Une visite qui réactive la coopération belgo-congolaise
La mission d’affaires annoncée par le chargé d’affaires belge, Alexandre Gianasso, s’inscrit dans la continuité de la récente visite à Oyo du vice-Premier ministre Maxime Prévot. Après plusieurs années de contacts surtout institutionnels, Bruxelles et Brazzaville veulent désormais passer à des collaborations concrètes et visibles.
Pour les autorités congolaises, cette venue programmée en octobre incarne un message : le pays demeure ouvert, stable et attractif. Le fait que la Belgique inaugure sa tournée africaine par le Congo est perçu comme une reconnaissance de la crédibilité des réformes économiques récentes.
Un rendez-vous économique attendu à Brazzaville et Pointe-Noire
La délégation comprendra une dizaine d’entreprises, actives dans l’énergie, le transport, la logistique, la santé et le numérique. À Brazzaville puis à Pointe-Noire, elles enchaîneront tables rondes, visites de sites stratégiques et rendez-vous avec les décideurs publics et privés.
Selon un conseiller du ministère du Développement industriel, l’agenda comprendra également des rencontres B2B avec des startups congolaises. « Nous voulons montrer que notre marché ne se limite pas au pétrole », glisse-t-il, évoquant la volonté gouvernementale de diversifier les moteurs de croissance.
Cinq secteurs clés au cœur des ambitions
L’énergie figure en tête de liste. Bruxelles dispose d’un savoir-faire reconnu dans les réseaux électriques intelligents et l’efficacité énergétique. La Société nationale d’électricité envisage déjà des partenariats pour moderniser certaines sous-stations et réduire les pertes techniques, évaluées à près de 30 %.
Le secteur logistique attire aussi l’attention. Le port de Pointe-Noire, principal hub maritime d’Afrique centrale, doit accroître sa compétitivité face à Lomé ou Abidjan. Des opérateurs belges d’infrastructures portuaires entendent proposer des solutions de dragage et de digitalisation des procédures douanières.
Des entrepreneurs congolais prudemment optimistes
Dans les couloirs de la Chambre de commerce de Brazzaville, certains patrons saluent « un signal encourageant ». Cependant, ils rappellent que plusieurs annonces passées n’ont pas toujours débouché sur des investissements effectifs. La disponibilité d’instruments de financement mixtes sera donc scrutée avec attention.
Benoît Ngakosso, dirigeant d’une PME de maintenance industrielle, espère que la mission introdura « une logique de co-construction ». L’enjeu, selon lui, est d’éviter le schéma dans lequel la valeur ajoutée se crée majoritairement à l’étranger, laissant aux entreprises locales un simple rôle d’intermédiaires.
L’environnement, nouveau levier diplomatique et financier
Alignée sur les positions du Congo lors des forums climatiques, la Belgique présente sa mission comme écologique. Une session sera consacrée aux marchés carbone, sujets chers à Brazzaville. Des consultants wallons analyseront la possibilité de projets pilotes autour de la préservation des mangroves.
Un diplomate belge confie que plusieurs fonds européens pourraient mobiliser des garanties vertes, condition d’accès plus souple aux capitaux. Le ministère congolais de l’Économie forestière estime, de son côté, que ces mécanismes compléteraient le Fonds bleu pour le Bassin du Congo actuellement en structuration.
Des freins identifiés, des solutions esquissées
La question de la sécurité juridique reste centrale. Les entreprises européennes évoquent souvent la lenteur de certaines procédures administratives. En réponse, le gouvernement a relancé le guichet unique, opérationnel depuis juin, qui promet la création d’une société en 72 heures, signatures numériques à l’appui.
Autre défi, la connectivité aérienne. À ce jour, Bruxelles et Brazzaville ne sont reliées que via escale. Des discussions seraient en cours entre la compagnie nationale congolaise Equaflight et un transporteur belge pour des vols directs hebdomadaires, indispensables à un véritable pont d’affaires.
Quelles perspectives pour la jeunesse congolaise ?
Les autorités envisagent d’intégrer un forum sur l’emploi des jeunes pendant la mission. D’après l’Agence nationale pour l’Emploi, plus de 65 % des chômeurs ont moins de 35 ans. Les entreprises belges proposeront des stages et formations certifiantes, notamment dans la maintenance industrielle et le codage.
Au campus numérique francophone de Brazzaville, des étudiants espèrent que ces annonces déboucheront sur de vrais programmes. « L’expérience pratique manque cruellement ici », explique Mireille, 22 ans, future data analyste. Elle voit dans la coopération belgo-congolaise l’opportunité d’un transfert de compétences durable.
Un partenariat gagnant-gagnant en construction
Alexandre Gianasso rappelle que la Belgique est déjà le troisième exportateur vers le Congo et confirme la volonté de « monter en puissance ». Les prochains mois permettront d’évaluer la solidité des engagements pris et la capacité des deux capitales à tenir un calendrier ambitieux.
À Bruxelles comme à Brazzaville, l’automne s’annonce donc décisif. Si les projets pilotes voient le jour, ils pourraient servir de vitrine à d’autres investisseurs européens. En coulisses, diplomates et opérateurs économiques partagent le même credo : transformer la bonne volonté politique en emplois tangibles.
D’ici là, un comité de suivi mixte sera constitué. Il réunira des représentants du patronat congolais, de l’Agence belge pour le commerce extérieur et des administrations sectorielles. Objectif annoncé : dresser un tableau de bord semestriel afin de mesurer, chiffres à l’appui, l’avancement des dossiers.
Comme le résume un analyste basé à Kinshasa, « si le Congo parvient à sécuriser ne serait-ce que deux projets structurants, l’effet de démonstration sera puissant ». L’arrivée de la mission belge est donc observée bien au-delà des frontières, signe d’un intérêt croissant pour l’économie congolaise.