Une adhésion stratégique à haute portée symbolique
En adoptant, à l’unanimité, le projet de loi autorisant la ratification de la Convention créant l’Organisation internationale pour la médiation, les sénateurs congolais ont inscrit la République du Congo dans la dynamique multilatérale prônant la diplomatie préventive. Cette avancée, intervenue le 2 août lors de la sixième session ordinaire de la quatrième législature, ne relève pas d’un simple exercice de forme. Elle réaffirme, sur la scène internationale, la vocation pacifique d’un pays déjà reconnu pour son engagement dans la résolution des crises régionales, du Bassin du Congo à la Centrafrique.
Architecture institutionnelle de la nouvelle organisation
La Convention, ouverte à la signature le 30 mai dernier, institue un conseil d’administration composé des États parties, un secrétariat général chargé du suivi opérationnel et plusieurs organes consultatifs. Le dispositif privilégie des médiateurs agréés, sélectionnés pour leur neutralité et leur expertise, aptes à intervenir aussi bien dans les différends interétatiques que dans les litiges commerciaux transnationaux ou opposant un particulier à un État. Par cette approche holistique, l’Organisation ambitionne de réduire la judiciarisation excessive des conflits et d’alléger la charge des tribunaux internationaux en créant un espace singulier de dialogue, conforme à l’article 33 de la Charte des Nations unies.
Concordance avec la doctrine congolaise de règlement pacifique
L’adhésion congolaise épouse la ligne directrice déjà défendue par Brazzaville dans les enceintes continentales et onusiennes : priorité à la négociation, à la souveraineté des États et à la non-ingérence. « Notre signature est un acte de cohérence politique autant qu’un investissement pour la paix », a souligné le ministre de la Coopération internationale et du Partenariat public-privé, Denis Christel Sassou Nguesso, devant le Sénat. Avec la ratification, le Congo devient le 34ᵉ État à rejoindre l’initiative et démontre sa volonté de consolider l’architecture africaine de paix, longtemps tributaire des mécanismes de répression plutôt que de prévention.
Vers un climat des affaires sécurisé et attractif
Au-delà des considérations purement diplomatiques, la médiation porte un enjeu économique tangible. Le Forum économique de Brazzaville a, à plusieurs reprises, mis l’accent sur les coûts liés aux contentieux, évalués par la Banque mondiale à près de 1 % du PIB régional chaque année. En s’alignant sur ce nouveau cadre, le gouvernement envoie un signal de prévisibilité aux investisseurs, soucieux de disposer de voies rapides et confidentielles pour résoudre les différends. L’instrument devrait ainsi renforcer le climat des affaires, facteur crucial dans la stratégie de diversification économique initiée par le Plan national de développement 2022-2026.
Complémentarité avec les juridictions régionales
Certains observateurs redoutaient un chevauchement avec la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’Ohada. Le ministre a tenu à lever l’ambiguïté : « L’Organisation agit en amont du prétoire ; elle aide les parties à se parler avant qu’un différend ne dégénère en procès ». Cette complémentarité renforce la cohérence juridique en Afrique centrale, où l’encombrement des tribunaux et la longueur des procédures d’arbitrage freinent souvent la résolution rapide des litiges. En somme, loin de concurrencer les juridictions existantes, la médiation leur offre un filtre préalable susceptible de décongestionner l’appareil judiciaire.
Ce que disent les experts africains de la médiation
Pour le professeur Amadou Ba, spécialiste sénégalais du droit international, « l’entrée du Congo dans ce dispositif est un catalyseur pour la diplomatie de prévention en Afrique ». De son côté, la juriste camerounaise Élodie Manga voit dans cette ratification « un atout pour la protection des investissements dans la sous-région », rappelant que 70 % des différends commerciaux transfrontaliers pourraient être réglés par la médiation selon les chiffres de l’International Mediation Institute. Enfin, le directeur du Centre africain pour la consolidation de la paix note que l’implication de Brazzaville « accrédite l’idée d’une Afrique moteur des solutions multilatérales, non plus simple bénéficiaire ». Ces appréciations convergent : la diplomatie douce que cultive la République du Congo gagne en crédibilité, tout en contribuant à la pacification durable des rapports internationaux.