Brazzaville place la barre haut en prévention sanitaire
Sous le plafond feutré de la salle de conférence de l’OMS, l’air avait ce parfum de décision collégiale que l’on respire rarement. Durant quarante-huit heures, le Programme national de lutte contre le sida, épaulé par l’Unicef, l’OMS et une constellation de partenaires, a réuni près d’une centaine de participants pour un même mot d’ordre : offrir aux adolescents congolais un accès sûr, complet et égalitaire à la santé sexuelle et reproductive. L’objectif, envisagé comme un fil d’Ariane dans la stratégie nationale de santé, était clair : harmoniser un paquet de services encore dispersés, parfois redondants, souvent inégalement distribués entre zones urbaines et rurales.
Un chantier sanitaire à la croisée des partenariats
Le dialogue franc a permis de mettre à nu les fissures d’un système pourtant riche en programmes. Entre la désinformation circulant sur les réseaux sociaux, la stigmatisation attachée aux infections sexuellement transmissibles et la rareté de points de service intégrés, chaque institution a apporté son regard analytique. « Nous devions sortir de la juxtaposition d’initiatives, avancer vers une trame commune », a résumé le Dr Michelle Mountou, directrice de la santé de la reproduction. Son propos fait écho à l’engagement du ministère de la Santé, soucieux de rationnaliser les ressources et de garantir la cohérence des interventions, conformément aux priorités nationales de développement.
Cap sur des services réellement harmonisés
À l’issue des travaux, trois axes opérationnels ont émergé : la conception de fiches thématiques précisant les interventions selon le niveau de soins disponible ; la formation systématique des personnels, qu’ils exercent en milieu scolaire, communautaire ou hospitalier ; et la consolidation d’un système de reporting capable de mesurer, sur des indicateurs partagés, l’impact réel des actions. Ces recommandations, qui seront bientôt soumises à la validation institutionnelle, reposent sur une volonté affirmée d’inscrire le paquet harmonisé dans les plans d’action régionaux, anticipant déjà son arrimage aux Objectifs de développement durable.
La voix des jeunes, catalyseur d’efficacité publique
Le caractère singulier de l’atelier tient à la place accordée aux premiers concernés. De la tribune, Frédérique Baboutila, dix-huit ans, présidente du Parlement des enfants du Congo, a rappelé que « parler de nous sans nous serait une démarche inachevée ». Les participants les plus jeunes ont défendu une approche centrée sur la confidentialité, la proximité et la clarté des messages. En coulisses, leur contribution a nourri la rédaction des futures fiches thématiques ; sur les réseaux sociaux, ils ont lancé un mot-dièse promettant de suivre, mois après mois, l’avancée de la mise en œuvre.
Le pari du numérique au service du bien-être
Parce qu’un smartphone vaut aujourd’hui autant qu’un carnet de santé, plusieurs solutions technologiques ont été mises en lumière. Hello Ado, application mobile déjà disponible dans trente-trois pays, offre une cartographie en temps réel des centres de soins, un module de questions anonymes et un espace consacré à la santé mentale. Tic Tac Ados, plate-forme interactive soutenue par l’Unesco, diffuse une éducation complète à la sexualité à travers des contenus validés par des experts. Enfin, U-Report, outil de participation citoyenne introduit par l’Unicef en 2017, récolte les impressions des jeunes via des sondages gratuits. Ensemble, ces dispositifs ambitionnent de réduire la fracture informationnelle et de renforcer l’autonomie décisionnelle des 10-24 ans.
Prochaines étapes et vigilance partagée
Le succès de cette nouvelle architecture dépendra, selon le Dr Mountou, « de notre capacité à sortir des murs de la salle de réunion ». Sensibilisation communautaire, financement durable et suivi rigoureux des indicateurs clés composent la feuille de route immédiate. Les organisations partenaires, unanimes, envisagent déjà une mission conjointe d’évaluation d’ici douze mois. Dans un contexte congolais où la jeunesse représente près de 60 % de la population, l’harmonisation promise fait figure de test grandeur nature pour la gouvernance sanitaire. Gageons que la synergie affichée à Brazzaville se traduira dans les dispensaires de Ouesso, les collèges de Pointe-Noire et les centres jeunesse de Dolisie, créant le maillage territorial qu’appellent de leurs vœux les adolescents eux-mêmes.