Une impulsion royale pour l’inclusion sociale
En autorisant la mise en service immédiate de treize nouveaux centres sociaux, le roi Mohammed VI réaffirme la priorité qu’il accorde à la cohésion nationale. Portée par la Fondation Mohammed V pour la Solidarité, cette initiative représente un investissement de 30 millions $ et s’inscrit dans le prolongement du Nouveau Modèle de Développement, feuille de route à l’horizon 2035. Dans un contexte régional marqué par les inégalités et par la pression démographique, le souverain a choisi d’agir simultanément sur plusieurs leviers : la santé de proximité, le soutien aux personnes en situation de handicap, la lutte contre les addictions et l’employabilité des jeunes. Selon le secrétariat général du gouvernement, il s’agit de la plus vaste opération de renforcement des infrastructures sociales jamais déployée en une seule séquence dans le royaume.
Des infrastructures sanitaires en première ligne
L’accès aux soins constitue la clef de voûte de ce programme. À Salé, un centre médical de proximité doté d’un budget de 8,55 millions $ vient compléter une offre hospitalière souvent saturée dans la région de Rabat. Le dispositif prévoit six unités de ce type en fonctionnement et un total de douze à l’échelle nationale à moyen terme. Dans le Rif, les habitants d’Al Aroui disposent désormais d’un centre de dialyse de 1,11 million $, adossé à l’hôpital Mohammed VI, ce qui réduit drastiquement les distances parcourues pour l’hémodialyse. Le ministère de la Santé souligne que le taux de prévalence de l’insuffisance rénale chronique est en hausse de 5 % par an et que cette réalisation permettra d’absorber la moitié des besoins locaux (rapport ministériel 2023).
Le handicap : vers un maillage territorial renforcé
À Beni Mellal, la nouvelle antenne régionale du Centre National Mohammed VI pour les personnes handicapées, financée à hauteur de 3 millions $, porte à neuf le nombre d’établissements spécialisés. Samira Benani, responsable du programme, rappelle que « chaque nouveau site élargit l’accès à la rééducation, à l’orthophonie et à la formation professionnelle adaptées ». La création de cette structure consolide le maillage territorial en dehors des pôles côtiers traditionnellement mieux dotés et confirme l’objectif d’une offre homogène, principe entériné par la loi-cadre 97-13 relative à la protection des droits des personnes en situation de handicap.
Addictions : une réponse pilotée par la santé publique
L’ouverture concomitante de trois centres de prise en charge des addictions à Chefchaouen, Al Hoceïma et Beni Mellal répond à l’augmentation documentée de la consommation de psychotropes chez les 15-24 ans. Financées respectivement à 6,5, 6,5 et 4,5 millions de dirhams, ces structures élèvent à dix-huit le nombre total d’unités actives dans quinze villes. Le docteur Abdelaziz El Fadli, psychiatre engagé dans le programme national, souligne que « l’orientation communautaire et le suivi ambulatoire limitent les rechutes et désengorgent les services hospitaliers ». La dimension préventive, intégrée au volet éducatif, complète la prise en charge médicale pour tenter de briser un cycle souvent corrélé au décrochage scolaire.
Jeunesse et emploi : un investissement ciblé dans les compétences
Six centres de formation professionnelle viennent étoffer le réseau existant, avec des curricula conçus en concertation avec les fédérations sectorielles. Le plus emblématique, dédié au soudage métallique à Tit Mellil, représente à lui seul 94 millions de dirhams et anticipe la demande des chantiers industriels et portuaires prévus dans la région. À Souk Larbaa, le centre des métiers agricoles mise sur la chaîne de valeur agro-alimentaire, tandis qu’à Sidi Othman, dans la métropole casablancaise, un pôle électrique de 32,5 millions de dirhams vise la montée en puissance des énergies renouvelables. Karima Lahlou, économiste à la Banque africaine de développement, analyse cette orientation comme « une traduction tangible de la volonté d’arrimer les jeunes à la dynamique d’industrialisation et d’exportations ».
Lecture diplomatique d’une stratégie de soft power régional
Sur le plan géopolitique, l’opération consolide l’image du Maroc comme pourvoyeur de biens publics dans son voisinage immédiat et au-delà. Les agences onusiennes partenaires considèrent que la régularité de l’investissement social marocain crée un précédent pour les économies émergentes en Afrique du Nord. Dans les milieux diplomatiques à Rabat, on souligne que ces infrastructures facilitent non seulement la stabilité interne, mais renforcent la capacité du royaume à proposer des coopérations sud-sud, notamment avec l’Afrique subsaharienne. En filigrane, l’action sociale s’affirme comme une composante de soft power, complémentaire des initiatives religieuses et sécuritaires déjà déployées.
Perspectives et défis d’une politique publique intégrée
Le pari solidaire royal ouvre des perspectives inédites, mais il commande également un suivi rigoureux. La pérennité financière, l’attraction de ressources humaines qualifiées et la coordination inter-ministérielle demeurent des défis que la Cour des comptes a plusieurs fois pointés dans ses rapports. Les responsables de la Fondation Mohammed V assurent que des indicateurs de performance seront publiés annuellement, condition sine qua non pour passer d’une logique d’inauguration à une culture de résultats. À moyen terme, l’intégration de ces centres dans les schémas régionaux de développement est appelée à devenir un laboratoire de gouvernance locale, au service d’une ambition clairement énoncée : inscrire l’inclusion sociale au cœur de la compétitivité globale du pays.