Une bourse forgée par le devoir de mémoire
Douze ans après l’assassinat de Ghislaine Dupont et Claude Verlon à Kidal, la bourse éponyme demeure l’un des instruments les plus visibles de la diplomatie culturelle francophone. À travers ce programme, Radio France Internationale entend perpétuer « l’exigence de terrain et la liberté d’informer » qui animaient les deux reporters, selon les termes du communiqué officiel. La sélection 2025 s’inscrit donc moins dans une célébration commémorative que dans une stratégie pérenne de soutien aux nouvelles voix africaines, appelées à couvrir des débats régionaux allant de la transition énergétique au financement des infrastructures, sujets que Bruxelles, Paris ou Pékin suivent de près.
Critères de sélection : excellence et ancrage local
L’appel couvre vingt-sept États d’Afrique francophone, du Congo-Brazzaville au Sénégal, en passant par la Côte d’Ivoire et le Cameroun. Pour être éligibles, journalistes et techniciens doivent avoir moins de trente-cinq ans, deux années d’expérience et un portfolio audio probant. Les dossiers devront parvenir à RFI avant le 24 août, un ultimatum qui sied aux agendas diplomatiques de la rentrée, lorsque syndicats de la presse et institutions partenaires se réunissent à Paris pour dresser le bilan de l’année médiatique. Dix candidats — cinq journalistes, cinq techniciens — seront retenus pour les ateliers dakarois du 15 au 30 octobre, animés par des formateurs de l’INA et de l’École de journalisme de Sciences Po.
Dakar, carrefour stratégique de l’écosystème francophone
Le choix de Dakar n’est pas anodin. La capitale sénégalaise se positionne depuis une décennie comme hub régional grâce à un maillage universitaire dense, une connectivité aérienne robuste et la présence de sièges d’organes multilatéraux. En inaugurant en 2023 son « Hub Afrique », France Médias Monde a entériné cette centralité. « Dakar offre à la fois la sérénité logistique et la pluralité de terrains de reportage », explique Abdoulaye Seck, consultant médias auprès de l’Union africaine. Dans cet environnement, les stagiaires auront accès à des acteurs institutionnels — ministères, ONG, entreprises extractives — qui façonnent le narratif régional, depuis la Casamance jusqu’aux rives du fleuve Congo.
Un compagnonnage parisien à forte valeur ajoutée
Les deux lauréats bénéficieront d’une immersion de quatre semaines au siège de RFI, à Issy-les-Moulineaux, entre janvier et mars 2026. L’expérience inclut la co-production de reportages diffusés à l’antenne, un mentorat personnalisé et un accès aux studios numériques de Radio France. Dans un contexte où la formation continue représente l’un des défis majeurs du secteur, cette mobilité constitue un accélérateur de carrière notable. Victoire Andrène Ombi, lauréate 2024, souligne que « le passage dans les rédactions parisiennes permet de comprendre les impératifs éditoriaux mondiaux tout en conservant son identité africaine ».
Soft power et diplomatie culturelle en jeu
Au-delà de l’enjeu professionnel, la bourse Dupont-Verlon participe d’un soft power francophone désormais plus horizontal. Paris valorise les talents locaux, tandis que les capitales africaines consolident un espace informationnel qui leur est propre. Les bailleurs multilatéraux y voient un instrument de lutte contre la désinformation, fléau mis en exergue par plusieurs résolutions onusiennes. Le choix de remettre les prix le 2 novembre, Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes contre les journalistes, rappelle enfin que la sécurité des reporters reste un marqueur de gouvernance démocratique.
Une opportunité saillante pour la jeunesse congolaise
Le Congo-Brazzaville, qui a vu triompher en 2024 la journaliste Victoire Andrène Ombi, dispose d’un vivier dynamique tant à Brazzaville qu’à Pointe-Noire. Les réformes récentes en matière de régulation audiovisuelle favorisent l’essor de jeunes radios communautaires, créant un terreau propice à la détection de nouveaux talents. Les autorités culturelles encouragent la diversité éditoriale, une orientation compatible avec l’esprit de la bourse. La perspective d’une formation franco-sénégalaise, suivie d’un compagnonnage parisien, peut donc servir de catalyseur à cette nouvelle génération de professionnels, appelée à couvrir l’actualité sous-régionale, des projets pétroliers offshore aux conférences environnementales de Libreville.