Alerte nocturne à Dolisie
Dans la quiétude apparente de la ville forestière de Dolisie, l’école se découvre un nouveau visage de vulnérabilité. Entre août et septembre, trois collèges d’enseignement général ont été forcés de nuit, laissant derrière eux des bureaux renversés mais aucun objet déclaré volé.
L’événement le plus marquant demeure l’effraction survenue au CEG Pierre Lountala, vaste établissement non clôturé situé à la périphérie ouest. Portes fracturées, documents éparpillés, cadenas brisés : au petit matin du 21 août, les surveillants n’ont découvert que le désordre et une foule de questions.
Un modus operandi énigmatique
Fait intrigant, les malfrats n’ont emporté ni ordinateurs, ni timbres fiscaux, ni petites caisses. « Ils ont tout fouillé sans rien prendre, comme s’ils cherchaient autre chose », raconte Ludovic Maxime Maboulou, responsable de la vie scolaire, encore étonné par l’absence de mobile matériel apparent.
Quelques jours plus tôt, le CEG Hammar et le CEG de l’Unité avaient essuyé des intrusions similaires. Là encore, portes fracassées, dossiers dispersés et zéro butin. La répétition du scénario renforce l’hypothèse d’une campagne de repérage plutôt qu’un vol classique, selon plusieurs agents de sécurité interrogés.
Un contexte sécuritaire sous surveillance
Dolisie, troisième ville du Congo, connaît depuis quatre ans une croissance démographique rapide portée par le commerce du bois. Cette dynamique attire aussi une délinquance opportuniste, explique un officier de la Direction départementale de la sécurité publique, convaincu que « la pression sociale nourrit les actes de prédation ou d’intimidation ».
La police affirme avoir intensifié les patrouilles autour des établissements scolaires, tout en rappelant le manque de clôtures, d’éclairage public et de vigiles qualifiés. « La sécurisation d’une école commence par sa communauté », insiste le commissaire divisionnaire Jules Ganongo, plaidant pour des solutions partagées entre mairie, parents et direction.
Impact psychologique sur les élèves
Au CEG Pierre Lountala, les salles de classe sont restées ouvertes, mais la rumeur d’objets mystérieux recherchés circule dans les couloirs. « Certains enfants ont peur de rester pour les activités périscolaires », confie Adèle Ngatsé, professeure de mathématiques, qui redoute un effet durable sur la concentration.
Le sentiment d’insécurité scolaire n’est pas propre à Dolisie. Une étude de l’Institut national de la statistique publiée en 2022 montrait que 18 % des chefs d’établissement du pays avaient signalé, dans l’année, un acte de vandalisme nocturne. Les régions urbaines arrivant en tête, devant même quelques zones minières.
Des réponses institutionnelles graduelles
Alerté, le ministère de l’Enseignement général a dépêché une mission d’inspection à Dolisie. Les émissaires ont recensé les brèches, évalué le coût d’une clôture modulaire et promis un renforcement du gardiennage. Aucune date précise n’a toutefois été communiquée, les chantiers étant conditionnés au prochain collectif budgétaire.
Au Sénat, plusieurs élus du Niari ont plaidé pour un fonds spécial destiné aux infrastructures scolaires vulnérables. Le sénateur Maurice Mavoungou soutient que « protéger l’école, c’est protéger l’avenir économique régional ». L’idée fait son chemin, même si le calendrier législatif reste dominé par la réforme de décentralisation.
Initiatives locales et solidarité
En attendant, les établissements s’organisent. À Pierre Lountala, un comité de parents bénévoles assure des rondes jusqu’à minuit. Chaque famille contribue par roulement avec torches et sifflets. Selon la direction, ce dispositif communautaire a permis de dissuader deux individus suspectés de rôder près des archives, fin septembre.
La plateforme numérique locale « Watch Dolisie » relaie en temps réel les mouvements inhabituels autour des écoles, grâce aux messages des riverains. Pour le sociologue Alain Ngoma, cette approche collaborative renforce le tissu social et rappelle les campagnes d’autodéfense villageoises, mais sans se substituer aux forces régulières.
Vers une stratégie de prévention durable
Les experts en criminologie scolaire recommandent de coupler barrière physique et éducation. Une étude pilote à Pointe-Noire indique que le théâtre forum citoyen abaisse de 30 % les actes de vandalisme. « Les jeunes doivent considérer l’école comme leur patrimoine », note la psychologue Clémence Obongo.
À Dolisie, une troupe d’art dramatique envisage déjà de jouer sur les scènes des trois collèges ciblés, avec le soutien de la direction départementale de la culture. Le projet, prévu pour novembre, doit associer élèves, policiers et artistes afin de stimuler la confiance mutuelle par l’expression créative.
Quels indicateurs pour juger les progrès
La mairie centrale prévoit de publier, chaque trimestre, un tableau de bord regroupant plaintes enregistrées, rondes réalisées et équipements installés. L’objectif est de passer d’une réaction ponctuelle à une évaluation continue, en impliquant le conseil municipal des jeunes et le réseau local d’associations étudiantes.
Pour les familles, le véritable succès se mesurera au quotidien : des cours suivis sans appréhension et des examens composés sans crainte de nouveaux saccages. Si la conjugaison des efforts publics et citoyens se confirme, le modèle de Dolisie pourrait inspirer d’autres villes congolaises confrontées au même défi discret.