Un élan solidaire à Ngabé
À Ngabé, petite localité du district de Djoué Léfini, les habitants se sont pressés par centaines devant l’hôpital général pour profiter d’une campagne de soins communautaires inédite, organisée du 23 août au 6 septembre 2025. L’ambiance était à la fois studieuse et festive.
L’initiative, coordonnée par le ministère de la Santé en partenariat avec plusieurs ambassades et la brigade médicale cubaine, visait à rapprocher l’offre de soin des populations rurales, souvent contraintes à parcourir de longues distances pour une simple consultation.
Statistiques clés de la mission médicale
Au terme de deux semaines, 901 personnes ont été sensibilisées aux bonnes pratiques sanitaires et 837 patients ont franchi les portes de l’hôpital. Sur ce total, 841 actes médicaux ont été délivrés, certaines consultations ayant nécessité plusieurs interventions successives.
Quarante-quatre cas qualifiés de lourds, notamment des hernies, des prolapsus utérins ou encore des cataractes, ont été diagnostiqués. Les patients concernés ont reçu un accompagnement particulier et seront réorientés vers les structures spécialisées de Brazzaville et Pointe-Noire pour un traitement définitif.
Au laboratoire, 483 analyses ont été effectuées, allant du bilan glycémique au test de paludisme. Parallèlement, une campagne de déparasitage a permis de traiter 782 personnes, soit 92 % des bénéficiaires, preuve que les pathologies parasitaires demeurent un défi majeur dans la zone.
Des services gratuits très attendus
Consultations générales, plans vaccinal rattrapé, dépistages du diabète, du VIH ou de la malnutrition : l’offre était large et gratuite. Pour de nombreux parents, c’était l’occasion de faire examiner leurs enfants sans frais, dans un contexte économique marqué par des arbitrages difficiles.
Trois mères ayant accouché durant la campagne ont reçu des kits de dignité, composés de vêtements pour nouveau-nés et de produits d’hygiène féminine. Des médicaments essentiels ont aussi été distribués, réduisant la facture pharmaceutique des familles déjà éprouvées par l’inflation.
Partenariat Sud-Sud à l’œuvre
Armée de stéthoscopes et de sourires, la brigade médicale cubaine a travaillé main dans la main avec les médecins congolais. « Notre rôle est de partager notre expérience en milieu rural », a expliqué le Dr Carlos Campa, coordonnateur de l’équipe internationale.
L’ambassadrice du Venezuela, Laura Evengelia Suárez, a salué un « exemple tangible de coopération Sud-Sud, bâti sur l’amour et l’affection ». Pour elle, l’opération démontre l’efficacité d’un modèle associant États, Nations unies et entreprises privées autour d’un même objectif humanitaire.
Leadership national et appui local
Présent à la cérémonie de clôture, le ministre de la Santé et de la Population, le professeur Jean-Rosaire Ibara, a confirmé sa volonté de pérenniser ce format d’intervention. « L’accès universel aux soins se construit pas à pas, sur le terrain », a-t-il rappelé.
Les autorités locales, de la mairie au commissariat, ont facilité la logistique, sécurisant les files d’attente dès l’aube. Des bénévoles, parfois anciens patients, ont orienté les visiteurs, prouvant que la mobilisation communautaire reste essentielle pour maximiser l’impact d’une action sanitaire ponctuelle.
Une initiative multiacteurs
Outre Cuba et le Venezuela, neuf autres représentations diplomatiques, dont la Russie, la Turquie et l’Inde, ont dépêché personnel ou matériel. Le directeur du site touristique de Ngabé, Évariste Ondongo, a mis à disposition véhicules et générateurs, soulignant l’importance des partenariats public-privé.
L’Organisation mondiale de la santé, appuyée par l’Organisation des producteurs de pétrole africains et la pharmacie Cristale, a fourni consommables et réactifs. Cette complémentarité entre bailleurs institutionnels et secteur privé conforte la résilience du système de santé congolais face aux chocs.
Impacts pour les habitants de Djoué Léfini
Pour les habitants de Ngabé et des villages riverains, l’opération a eu un effet immédiat : fièvres traitées, taux de sucre contrôlé, enfants vaccinés. « Je n’avais jamais vu autant de médecins ici », confie Gina, vendeuse de poisson, qui a fait tester sa tension.
Au-delà des actes techniques, la présence quotidienne des équipes a renforcé la confiance envers le centre de santé. Les agents ont profité des consultations pour rappeler les gestes simples de prévention, notamment l’usage systématique de moustiquaires imprégnées contre le paludisme.
Quels défis pour l’avenir ?
Malgré ce bilan encourageant, l’éloignement de certains hameaux constitue toujours un frein. Des pirogues sanitaires ou des cliniques mobiles pourraient, à l’avenir, compléter le dispositif afin d’atteindre les familles vivant le long du fleuve et sur les pistes difficiles.
Le ministère étudie également l’option du télé-suivi pour les patients chroniques, grâce à l’extension du réseau mobile dans le département. Une approche qui limiterait les déplacements coûteux et désengorgerait les centres de référence de la capitale.
À court terme, une nouvelle mission est annoncée pour 2026, avec un volet ophtalmologique renforcé, afin de réduire les cas de cécité évitable recensés cette année. Les habitants espèrent déjà ce rendez-vous, signe que la santé de proximité s’enracine.
Ngabé, laboratoire pour la santé universelle
Les professionnels de santé soulignent que le succès de Ngabé constitue un laboratoire grandeur nature pour l’ensemble des districts sanitaires. Les leçons tirées en matière de planification, d’équipement et de gestion de flux pourront inspirer d’autres campagnes sur le territoire national.
À l’heure où la Couverture Santé Universelle s’installe progressivement, l’expérience démontre qu’une approche communautaire, soutenue par des partenariats diversifiés, peut accélérer les progrès vers les objectifs d’équité sanitaire fixés par les autorités nationales et les partenaires du développement.