Les prémices d’une renaissance linguistique
Au cœur de la salle de conférence du rectorat de l’Université Marien-Ngouabi, la remise des prix de Miss Mayele 2025 a confirmé, le 31 juillet, que la grammaire n’a rien perdu de sa force d’attraction. Portée par la professeure de lettres Sylvia Djouob, cette deuxième édition entend réhabiliter les « deux jambes de la langue française », selon sa formule. Dans un contexte où l’orthographe vacille jusque dans les amphithéâtres, le concours se veut un antidote, mais aussi un catalyseur d’estime de soi pour les étudiantes. La dimension symbolique est majeure : travailler la langue, c’est travailler l’avenir.
Au-delà du simple exercice scolaire, l’événement installe le français comme vecteur de mobilité sociale. Les épreuves de grammaire, d’orthographe et de conjugaison doivent permettre aux candidates de dépasser la crainte de la faute et d’embrasser la rigueur intellectuelle. En filigrane, c’est la question de l’autonomisation féminine qui se dessine, en parfaite cohérence avec l’agenda national d’égalité des chances défendu par Brazzaville.
Un concours aligné sur les priorités gouvernementales
L’édition 2025 n’a pas dérogé à la tradition d’un partenariat solide entre l’Université Marien-Ngouabi et les institutions publiques. En remerciant le président Denis Sassou Nguesso pour son appui, Sylvia Djouob a souligné la convergence d’objectifs : renforcer le capital humain et consolider la francophonie comme atout diplomatique. Depuis l’adoption du Plan national de développement 2022-2026, la formation professionnelle et la maîtrise des langues d’enseignement figurent parmi les vecteurs privilégiés d’inclusion socio-économique.
Cette complémentarité entre initiative universitaire et soutien étatique est loin d’être anodine. Dans la logique des pouvoirs publics, promouvoir la qualité de l’enseignement supérieur revient à investir dans la crédibilité internationale du Congo. À l’heure où la compétition pour l’attraction des capitaux et des idées s’intensifie, la langue devient un soft power stratégique que le gouvernement cultive avec pragmatisme.
Portrait croisé des quatre lauréates
Christ Nourra Ntsoumou-Ntounou, Bénie Riche Aimervia Elenga, Théodorat Hilary Makambala-Ndeke et Nicie Michelle Amora Mviri incarnent cette nouvelle génération qui conjugue ambition et exigence linguistique. Âgées de 19 à 23 ans, issues de filières aussi diverses que la médecine, le droit ou la littérature comparée, elles partagent une même conviction : la précision lexicale ouvre des portes. « Il suffit d’une heure par jour pour se discipliner », a rappelé Théodorat Hilary Makambala-Ndeke, dédiant son trophée à son père, bibliophile averti.
Le jury a distingué leur orthographe irréprochable, leur aisance syntaxique, mais aussi leur capacité à contextualiser chaque règle. À l’issue de l’épreuve reine de conjugaison, l’écart entre la première et la quatrième lauréate n’a pas excédé deux points, signe d’un niveau remarquable. Toutes entendent désormais prolonger l’engagement, notamment en animant des ateliers de remédiation linguistique dans leurs facultés respectives.
Le français comme soft power régional
Au-delà de la célébration, Miss Mayele illustre une stratégie d’influence qui dépasse les frontières nationales. Les ambassades francophones présentes à Brazzaville voient dans le concours un vivier d’enseignantes, de diplomates et de communicantes potentielles. À travers ces étudiantes, c’est la crédibilité linguistique du Congo qui se trouve renforcée dans les cercles de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale.
Cette diplomatie de la langue s’inscrit dans la tradition des colloques sur la francophonie organisés par le ministère des Affaires étrangères. Comme l’a confié un conseiller culturel européen sous couvert d’anonymat, « l’excellence linguistique est devenue un marqueur de sérieux dans les négociations multilatérales ; le Congo l’a bien compris ». Investir dans la grammaire, c’est donc investir dans la compétitivité du pays sur les scènes politiques et économiques.
Perspectives pour la prochaine décennie éducative
Fort du succès de 2025, le comité d’organisation envisage déjà l’élargissement géographique du concours aux campus de Pointe-Noire et d’Oyo. Des partenariats avec les lycées publics permettraient de détecter les talents plus tôt, tandis qu’un volet numérique – applications mobiles d’entraînement et webinaires – soutiendrait la continuité pédagogique. « Ce n’est pas un fétiche : seul le travail paie », insiste encore Sylvia Djouob, rappelant qu’elle-même a pu enseigner en France grâce à son assiduité.
En consolidant ces initiatives, le Congo-Brazzaville conforte son ambition de bâtir une jeunesse confiante, à l’aise dans la langue de Molière et apte à dialoguer avec le monde. À l’instar des quatre lauréates, appelées à devenir les ambassadrices d’une francophonie active, toute une génération pourrait bientôt faire de l’orthographe un levier de leadership. L’exercice paraît austère, mais il prépare solidement aux défis d’une économie globalisée, où la rigueur de l’écrit demeure un passeport pour la réussite.