Vers une feuille de route pour les PME congolaises
Annoncée lors d’une cérémonie sobre à Brazzaville, l’élaboration d’une politique nationale des petites et moyennes entreprises marque une étape stratégique pour l’économie congolaise. L’initiative, portée par la ministre Jacqueline Lydia Mikolo, vise à outiller durablement un segment qui représente déjà plus de 80 % du tissu productif.
Sur la scène, la ministre a souligné que « les PME sont le cœur battant de notre croissance future ». Autour d’elle, des représentants de chambres consulaires, de bailleurs internationaux et d’organisations patronales ont salué un processus inclusif censé aboutir, d’ici à douze mois, à un document de référence.
Le gouvernement promet une démarche participative. Des ateliers sectoriels doivent interroger commerçants, artisans, startups et investisseurs étrangers. L’objectif consiste à dresser un diagnostic précis des obstacles, depuis l’enregistrement administratif jusqu’au financement, afin de proposer des actions compatibles avec les réalités locales et les standards régionaux.
Un écosystème d’appui en construction
Parmi les premiers chantiers figure le renforcement des structures d’appui existantes. Le ministère souhaite redéployer les Centres de gestion agréés dans les onze départements, pour offrir accompagnement comptable, juridique et numérique. Le réseau sera maillé aux antennes de l’Agence congolaise pour la création d’entreprises, ouverte en 2022.
Un second axe concerne la simplification des procédures fiscales. Plusieurs responsables de direction générale ont évoqué la mise en place d’un guichet unique électronique afin de réduire les délais et les coûts d’obtention d’un numéro d’identification. Les PME pourraient ainsi réinvestir plus rapidement leurs marges dans l’expansion de leurs activités.
La Commission nationale de la concurrence étudie, de son côté, une révision des règles d’accès à la commande publique. L’idée est de réserver un quota minimal aux fournisseurs locaux sur les marchés inférieurs à cinquante millions de francs CFA, tout en garantissant la transparence des appels d’offres.
Financement et ouverture des marchés
L’accès au crédit demeure, selon plusieurs études, la contrainte majeure. Pour y répondre, le projet de politique envisage un fonds de garantie partagée entre l’État, les banques et des partenaires comme la Banque africaine de développement. Il couvrirait jusqu’à 50 % des risques liés aux prêts d’investissement.
Le directeur général d’une banque explique que ce mécanisme ouvrira la voie à des taux plus abordables. Il prévoit des lignes de crédit dédiées aux femmes entrepreneures et aux entreprises vertes, deux créneaux jugés moteurs par le ministère du Plan.
Pour faciliter l’accès aux marchés extérieurs, la diplomatie économique sera mobilisée. Des accords bilatéraux, en cours de négociation avec le Cameroun et l’Angola, devront réduire les barrières non tarifaires. L’adhésion au Marché unique de la ZLECAF offre aux produits locaux une visibilité continentale.
Digitalisation et montée en compétence
L’innovation tient une place centrale. Le ministère propose un label Start-Congo pour certifier les jeunes pousses technologiques. Ce sésame offrirait des exonérations temporaires et des espaces de travail connectés, déployés avec le concours des principaux opérateurs télécoms.
Un programme pilote, financé par l’Agence française de développement, équipe déjà des couturiers de Makélékélé de terminaux de paiement mobile. Selon la confédération des artisans, leurs ventes auraient progressé de 17 % depuis le démarrage.
Sur le front de la formation, l’université Marien-Ngouabi prévoit de doubler le nombre de filières professionnelles dédiées à la gestion de PME. Des modules conçus avec le Centre international pour la formation de l’OIT aborderont la planification stratégique, la comptabilité simplifiée et la gestion des ressources humaines.
Emploi des jeunes et inclusion sociale
Au-delà des chiffres, la stratégie vise une inclusion sociale accrue. Le ministre de la Jeunesse souligne que chaque dizaine de PME crée en moyenne vingt emplois, majoritairement occupés par des moins de trente ans. L’impact potentiel est donc crucial dans un pays où la démographie urbaine s’accélère.
Les réseaux de femmes entrepreneures saluent l’approche sensible au genre. Un chapitre propose un mentorat entre grandes entreprises et microstructures dirigées par des femmes, assorti d’une ligne de microcrédit. La démarche s’inspire de programmes réussis au Rwanda et en Côte d’Ivoire.
Les observateurs notent toutefois que le succès dépendra d’une coordination interinstitutionnelle rigoureuse. L’expérience des précédentes stratégies montre l’importance d’indicateurs mesurables et d’un suivi régulier. Un comité technique, rattaché à la Primature, devrait publier chaque semestre un tableau de bord accessible au public.
Lors de la séance inaugurale, la représentante résidente du Programme des Nations unies pour le développement a rappelé que « l’entrepreneuriat local est la clé de la résilience économique ». Elle a réitéré l’engagement de son institution à fournir une expertise et un appui de cinq millions de dollars sur trois ans.
La feuille de route désormais lancée doit se traduire en actions reproductibles dès 2024. Les partenaires espèrent que le futur document donnera un cap clair à la diversification de l’économie congolaise, tout en consolidant l’esprit entrepreneurial qui anime déjà de nombreux quartiers populaires de Brazzaville et Pointe-Noire.