Le Fijada, catalyseur d’une jeunesse connectée
Sur les bancs des universités comme dans les quartiers périphériques de Brazzaville, le sigle Fijada circule désormais avec ferveur. Le Forum international de la jeunesse africaine pour le développement de l’Afrique promet de transformer le temps passé sur les réseaux sociaux en revenus palpables.
Avec Daniel Biangoud comme porte-étendard national, l’initiative ambitionne d’offrir aux jeunes un cadre structuré où formation, mentorat et microfinancement s’entremêlent. L’objectif déclaré est d’ouvrir la porte à une nouvelle génération de créateurs de contenu rémunérés.
À l’ère où un smartphone suffit pour produire et vendre une idée, le Fijada rappelle que l’économie numérique ne se résume plus aux seuls développeurs mais englobe le marketing d’influence et le commerce électronique.
Rencontres institutionnelles à Brazzaville
Avant de déployer ses ateliers, l’équipe de projet a franchi le seuil du Conseil consultatif de la jeunesse où le secrétaire exécutif Prince Michrist Kaba Mboko a salué une démarche « alignée sur les priorités nationales d’employabilité ». Les échanges ont duré près d’une heure.
Le même jour, le ministre de l’Économie numérique, Léon Juste Ibombo, a assuré que « tout écosystème innovant mérite une attention publique ». Selon lui, l’administration accompagnera les jeunes créateurs dans la sécurisation de leurs revenus et la protection de leurs données.
Synergies entre innovation et identité congolaise
Pour les porteurs de projet, l’économie numérique ne doit pas gommer la culture locale. José Cyr Ebina, mentor de Daniel Biangoud, plaide pour que chaque créateur intègre musique, langues et symboles nationaux dans ses productions, afin d’exporter une image authentique du Congo.
Les autorités partagent cette vision. Le ministère assure qu’une plateforme de diffusion en ligne des œuvres made in Congo est en préparation. L’outil devrait offrir des paiements mobiles simples et des statistiques transparentes, deux conditions pour gagner la confiance des artistes et annonceurs.
En synergie, associations culturelles et start-up envisagent des masterclass mêlant storytelling ancestral et marketing digital, signe que l’innovation technologique peut devenir le vecteur d’une identité renforcée plutôt qu’un facteur d’uniformisation.
Le musicien Pape God, très suivi sur TikTok, confie que « la plus grande richesse est de raconter nos rues en images ». Son témoignage illustre le pont entre expression artistique et développement économique local.
L’héritage du Forum de Kinshasa
Les travaux du Fijada, tenus le 12 août à Kinshasa, avaient mis l’accent sur l’engagement de la jeunesse pour la planète. De retour à Brazzaville, le président du forum, Jonathan Masuta Lumeya, a transmis un plaidoyer centré sur l’inclusion digitale et l’économie verte.
Parmi les recommandations figure la multiplication de bootcamps dédiés aux métiers du web, avec des modules écoconçus pour minimiser l’empreinte carbone des serveurs. Cette approche lie responsabilité environnementale et création d’emplois, deux priorités souvent perçues comme antagonistes mais désormais complémentaires.
Former pour entreprendre à l’ère numérique
Dans les prochains mois, le Fijada prévoit une tournée de sensibilisation dans les lycées et universités du pays. Des ateliers pratiques sur la monétisation des vidéos courtes et la cybersécurité y seront proposés, avec l’appui d’ingénieurs locaux, de partenaires télécoms et d’ONG spécialisées.
Le programme mise sur la pédagogie « apprendre en produisant », privilégiant les défis en temps réel. Les étudiants devront, par exemple, lancer une campagne sociale en quarante-huit heures et présenter les indicateurs de performance devant un jury d’experts et d’investisseurs.
Une bourse d’amorçage, abondée par des mécènes locaux, sera remise aux trois meilleurs projets. Le jury se basera sur la viabilité financière, l’impact social et la capacité à promouvoir la culture congolaise.
Un contexte favorable à l’économie digitale congolaise
Le dernier rapport de l’Autorité de régulation des communications électroniques indique un taux de pénétration d’Internet de 55 %. Les zones urbaines concentrent l’essentiel du trafic, mais les extensions de fibre optique vers l’intérieur du pays progressent régulièrement, malgré des reliefs parfois contraignants.
Parallèlement, plusieurs banques locales déploient des portefeuilles mobiles à frais réduits, rendant l’économie digitale plus inclusive. Ces initiatives, soutenues par le ministère des Finances, facilitent les micropaiements nécessaires aux créateurs de contenu et renforcent la confiance des annonceurs.
Pour nombre d’analystes, l’entrée récente de start-up congolaises dans des incubateurs régionaux démontre une maturité nouvelle de l’écosystème. Ces expériences internationales nourrissent un retour d’expertise bénéfique aux jeunes entrepreneurs restés au pays.
Perspectives et engagements à moyen terme
Interrogé sur la pérennité du projet, Daniel Biangoud insiste sur la création d’un observatoire national des métiers du numérique. L’organe dresserait chaque semestre une cartographie des compétences, afin d’adapter les programmes de formation et d’orienter les financements.
De son côté, le ministère affirme que le budget 2024 réserve une ligne aux initiatives d’employabilité digitale. Les textes d’application devraient préciser les critères d’éligibilité, offrant un cadre transparent à des partenariats public-privé que beaucoup jugent indispensables.
Alors que le Fijada s’apprête à fêter ses deux ans de présence au Congo, ses promoteurs parient sur un futur où la jeunesse, connectée et créative, deviendra un moteur économique d’envergure nationale.