Le Fijada, une dynamique transfrontalière
Dans l’air moite d’août, la rive droite du fleuve Congo a vu débarquer Jonathan Lumbeya Masuta et une poignée de cadres du Forum international de la jeunesse africaine pour le développement de l’Afrique. Leur objectif : parler d’une seule voix, au-delà des frontières, pour une jeunesse actrice du changement.
Créé en 2022, le Fijada dit vouloir « tisser une toile panafricaine d’innovateurs sociaux ». La structure, soutenue par plusieurs dirigeants d’entreprises de la région, fonctionne comme un réseau de laboratoires d’idées où se croisent étudiants, entrepreneurs et diplomates de la jeunesse.
Avant Brazzaville, le forum s’était illustré à Kinshasa, Abuja et Kigali, glanant au passage des partenariats avec l’Agence de l’Union africaine pour le développement et l’Initiative verte pour le Bassin du Congo. Chaque escale donne lieu à un rapport d’étape devenu une référence pour plusieurs ONG locales.
Kinshasa-Brazzaville, un pont pour la jeunesse verte
Le 12 août, Journée internationale de la jeunesse, le Fijada réunissait à Kinshasa universitaires, experts climat et représentants de six ministères congolais. Les 27 pages de recommandations issues de ces travaux viennent d’être portées à Brazzaville, « afin que personne ne reste spectateur », insiste Jonathan Masuta.
Samedi 23 août, l’Allée piétonne Charles-Ebina s’est transformée en agora. Sous les lampions, hymnes nationaux congolais et RD-congolais ont résonné en chœur, rappelant la proximité culturelle des deux capitales les plus rapprochées du monde.
Le député honoraire José Cyr Ebina, hôte de la soirée, a rappelé que « l’Afrique se développera par l’Afrique, à condition que nos jeunes réapprennent à croire en leurs propres ressources ». Un propos salué par des applaudissements nourris de la trentaine de participants, triés pour leur engagement associatif.
Des recommandations à portée continentale
Deborah Bowa Baïke, ambassadrice du Fijada, a présenté un plan en cinq axes : renforcer l’éducation environnementale dès le primaire, stimuler l’entrepreneuriat vert, faciliter l’accès aux technologies propres, ouvrir les instances de décision aux jeunes et promouvoir la mobilisation communautaire autour des écosystèmes.
« Chaque village devrait disposer d’un club climat animé par des adolescents formés aux bonnes pratiques », soutient-elle, citant les succès de la micro-pépinière de Kintambo, capable de produire dix mille plants par an. Les travaux de Kinshasa recommandent aussi des incitations fiscales pour start-up vertes.
Le ministère congolais de la Jeunesse, représenté par un conseiller technique, a noté que ces propositions rejoignent les priorités du gouvernement, notamment la stratégie nationale d’éducation à l’environnement et à l’économie circulaire lancée en 2023, en partenariat avec le Programme des Nations unies pour le développement.
Visas africains et Agenda 2063 au cœur des débats
Au-delà du climat, la soirée a dérivé vers l’intégration continentale. Plusieurs étudiants ont dénoncé la complexité des visas intra-africains. « Un passeport de la CEMAC devrait suffire pour participer à un forum d’idées au Kenya », plaide Clarisse Mboungou, doctorante en droit international.
Jonathan Masuta reconnaît l’obstacle mais préfère le voir comme un stimulant : « Si les jeunes se lèvent, les réformes suivront ». Il renvoie au protocole de libre circulation de l’Union africaine encore en ratification dans plusieurs États.
L’Agenda 2063, feuille de route du continent, a également été évoqué. Pour Lionel Matsoua, analyste économique présent, « les initiatives jeunesse sont la meilleure garantie que les 20 % de croissance verte visés d’ici 2030 ne restent pas lettre morte ».
Cap sur Brazzaville pour la prochaine table-ronde
Moment fort de la rencontre, l’installation officielle de Daniel Biangoud comme premier représentant du Fijada au Congo. Le nouveau délégué promet « un maillage départemental avant la fin de l’année » et souhaite associer les directions régionales de la Jeunesse aux futures actions.
Un trophée symbolique, sculpté dans le bois d’iroko, a été remis à José Cyr Ebina pour son parrainage. Dans un ultime message, Jonathan Masuta a exprimé le vœu que la prochaine table-ronde du Fijada se tienne à Brazzaville, « ville carrefour où se forge l’avenir du Bassin du Congo ».
Les participants ont clos la soirée par une note d’optimisme réaliste : si les obstacles restent nombreux, la mobilisation observée confirme que les deux Congo abritent un réservoir d’énergie juvénile prêt à transformer les visions en actions concrètes d’ici la fin de la décennie.