Mobilisation citoyenne autour des listes électorales
Boulevard Alfred Raoul, mardi matin, les rideaux s’ouvrent sur la première conférence des délégués du Patriarche, organisée par Digne Elvis Okombi Tsalissan. Dans la salle comble, plus de deux cents représentants venus des douze départements prennent place, badges tricolores épinglés, regards tournés vers 2026.
Cette rencontre, placée sous le thème de la mobilisation citoyenne pour la révision des listes électorales, marque une étape nouvelle dans le débat public congolais. Les discours d’ouverture insistent sur l’urgence d’inscrire chaque voix, afin que « nul ne reste spectateur de sa propre destinée », précise l’orateur.
Le rôle de la jeunesse congolaise dans le vote
Digne Elvis Okombi Tsalissan rappelle d’emblée les trois questions structurantes des travaux : « Qui sommes-nous ? Pourquoi nous rassembler ? Comment travailler ensemble ? ». Son credo, emprunté à Henry Ford, se veut pragmatique : se réunir, rester groupés, produire des résultats mesurables.
Le coordonnateur fustige sans équivoque l’abstention record des derniers scrutins. « Dans l’isoloir, le professeur et le jeune chômeur pèsent de façon identique », souligne-t-il, invitant les moins de trente ans, majoritaires dans le pays, à convertir leur poids démographique en influence institutionnelle.
Pour toucher cette génération numérique, l’opération Matissa Affaire avec Loboko ya Patriarche mise sur des capsules vidéo, des forums de quartier et un accompagnement des primo-inscrits au guichet de la Commission électorale. Les animateurs promettent un langage simple, loin des jargons académiques.
Objectifs et méthodes du Patriarche
Les acteurs de la société civile saluent cette pédagogie directe. Pour la sociologue Rosalie Bouanga, présente au premier rang, « la participation commence dès la confection des listes. Attendre la campagne, c’est déjà trop tard ». Elle plaide pour des statistiques publiques actualisées et accessibles.
La première journée réserve également un échange technique avec des magistrats de la Cour constitutionnelle, venus expliciter les délais de révision et les conditions d’inscription. « La transparence renforce la légitimité », rappelle le conseiller Augustin Nsingani, soulignant la complémentarité entre initiatives citoyennes et cadre légal.
Au-delà de la révision, les débats interrogent la réforme électorale annoncée. Plusieurs intervenants évoquent la parité, le vote des Congolais de l’étranger et la sécurisation numérique des données. Les conclusions, attendues mercredi soir, seront transmises au ministère en charge de l’Administration du territoire.
Le Patriarche, créé en 2019, s’appuie sur un réseau de 850 délégués locaux. Ceux-ci rendent compte via une plateforme interne abritée à Pointe-Noire, où des cartographies d’inscription sont actualisées en temps réel. Cette méthodologie intéresse d’autres organisations partenaires, attirées par l’efficience annoncée.
Partenariats institutionnels et société civile
L’ONG Génération Auto-Entrepreneur, branche économique du mouvement, promet d’accompagner les jeunes inscrits vers des programmes de micro-crédit. « L’autonomie financière aide à l’expression libre », estime son président intérimaire, qui voit dans ce double volet citoyen-productif une réponse concrète aux attentes formulées lors des forums.
Côté institutions, la délégation du ministère de la Jeunesse se veut rassurante. Elle rappelle que la plateforme numérique nationale d’inscription, testée à Oyo, sera élargie par étapes. « Nous comptons sur les associations pour sensibiliser », déclare le directeur Oscar Mouanga, saluant l’engagement déployé à Brazzaville.
Les responsables politiques présents, toutes tendances confondues, multiplient les gestes d’ouverture. Sans promettre d’appuis financiers immédiats, ils envisagent un cadre de concertation trimestriel avec Le Patriarche afin de suivre les avancées. L’idée fait consensus dans la salle, où l’on applaudit longuement.
Un calendrier d’actions jusqu’en 2026
À l’agenda, la tournée des délégations départementales débutera en octobre par le Kouilou. Des ateliers pratiques formeront les relais communautaires à l’outil informatique et aux formulaires CERL. Les organisateurs tablent sur vingt-cinq mille nouveaux inscrits avant le premier trimestre 2024.
Une campagne radio en lingala, lari et kituba accompagnera cette phase. Financé par des contributions volontaires, le spot mettra en scène un dialogue intergénérationnel évoquant l’importance de l’empreinte digitale. « Cela parlera aux aînés et aux enfants », assure la réalisatrice Sonia Ndinga, souriante.
Les experts des Nations unies, invités en observateurs, voient dans l’initiative un laboratoire régional. Selon l’analyste électoral Marc-André Faye, l’approche congolaise conjugue « inclusion, technologie et récit communautaire », trois ingrédients capables de ressouder la confiance autour des prochains rendez-vous démocratiques.
Avant la clôture, un serment symbolique sera signé par chaque délégué : redoubler d’efforts pour que les bureaux d’enrôlement ne désemplissent pas. Les organisateurs souhaitent que ce pacte moral, filmé et diffusé en direct, inspire d’autres collectivités, du Niari à la Sangha.
Si les promesses se concrétisent, la conférence des délégués pourrait s’imposer comme un jalon durable du calendrier civique. D’ici là, le mot d’ordre reste simple : convaincre, inscrire, voter. « Nous avons trois ans pour réussir », conclut Digne Elvis Okombi Tsalissan.
Les prochains mois mettront également à l’épreuve la capacité des délégations à documenter leurs actions. Un rapport trimestriel, assorti d’indicateurs d’inscription et de récits de terrain, sera publié en accès libre. « Nos chiffres devront parler avant nous », prévient la chargée de suivi Élodie Mafoua.