Oyo accueille la troisième cohorte Genius
La petite ville d’Oyo, située sur les berges fertilisées par l’Alima, a lancé en fanfare la troisième phase du programme d’incubation Genius, après Brazzaville et Pointe-Noire. Plus de deux cents entrepreneures venues des onze districts de la Cuvette y ont pris place.
L’objectif affiché par la Chambre nationale des femmes cheffes d’entreprises et entrepreneures du Congo est clair : doter ces créatrices d’activité d’outils concrets pour structurer, financer et développer leurs projets, tout en renforçant la résilience économique locale face aux chocs conjoncturels.
Des modules adaptés aux réalités locales
La formation, étalée sur douze semaines, mêle cours théoriques et ateliers pratiques. Les participantes abordent l’élaboration d’un business plan, la comptabilité simplifiée, la négociation bancaire, mais aussi le marketing digital devenu indispensable pour toucher les clientèles urbaines depuis leurs zones rurales.
Des spécialistes congolais et étrangers interviennent en visioconférence pour traiter de l’intelligence économique ou de la protection de la propriété intellectuelle, tandis que les coaches basés à Oyo insistent sur la gestion des stocks, la lecture d’un tableau de trésorerie et la tenue d’un registre fiscal.
« Nous avons veillé à contextualiser chaque module afin qu’il réponde aux réalités du terrain », rappelle la présidente Flavie Lombo, citant l’exemple des agricultrices d’Owando qui transformeront bientôt le manioc en farine précuite pour les marchés urbains.
L’inclusion financière comme colonne vertébrale
L’inclusion financière constitue le fil rouge du programme. La direction de MTN Mobile Money a présenté aux apprenantes les fonctionnalités d’épargne, de micro-crédit et de paiement sans espèces, avant de distribuer des téléphones équipés d’applications de suivi comptable, offerts en partenariat avec le PNUD.
Selon Adama Dian-Barry, représentante résidente de l’agence onusienne, « l’accès à des services financiers adaptés reste le maillon qui limite encore l’expansion de nombreuses PME féminines ». L’accord signé avec la Chambre prévoit un fonds de garantie destiné à couvrir partiellement les premiers emprunts.
Plusieurs banques locales, dont la BCI et l’UB, ont dépêché des conseillers à Oyo pour présenter leurs produits agri-business. Certaines ont déjà ouvert sur place des comptes d’exploitation collectifs permettant aux coopératives de mutualiser leurs recettes et de négocier des taux d’intérêt préférentiels.
Des partenariats publics et privés stratégiques
Le maire d’Oyo, Gaston Yoka, annonce que la municipalité mettra à disposition un hangar rénové afin d’héberger un marché de gros hebdomadaire dédié aux produits des bénéficiaires. L’initiative, selon lui, renforcera la sécurité alimentaire et réduira les pertes post-récolte.
Du côté ministériel, la direction départementale de l’Agriculture promet un accompagnement technique axé sur la certification sanitaire et la diffusion de semences améliorées, tandis que le ministère des PME étudie un dispositif d’exonération temporaire pour les jeunes entreprises sorties de l’incubateur.
Le secteur privé n’est pas en reste. Plusieurs sociétés forestières ont indiqué vouloir réserver une part de leurs achats de vivres aux micro-entreprises féminines, un mécanisme d’approvisionnement local inspiré du contenu local dans le pétrole, pensé pour sécuriser des débouchés dès le démarrage.
Valoriser les filières agricoles de la Cuvette
Le département dispose d’un potentiel reconnu en tubercules, pisciculture et maraîchage. Les formatrices invitent les femmes à cartographier les poches de demande à Brazzaville et Pointe-Noire, où la consommation de produits vivriers explose avec l’urbanisation accélérée. Le cacao de haute altitude suscite également un intérêt croissant.
Un accent particulier est mis sur la transformation primaire : séchage du poisson, conditionnement sous vide des feuilles de manioc, ou fabrication d’huiles de palme artisanales. Ces procédés allongent la durée de conservation et créent, selon les experts, jusqu’à 30 % de valeur ajoutée supplémentaire.
Paroles de bénéficiaires
Mireille Ebangui, 34 ans, cultive le piment sur deux hectares près d’Oyo. « Je vendais sur la route nationale, sans calculer mes marges. Grâce aux premiers cours, j’ai compris l’intérêt d’un coût de revient et d’un carnet de commandes à livrer sur Brazzaville », confie-t-elle.
Pour Sonia Nkouka, commerçante de Mossaka, la découverte du paiement mobile bouleverse les habitudes : « Je passais des heures à la banque pour déposer la recette, désormais j’encaisse et je paye mes fournisseurs en quelques clics, même le week-end ». Son objectif est d’ouvrir un second dépôt.
Les formatrices notent également que la dynamique collective renforce la confiance. « Beaucoup d’entre elles découvrent qu’elles partagent les mêmes doutes et trouvent ensemble des solutions », souligne Agnès Okouri, coach senior, qui observe une nette amélioration de la prise de parole en public après quatre sessions.
Quelles perspectives pour l’entrepreneuriat féminin
À l’issue des trois mois, chaque participante présentera son projet devant un jury composé de banquiers, de représentants de la mairie et d’industriels. Les lauréates accéderont à six mois de mentorat supplémentaire et intégreront un réseau numérique de partage d’opportunités.
Les organisateurs ambitionnent d’atteindre mille femmes en 2025 et d’étendre le dispositif à la Sangha. Si la promesse d’un écosystème entrepreneurial inclusif se concrétise, la Cuvette pourrait devenir un pôle de référence, contribuant à diversifier l’économie congolaise et à réduire le chômage des jeunes et à stimuler l’innovation agroalimentaire locale.