Une innovation congolaise pour les chaînes d’approvisionnement
Mercredi 16 juillet 2025, dans une salle comble d’un hôtel de Pointe-Noire, la start-up congolaise SOSEP Groupe a dévoilé Joukwa, une application mobile dédiée aux échanges Business to Business. Journalistes, patrons et représentants d’incubateurs ont suivi la démonstration interactive avec attention.
Pour Abiguel Massouka, chargé des opérations, le but est clair : « rendre l’approvisionnement aussi simple qu’un achat en ligne ». Joukwa centralise la recherche de fournisseurs, le suivi logistique et le paiement sécurisé, autant de tâches souvent dispersées entre plusieurs intermédiaires.
Le communicateur Ame César Sehossolo ajoute que la technologie négocie automatiquement les tarifs produits et frets, regroupe les colis et propose une assurance adaptée. « Nous voulons libérer les entrepreneurs des longues files douanières et des appels tardifs aux transitaires », explique-t-il, sourire contenu.
Comment l’application Joukwa simplifie l’import
Conçue sur une architecture cloud hébergée à Brazzaville, l’application s’ouvre en quelques secondes. Un tableau de bord affiche l’état de chaque commande, du pro-forma au bon de livraison. Les notifications push remplacent les mails épars et réduisent les risques de doublons.
Joukwa intègre par ailleurs un module d’analyse qui compare en temps réel les offres de transitaires basés à Douala, Durban ou Dubaï, permettant aux importateurs congolais de choisir un itinéraire fiable sans passer des heures sur les plateformes internationales de cotation.
Le volet financier appuie les clients grâce à un partenariat avec une banque locale offrant des comptes séquestres. Les fonds ne sont libérés au fournisseur qu’après validation de conformité, limitant les litiges souvent coûteux pour les PME disposant de trésoreries serrées.
Vers une diversification économique accélérée
Depuis plusieurs années, les autorités encouragent la digitalisation pour soutenir la diversification économique. Joukwa répond à cet appel en ciblant les secteurs clé comme le BTP, le transport et le pétrole, tous fortement dépendants d’achats extérieurs et sensibles aux retards portuaires.
Dans le contexte de la Zone de libre-échange continentale africaine, les entreprises congolaises cherchent à élargir leurs carnets de fournisseurs. En automatisant la conformité douanière et les paiements multidevises, l’application leur évite des coûts d’entrée élevés sur les nouveaux marchés régionaux.
La Chambre de commerce de Pointe-Noire estime qu’un retard de deux semaines sur un projet pétrolier peut provoquer cinq pour cent de dépassement budgétaire. Si Joukwa permet de gagner ne serait-ce que trois jours, l’impact annuel sur le PIB se compte déjà en milliards.
Les atouts pour les PME et grands comptes
Chez les très petites entreprises de Makélékélé, l’importation d’une simple machine de sérigraphie mobilise parfois le fonds de roulement entier. En affichant en amont les frais cachés, Joukwa offre une visibilité financière qui facilite l’accès au crédit et encourage l’investissement productif.
Les multinationales, elles, voient dans la plateforme un outil d’audit. Tous les bons de commande sont horodatés, ce qui répond aux standards ISO. « Nous gagnons un temps précieux lors des vérifications internes », confie une responsable supply-chain d’un major pétrolier opérant à Moho-Nord.
SOSEP Groupe affirme que 60 pour cent des tests pilotes ont porté sur des emballages écologiques. L’algorithme privilégie le groupage maritime plutôt que l’aérien coûteux, participant ainsi aux objectifs climatiques nationaux sans imposer de surcharge administrative aux équipes terrain.
Un maillon stratégique dans la ZLECAF
Le ministère du Commerce extérieur voit dans Joukwa un exemple tangible d’entreprise locale prête à jouer le rôle de passerelle pour la ZLECAF. Selon un conseiller, la solution pourrait réduire de quinze pour cent le temps moyen de dédouanement sur les cargaisons enregistrées.
Au-delà des frontières, SOSEP Groupe a déjà ouvert un bureau à Kinshasa et discute avec des partenaires rwandais. L’idée est d’offrir aux opérateurs un réseau intégré d’entrepôts et de data centers, pour que les flux commerciaux suivent les ambitions politiques régionales.
Paroles d’experts et perspectives
Pour Claude Mabiala, économiste à l’Université Marien Ngouabi, « la valeur d’une telle plateforme réside d’abord dans la confiance numérique. Si l’algorithme tient ses promesses, il créera un précédent encourageant d’autres start-up à résoudre des goulots d’étranglement sectoriels ».
Plus prudent, un logisticien indépendant rappelle que la couverture réseau demeure inégale dans certaines zones minières du Nord. SOSEP Groupe assure travailler à un mode hors-ligne synchronisable, prévu pour le quatrième trimestre, afin d’éviter les ruptures de chaîne d’information.
En attendant, Joukwa franchit la barre symbolique des mille premiers enregistrements d’entreprises et prévoit de doubler son effectif à cinquante personnes d’ici fin 2026. Un rythme qui, s’il se confirme, placera la jeune pousse au cœur de la stratégie congolaise d’économie numérique.
Le plan de monétisation repose sur une commission dégressive, plafonnée à trois pour cent de la valeur FOB. « Notre croissance dépendra de volumes, pas de marges excessives », précise Abiguel Massouka, soulignant que le modèle a été calibré après consultation de fédérations professionnelles.
La concurrence reste toutefois attentive. Deux start-up basées à Lagos et Nairobi proposent déjà des services similaires. Mais Joukwa capitalise sur sa connaissance fine des procédures locales et l’appui d’équipes mixtes formées auprès de la douane congolaise, un avantage difficilement réplicable à court terme.