Un perchoir sous le feu des projecteurs
Le rideau est tombé sur la neuvième session ordinaire de l’Assemblée nationale, et le président Isidore Mvouba, député de Kindamba, en a profité pour rappeler que l’hémicycle doit, selon ses mots, « marquer le gouvernement à la ceinture ».
Ce rappel survient dans un contexte marqué par la relance post-pandémie et la recherche d’une plus grande attractivité économique, priorité formulée par le chef de l’État Denis Sassou Nguesso et portée par le Premier ministre Anatole Collinet Makosso depuis juillet 2021.
En marge de la clôture, Isidore Mvouba s’est longuement entretenu avec la presse locale, rappelant que « l’efficacité de l’action publique se mesure aussi à la capacité du Parlement à questionner, expliquer et proposer », insistant sur un dialogue institutionnel exempt d’anathèmes.
Les priorités économiques rappelées
Devant les députés, le président du perchoir a listé trois chantiers prioritaires : amélioration du climat des affaires, viabilisation de la dette publique et poursuite des réformes convenues avec la CEMAC, dans le but de consolider les équilibres macroéconomiques.
Selon le ministère en charge des Finances, la dette s’établit autour de 87 % du PIB, un ratio en baisse depuis l’accord conclu avec le FMI en 2019. La Commission budgétaire, présidée par Honoré Sayi, prévoit de présenter un rapport actualisé d’ici novembre.
Pour les opérateurs, l’engagement parlementaire est perçu comme un signal. « La stabilité normative rassure les investisseurs », estime Sainclair Oko, président de la Chambre de commerce de Pointe-Noire, évoquant l’espoir de voir le Congo gagner dix places dans le prochain classement Doing Business.
Le contrôle, un outil démocratique
Au-delà des chiffres, Isidore Mvouba rappelle que la Constitution confie au Parlement la mission de contrôle. Auditions, questions orales, commissions d’enquête et interpellations plénières sont autant d’instruments prévus par le règlement intérieur, modifié en 2022 pour faciliter la transmission de documents administratifs.
Depuis janvier, six ministres ont déjà répondu à des questions d’actualité, dont celui du Développement industriel sur le projet de zone économique spéciale de Maloukou, partenaire de la Banque africaine de développement, salué pour son potentiel d’emplois et de diversification.
Le politologue Paulin Makaya juge cet échange régulier « de bon augure » pour la redevabilité, tout en rappelant que « le contrôle parlementaire gagne à être suivi d’effets budgétaires, sous peine de se réduire à un exercice d’estrade », un avis partagé par plusieurs ONG.
Entre attentes citoyennes et réalités budgétaires
Dans les rues de Brazzaville, les jeunes interrogés attendent surtout des retombées concrètes. Kevin, 27 ans, diplômé en logistique, espère la création d’emplois : « Nous souhaitons voir les débats parlementaires se traduire en stages, en PME, en financement pour les start-ups locales. »
Le gouvernement, conscient de l’impatience sociale, a lancé en juin le Programme jeunesse-emploi doté de 20 milliards de francs CFA. Dans un récent point de presse, la ministre Ingrid Olga Ghislaine Ebouka-Babackas a insisté sur la complémentarité entre ce fonds et les réformes budgétaires.
Pour financer ces priorités sans alourdir la dette, l’exécutif s’appuie sur l’optimisation fiscale et la digitalisation des régies financières. Le projet e-Douanes, déjà opérationnel à Pointe-Noire, aurait permis une hausse de 12 % des recettes au premier semestre, selon les estimations officielles.
La société civile réclame néanmoins plus de transparence. L’Observatoire congolais des finances publiques propose de publier en open data les contrats miniers et pétroliers. Interrogé sur le sujet, Isidore Mvouba a indiqué que la Commission économie programmait des auditions avec les ministères concernés.
Perspectives pour la prochaine session
La session budgétaire de novembre devrait examiner un projet de loi de finances axé sur la diversification, avec une enveloppe accrue pour l’agriculture et le numérique. Des crédits supplémentaires sont également attendus pour le Programme d’accès à l’eau potable, priorité présidentielle.
Parallèlement, l’Assemblée prévoit de débattre d’un projet de réforme du règlement intérieur visant à réduire le délai de réponse des ministères à trente jours, contre quarante-cinq aujourd’hui. « Nous voulons fluidifier le dialogue tout en respectant les prérogatives de chacun », précise Isidore Mvouba.
Les experts saluent l’initiative mais soulignent l’importance du facteur temps. « Un mécanisme sans sanctions resterait symbolique », avertit Mireille Tchicaya, analyste au Centre d’études parlementaires. Le bureau de l’Assemblée assure travailler à un dispositif graduel, incluant des rapports publics sur les retards.
À court terme, les regards se tourneront vers la mise en œuvre des recommandations de la Cour des comptes, dont le rapport 2024 préconise un suivi régulier des dépenses d’investissement. Le Parlement devra vérifier la conformité des décaissements aux objectifs affichés dans le Plan national de développement.
Dans ce puzzle institutionnel, la jeunesse brazzavilloise attend un signal clair : que la parole rejoigne l’acte. Les prochaines semaines diront si l’Assemblée saura transformer la vigilance annoncée en avancées tangibles.