Une accréditation diplomatique capitale
Sous les ors du ministère des Affaires étrangères, le docteur Vincent Dossou Sodjinou a remis ses lettres de créance à Jean-Claude Gakosso le 27 juin 2025. Le geste, hautement symbolique, entérine la présence officielle du nouveau représentant de l’Organisation mondiale de la Santé au Congo.
Dans un contexte régional où la santé publique reste un pilier stratégique, l’arrivée de ce médecin béninois, rompu aux urgences sanitaires, suscite attentes et curiosités. Les autorités congolaises, par la voix du ministre, ont salué un « partenaire technique essentiel » capable de dynamiser un système en mutation permanente.
Le parcours d’un médecin globe-trotter
Vincent Sodjinou, 50 ans, cumule vingt-quatre années d’expérience en santé publique. Formé à la médecine générale avant un doctorat en santé publique, il a sillonné le continent pour l’OMS, du Hub Régional des Urgences de Dakar aux épidémies frontalières, consolidant une réputation d’homme de terrain fiable et respecté.
Depuis septembre 2024, il occupait déjà l’intérim à Brazzaville. Cette transition lui a permis de mesurer les réalités locales, de la logistique vaccinale dans la Cuvette aux besoins budgétaires des hôpitaux urbains. Les acteurs sanitaires louent sa connaissance précoce des dossiers et son sens de l’écoute très affûté.
Une coopération au cœur des priorités nationales
Durant la cérémonie, Jean-Claude Gakosso a rappelé la « disponibilité totale » du gouvernement à collaborer sous la haute autorité du président Denis Sassou Nguesso. L’Exécutif voit dans le nouveau mandat de l’OMS un levier majeur pour accélérer les réformes déjà amorcées dans la politique sanitaire nationale actuelle globale.
Les deux parties ont d’emblée listé leurs chantiers phares : extension des soins primaires, gouvernance hospitalière modernisée, surveillance épidémiologique numérique et intégration du concept « santé dans toutes les politiques ». Autant de thèmes alignés sur le Plan national de développement sanitaire qu’entend piloter le ministre Gilbert Mokoki au quotidien.
Pour Sodjinou, l’enjeu premier reste « d’appuyer sans se substituer ». Il prône une assistance technique calibrée sur les priorités congolaises et insiste sur la mobilisation de ressources domestiques. Cette orientation répond à la crise financière que traverse l’agence onusienne et encourage l’appropriation locale des programmes en cours durablement.
Diagnostic actuel du système de santé congolais
Le Congo a amélioré plusieurs indicateurs depuis dix ans : baisse de la mortalité maternelle, meilleure couverture vaccinale ou riposte rapide face à Ebola. Toutefois, la densité médicale, l’accès aux médicaments essentiels et la soutenabilité budgétaire demeurent des défis, reconnaissent experts et autorités dans leurs rapports récents.
Le gouvernement a donc engagé une série de réformes, dont la création de districts sanitaires autonomes et la digitalisation des dossiers médicaux. L’OMS sera appelée à valider les protocoles et à renforcer les capacités, notamment dans les laboratoires provinciaux, clefs pour détecter précocement les flambées d’épidémies potentielles futures.
La dimension francophonie et souveraineté
Choisir Brazzaville comme siège africain de l’OMS, confirmé depuis 1967, confère au pays un poids diplomatique singulier. Lors de sa récente mission à Genève, le ministre Gakosso a négocié la révision de l’accord de siège pour consolider cette position et promouvoir la francophonie scientifique auprès des partenaires multilatéraux.
Cette approche garantit la souveraineté sanitaire prônée par Brazzaville. « Les partenariats doivent respecter nos choix stratégiques », a rappelé le ministre. Sodjinou se dit en phase : « L’OMS agit sur invitation des États, jamais à leur place ». Une convergence présentée comme gage d’efficacité et de confiance mutuelle durable.
Prochaines étapes et calendrier 2025-2026
Une commission mixte OMS-Congo devrait se réunir chaque trimestre afin d’évaluer l’avancement des actions. Les premières réunions, annoncées pour septembre, se pencheront sur le financement du personnel communautaire, la mise à niveau des ambulances fluviales et l’adoption d’indicateurs communs de performance pour suivre les retombées sur le terrain.
Parallèlement, le ministère de la Santé souhaite finaliser la stratégie de couverture sanitaire universelle avant fin 2025. L’appui de l’OMS portera sur le costing, la formation des actuaires et l’organisation d’une table ronde avec bailleurs régionaux, un rendez-vous clé pour sécuriser les financements et engager la mise œuvre.
Regards d’experts et attentes citoyennes
Pour le professeur Alphonse Loukakou, épidémiologiste à l’Université Marien-Ngouabi, la nomination est « une chance de consolider la recherche opérationnelle ». Sur les réseaux, de jeunes médecins espèrent davantage de bourses et la modernisation des plateaux techniques, soulignant l’importance d’inclure la diaspora scientifique dans les réflexions en cours nationales.
De son côté, l’économiste du développement Rogatien Ngoma rappelle que chaque dollar investi dans la santé génère une croissance inclusive. Selon lui, un alignement OMS-gouvernement-secteur privé permettrait de stimuler la production pharmaceutique locale, réduire les importations et créer des emplois qualifiés pour la jeunesse congolaise à long terme.
Un partenariat présenté comme modèle régional
À l’issue de la rencontre, les deux responsables ont souligné leur ambition de faire du Congo un laboratoire d’initiatives africaines. Si les promesses se concrétisent, l’expérience brazzavilloise pourrait inspirer d’autres pays francophones, consolidant ainsi le rôle pivot du siège régional et de son nouvel hôte dans les années.