Niamo, seul long métrage congolais à Yaoundé
La réalisatrice congolaise Liesebeth Mabiala vient d’inscrire son nom à l’affiche de la 29e édition du festival Écrans Noirs, prévu du 20 au 27 septembre à Yaoundé. Son long métrage de fiction Niamo est la seule œuvre congolaise retenue cette année.
Cette présence unique confère au film un rôle d’ambassadeur culturel, confirmant la montée en puissance d’un cinéma congolais audacieux qui franchit les frontières. La sélection ouvre aussi de nouvelles perspectives commerciales, les programmateurs internationaux scrutant chaque année la vitrine camerounaise.
Festival Écrans Noirs, tremplin panafricain
Créé en 1997, Écrans Noirs ambitionne de donner une visibilité continentale aux productions africaines, d’encourager le débat public et de professionnaliser la filière. Chaque édition réunit réalisateurs, comédiens, techniciens et étudiants autour d’ateliers, de projections en plein air et de rencontres avec le public.
Pour l’équipe de Niamo, la participation s’accompagne d’une compétition relevée, des œuvres venues du Sénégal, de Côte d’Ivoire ou d’Égypte figurant également au programme. La récompense suprême, l’Écran d’or, sert souvent de passeport pour les grands marchés internationaux.
Un récit inspiré d’Henri Djombo
Inspiré du roman Le mort vivant d’Henri Djombo, Niamo raconte l’infortune d’un homme célébré pour sa réussite, puis condamné par la jalousie populaire. Tragédie, suspense et pointes d’absurde se mêlent pour interroger les sociétés africaines sur leur rapport au succès.
Le casting réunit des visages familiers du grand écran africain, dont la Camerounaise Emy Dany Bassong, le Congolais Hervin Isma et le comédien de RDC Moyindo Mpongo. Leur présence apporte une résonance panafricaine, renforçant l’universalité du message porté par le scénario.
Liesebeth Mabiala, parcours et vision
Née à Brazzaville en 1986, Liesebeth Mabiala revendique un héritage artistique familial, son grand-père étant photographe et sa mère comédienne. Elle démarre comme actrice en 2002 auprès de Claudia Haidara Yoka avant de passer derrière la caméra pour raconter ses propres histoires.
Autodidacte, la cinéaste se forme durant les festivals et via les réseaux sociaux, profitant d’ateliers collaboratifs pour maîtriser écriture, cadrage et montage. Son court métrage Dilemme, puis Elonga, lui valent plusieurs sélections, préparant le terrain pour l’ambitieux long métrage Niamo.
Elle développe en parallèle Duel Matambi, une série tournée entre Brazzaville et Casablanca, où figurent Majid Michel ou Rokhaya Niang. Ce projet, diffusé sur certaines chaînes africaines, témoigne d’une volonté de bâtir un vrai secteur emploi-générateur autour de la fiction télévisuelle.
Dynamique du cinéma congolais
Ces dernières années, les productions congolaises se multiplient, soutenues par des écoles privées de formation et des initiatives publiques comme le Fonds national pour la culture et les arts. Des tournages à Brazzaville ou Pointe-Noire dynamisent l’économie locale en mobilisant techniciens et prestataires.
Le ministère en charge de la Culture encourage par ailleurs la digitalisation des salles, facilitant l’accès des habitants aux œuvres nationales. Selon l’Observatoire africain de l’audiovisuel, la fréquentation des projections congolaises a progressé de 18 % l’an dernier, un indicateur jugé prometteur.
Les partenariats avec des plateformes de vidéo à la demande ouvrent une vitrine mondiale. Netflix a récemment acquis deux courts métrages tournés à Oyo, confirmant l’intérêt croissant pour les récits issus du Congo. Niamo pourrait ainsi trouver un distributeur dès la fin du festival.
Retombées attendues pour la jeunesse
Pour la réalisatrice, l’enjeu dépasse la simple récompense. « Être projetée à Yaoundé inspire de nombreux enfants congolais qui méritent de croire en leurs talents », confie-t-elle. Elle prépare déjà des masterclasses virtuelles gratuites pour partager son expérience avec les jeunes de tout le pays.
Les experts estiment que la visibilité internationale d’un film crée un effet d’entraînement sur l’ensemble de la chaîne, de la location de matériel à la promotion touristique. Brazzaville pourrait ainsi devenir une plaque tournante de la production régionale si la dynamique actuelle se confirme.
Agenda et mobilisation autour du film
À Yaoundé, Niamo sera projeté le 23 septembre dans la grande salle du Palais des congrès, suivie d’un débat modéré par le critique ivoirien Tella Kpomahou. L’équipe prévoit ensuite une tournée en plein air dans trois quartiers populaires pour toucher un public non initié.
La diaspora congolaise, très active sur les réseaux sociaux, promet de relayer massivement chaque temps fort de la semaine. Des projections privées sont déjà envisagées à Paris et Bruxelles afin de capitaliser sur l’engouement et attirer d’éventuels coproducteurs européens.
Soutiens institutionnels et futur studio
Au Congo, plusieurs organismes appuient le déplacement de l’équipe : le Centre national du cinéma et le ministère de la Culture ont accordé une subvention logistique couvrant billets et hébergement. Ce coup de pouce officiel illustre la volonté affichée de positionner durablement le pays sur la carte des festivals.
À moyen terme, Liesebeth Mabiala envisage de créer un studio de post-production à Brazzaville pour conserver toute la chaîne de valeur sur le territoire. Elle recherche des partenariats technologiques afin d’introduire la réalité augmentée dans ses prochains projets et continuer d’innover dans le récit africain.