Un nouveau visage à la régulation médiatique
Le communiqué rendu public le 18 août 2025 par l’Union des professionnels de la presse du Congo a aussitôt circulé dans les salles de rédaction. En saluant la nomination de Médard Milandou Nsonga à la tête du Conseil supérieur de la liberté de communication, l’organisation fixe déjà le cap.
Pour beaucoup d’observateurs, le changement intervient à un moment charnière où la modernisation du paysage médiatique congolais devient incontournable. Le nouveau président devra composer avec un secteur fragilisé, mais riche d’initiatives privées et publiques appelées à s’harmoniser au service du public.
L’Union rappelle toutefois que la nomination n’est qu’un point de départ. « Seule une régulation inclusive et transparente favorisera le renouveau médiatique », résume Edouard Adzotsa, secrétaire général coordonnateur. Le message vise autant les autorités que les entreprises de presse, souvent confrontées à des difficultés structurelles.
Les attentes pressantes des professionnels
Au cœur des attentes figure l’application des recommandations issues des assises nationales d’octobre 2018 à Brazzaville. Ces travaux avaient dégagé un consensus sur la nécessité de renforcer la formation, assainir la concurrence et actualiser le cadre législatif pour tenir compte du numérique.
L’UPPC insiste également sur la protection sociale des journalistes, souvent livrés à eux-mêmes face à des revenus irréguliers et à l’absence de couverture maladie. « Un professionnel serein garantit une information fiable », rappelle Jean-Clotaire Hymboud, président de la commission de contrôle.
Selon plusieurs rédacteurs en chef, le déficit d’équipement constitue un frein majeur. Beaucoup de radios communautaires émettent encore avec du matériel analogique, tandis que certaines télévisions peinent à passer au format haute définition, pourtant plébiscité par le public urbain.
La transition numérique ouvre pourtant d’immenses opportunités, notamment pour la jeunesse brazzavilloise adepte des plateformes en ligne. Pour saisir cette chance, l’Union plaide pour un accompagnement technique et fiscal, afin de favoriser l’émergence de médias multiplateformes capables de toucher la diaspora.
Le dossier épineux du Fonds d’appui
Annoncé dans la loi de finances 2025 et doté de 600 millions de francs CFA, le Fonds d’appui aux organes de presse suscite de fortes attentes. Son opérationnalisation tarde toutefois, ravivant le souvenir de la redevance audiovisuelle avortée.
Pour Edouard Adzotsa, « il est crucial que le dispositif soit géré avec rigueur et équité afin d’éviter toute suspicion d’affectation partisane ». Une transparence publique sur les critères et les bénéficiaires renforcerait la crédibilité du mécanisme auprès des rédactions indépendantes.
Dans l’entourage du CSLC, l’on assure que les textes d’application sont « en cours de finalisation » et que les premiers décaissements pourraient intervenir avant la fin de l’année. Un calendrier accueilli prudemment par les directeurs de publication.
Les éditeurs rappellent que l’appui financier n’a de sens que s’il s’accompagne d’obligations claires en matière de gouvernance, de formation et de mise à niveau technologique. Autrement, préviennent-ils, le secteur risque de rester sous-capitalisé et dépendant des recettes publicitaires fluctuantes.
Parité et compétences au cœur du débat
Le communiqué de l’Union souligne une absence remarquée de femmes dans la nouvelle équipe dirigeante du CSLC. Un paradoxe, estime la vice-présidente d’un syndicat de journalistes, « alors que la promotion du genre figure dans les textes nationaux ».
Même si aucune contestation formelle n’a été portée, plusieurs voix appellent à corriger progressivement ce déséquilibre pour refléter la diversité des rédactions où les jeunes diplômées sont nombreuses. Le CSLC indique vouloir élargir prochainement ses commissions thématiques.
Le débat sur les compétences revient également, l’Union mettant en garde contre « l’usurpation de titres professionnels ». Dans un contexte où l’information circule à grande vitesse, la certification des parcours devient un indicateur essentiel de crédibilité aux yeux du public.
Vers une synergie constructive État-société civile
Au-delà des critiques, l’UPPC porte un message d’ouverture. La collaboration avec le CSLC, esquissée depuis plusieurs années, a déjà permis d’aplanir certains différends et d’organiser des ateliers conjoints sur l’éthique journalistique, dont les recommandations servent aujourd’hui de base aux codes internes de plusieurs médias.
Dans un entretien téléphonique, un cadre du ministère de la Communication assure que « le gouvernement restera attentif aux propositions des professionnels pour renforcer la chaîne de valeur médiatique ». Cette démarche, ajoute-t-il, vise à consolider la paix sociale et la cohésion nationale.
Les prochains mois seront donc scrutés comme un baromètre de la volonté collective. Si le Fonds d’appui se met en route et si les recommandations d’octobre 2018 trouvent un début d’exécution, le secteur pourrait amorcer une véritable dynamique de croissance inclusive.
D’ici là, chaque acteur, du journaliste de terrain au régulateur, est invité à « faire preuve de responsabilité », rappelle Jean-Clotaire Hymboud. Car, dit-il, « c’est la crédibilité de notre démocratie qui se joue à travers la qualité de l’information diffusée chaque jour ».
À Brazzaville, les étudiants en journalisme observent ces évolutions avec attention, conscients que les décisions de 2025 façonneront leurs futures opportunités, de la presse écrite aux nouveaux formats mobiles en pleine expansion.