Formation professionnelle mobile Congo : une nouvelle étape
Le frémissement perceptible sur l’esplanade du ministère de la Jeunesse, le 31 juillet dernier à Brazzaville, traduit l’onde de changement qu’entend impulser le Fonds national d’appui à l’employabilité et à l’apprentissage. En présentant sa première unité mobile de formation dédiée aux métiers de l’électricité, le Fonea place la mobilité au service de l’inclusion, une ambition qui s’accorde avec la trajectoire de diversification économique défendue par les autorités congolaises. L’initiative, parrainée par le ministre Hugues Nguolondélé, a fédéré autour d’elle des représentants gouvernementaux, des partenaires techniques et le réseau des Centres d’éducation, de formation et d’apprentissage, attestant d’une volonté collective d’orchestrer une réponse structurée au défi de l’employabilité des jeunes.
Dans un pays où près de deux tiers de la population ont moins de trente ans, la question de l’accès équitable à une formation qualifiante reste un enjeu de stabilité sociale et de compétitivité économique. En positionnant ce conteneur high-tech sur la carte de l’action publique, Brazzaville renforce la dimension territoriale des politiques éducatives : dans la périphérie urbaine comme dans les localités éloignées, l’atelier vient désormais au stagiaire, et non l’inverse.
Électrification et jeunesse congolaise : un outil pédagogique de pointe
Long de 14,5 m, large de 2,5 m et haut de 4,5 m, le module éducatif épouse la silhouette d’un conteneur extensible, aisément tractable vers les départements les plus enclavés. L’équipement pédagogique y occupe le premier rôle : panneaux de simulation, bancs de câblage, tableaux de distribution basse tension et logiciels de diagnostic permettent d’alterner la théorie et la pratique sans rupture pédagogique. À l’extérieur, un groupe électrogène de 65 kVA assure l’autonomie énergétique, tandis que trois unités frigorifiques maintiennent la chaîne de froid des composants sensibles, élément crucial sous les latitudes équatoriales.
Patrick Robert Ntsibat, directeur général du Fonea, souligne que « l’unité répond aux standards internationaux applicables à la formation initiale des électriciens, du sectionnement au contrôle d’installations intelligentes ». La conformité aux référentiels de compétence du Cefa garantit l’équivalence des certifications délivrées, éliminant de fait les disparités entre centres fixes et dispositif mobile.
Emploi des jeunes Congo : enjeux économiques et diplomatiques
Au-delà de l’innovation technologique, le projet véhicule une valeur diplomatique subtile : il fait écho aux engagements du Congo-Brazzaville auprès de ses partenaires multilatéraux en matière d’Objectifs de développement durable, notamment ceux relatifs à l’éducation de qualité et à l’accès à une énergie propre. En capitalisant sur un savoir-faire local, l’action du Fonea conforte l’image d’un État stratège, désireux de conjuguer souveraineté industrielle et ouverture à la coopération. Plusieurs chancelleries, informées en amont, ont exprimé leur intérêt pour des échanges d’expertise, et certains bailleurs envisagent de s’adosser à ce modèle pour soutenir des programmes similaires dans la sous-région.
Sur le plan interne, l’unité mobile se veut catalyseur d’emplois directs et indirects. Chaque rotation de trente jours peut former une cohorte d’une trentaine d’apprenants, soit un potentiel annuel supérieur à 350 techniciens intermédiaires. Ces profils techniques sont particulièrement recherchés à l’heure où le gouvernement accélère l’électrification rurale et la maintenance de mini-réseaux solaires, secteurs qui, selon les données du ministère de l’Énergie, devraient générer près de 5 000 postes d’ici à 2027.
Partenariats internationaux Fonea : vers une montée en puissance
La phase pilote lancée à Brazzaville ouvre un couloir d’expansion mesuré. À court terme, le Fonea projette de déployer deux unités supplémentaires destinées respectivement à la plomberie-chauffage et à la maintenance informatique. L’objectif déclaré est de constituer une flotte légère capable de couvrir l’ensemble des douze départements. Cette stratégie graduelle permet d’absorber les coûts logistiques, évalués à environ 120 millions de francs CFA par unité, tout en testant l’adéquation entre l’offre de formation et la demande locale.
La recherche de partenariats techniques, notamment auprès d’équipementiers africains et européens, figure déjà à l’agenda. « Nous privilégions des accords qui garantissent le transfert de compétences, pas seulement la fourniture d’équipements », confie un conseiller du ministère de la Coopération internationale. Ce positionnement, qui s’inscrit dans la doctrine diplomatique de responsabilisation mutuelle, pourrait également attirer des financements climat, la dimension électricité verte étant explicitement mentionnée dans le cahier des charges pédagogique.
À l’horizon 2030, l’institution envisage enfin une interconnexion avec des plateformes de formation à distance, de manière à coupler les sessions présentielles dans le conteneur et des modules digitaux accessibles via l’intranet gouvernemental. Cette hybridation répondrait à l’impératif de continuité pédagogique mis en exergue durant la pandémie, tout en maximisant l’amortissement des infrastructures routières récemment modernisées.
Vers une génération de techniciens ancrés dans les territoires
L’unité mobile du Fonea, en déplaçant le centre de gravité de la formation vers les localités, participe d’un mouvement plus large : celui de la territorialisation des politiques publiques. En apportant un plateau technique là où l’abandon scolaire ou l’économie informelle semblaient jusque-là l’unique horizon, l’institution contribue à redessiner la cartographie des opportunités et à renforcer la cohésion nationale.
En filigrane, la démarche reflète la vision du président Denis Sassou Nguesso, pour qui « la jeunesse est le premier gisement stratégique du Congo ». Le pari consiste désormais à transformer l’essai : aligner la certification des apprenants sur les besoins des entreprises, accompagner les diplômés vers l’auto-emploi ou l’entrepreneuriat et, à terme, doter chaque département d’un vivier de techniciens capables d’entretenir réseaux électriques, installations solaires domestiques ou infrastructures publiques.
Parce qu’elle conjugue innovation technique, efficacité budgétaire et ouverture diplomatique, l’initiative du Fonea confirme la place du Congo-Brazzaville parmi les pays africains qui articulent de façon proactive la formation professionnelle et les objectifs de développement. L’atelier sur roues pourra-t-il devenir un symbole exportable de coopération sud-sud ? Les prochains mois diront si l’ingénierie pédagogique congolaise, portée par l’élan gouvernemental, trouvera un écho au-delà des frontières. D’ores et déjà, la jeunesse du pays, souvent à la croisée des chemins, voit se dessiner une piste concrète, et surtout mobile, vers l’autonomie professionnelle.