makosso à Dakar. Les deux pays veulent intensifier les échanges de formation entre écoles militaires.
Actuellement, une trentaine d’élèves-officiers congolais suivent déjà un cursus à Thiès, tandis que des instructeurs sénégalais interviennent ponctuellement au centre d’infanterie de Mindouli. Brazzaville souhaite élargir ce dispositif aux spécialités du génie, du cyberdéfense et du maintien de la paix sous mandat multilatéral.
« Le Sénégal a une expérience probante en matière de soutien social aux militaires », a insisté le diplomate. Selon lui, la création de coopératives de construction de logements et de mutuelles de santé pourrait aider le Congo à fidéliser ses troupes et à améliorer leur bien-être familial.
Logements et mutuelles, inspiration sénégalaise
Au Sénégal, les coopératives de gendarmerie et d’armée de l’air ont bâti plusieurs cités pour les sous-officiers, financées par des prêts bonifiés. Ce schéma, étudié par la Caisse nationale de sécurité sociale congolaise, ouvre la voie à des synergies public-privé dans l’immobilier militaire.
De son côté, la Mutuelle des armées sénégalaises couvre plus de 90 000 ayants droit. L’objectif à moyen terme, évoqué au cabinet du ministre Mondjo, serait de mettre en place un dispositif similaire pour 45 000 militaires actifs et retraités congolais, en complément de la couverture maladie universelle.
Une approche globale pour la sécurité humaine
Ces chantiers illustrent la doctrine congolaise de sécurité humaine, présentée au Parlement en 2022. L’idée est de considérer la santé publique, l’accès au logement et la résilience économique comme autant de facteurs de stabilité. Le partenariat OMS-Sénégal offre un levier concret pour matérialiser cette vision.
Pour la mise en œuvre, un comité mixte Santé-Défense sera réactivé dans les prochaines semaines. Il associera les états-majors, les directions départementales de la santé, ainsi que les partenaires techniques. L’OMS mettra à disposition ses outils de surveillance, tandis que le Sénégal partagera ses logiciels de gestion des effectifs.
Sur le terrain, les exercices conjoints prévus dans la plaine de Kintélé incluront pour la première fois un module de vaccination de masse simulée. L’idée est de tester la capacité des forces à sécuriser et alimenter une chaîne du froid, tout en maintenant leurs missions de défense.
Le calendrier précis sera dévoilé après validation par le Conseil national de sécurité. Toutefois, plusieurs sources proche du dossier évoquent un lancement dès le premier trimestre 2024. Cette anticipation doit permettre au pays de traverser la saison des pluies en limitant les risques sanitaires majeurs.
La double diplomatie sanitaire et militaire conforte la place de Brazzaville comme hub de coopération régionale. En mobilisant l’OMS pour la riposte au choléra et le Sénégal pour l’ingénierie sociale des armées, le gouvernement entend bâtir un rempart durable contre les crises à dimensions multiples.