Rabat, épicentre d’un dialogue financier francophone
Sous les arcades contemporaines de l’Université Mohammed VI Polytechnique, Rabat s’est muée, du 30 juin au 2 juillet 2025, en agora de la régulation financière. L’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux (AMMC) y a accueilli la 23ᵉ session de l’Institut Francophone de la Régulation Financière (IFREFI), rappelant que le royaume chérifien entend s’affirmer comme trait d’union entre l’Afrique, l’Europe et le monde francophone. Dans un contexte de resserrement mondial des liquidités, l’événement a réuni plus d’une trentaine d’autorités de supervision, afin de scruter le rôle toujours plus central des places financières dans le financement des infrastructures.
Des besoins d’infrastructures à la hauteur des ambitions régionales
Routes, réseaux électriques, fibre optique : les économies émergentes cumulent des déficits d’équipement estimés par la Banque africaine de développement à plus de 100 milliards de dollars chaque année. « Des infrastructures modernes et durables sont nécessaires pour soutenir le développement économique et accélérer la transition vers des économies résilientes », a rappelé Nasser Seddiqi, Directeur du pôle Métier à l’AMMC. La démographie dynamique de l’Afrique francophone, jointe aux impératifs de transition écologique, exige donc un financement patient, massif et innovant.
Les marchés de capitaux, levier d’un financement long terme
Traditionnellement adossé aux budgets publics et aux banques de développement, le financement des infrastructures s’ouvre désormais aux investisseurs institutionnels et aux particuliers. Quatre panels successifs ont détaillé les atouts des obligations vertes, des fonds d’infrastructures ou encore des partenariats public-privé cotés. « Les normes internationales, telles que celles de l’OICV, fournissent des bases solides au développement économique », a souligné Jean-Paul Servais, Président de l’Autorité belge des Services et Marchés Financiers et de l’IFREFI. En sécurisant le cadre réglementaire, les marchés peuvent réduire la prime de risque et rallonger la durée des financements, condition sine qua non d’infrastructures rentables et responsables.
Mobiliser l’épargne domestique, un impératif stratégique
Dans un environnement où l’aide publique au développement se raréfie, capter l’épargne locale devient crucial. « Les besoins d’investissements sont colossaux. Il nous faut mobiliser plus efficacement l’épargne abondante des ménages », a insisté Marie-Anne Barbat-Layani, Présidente de l’Autorité des Marchés Financiers française. Plusieurs intervenants ont ainsi évoqué la démocratisation des produits d’infrastructure sur les marchés boursiers nationaux, via des compartiments dédiés ou des véhicules collectifs offrant transparence et liquidité. Pour les régulateurs, l’enjeu est double : renforcer la profondeur des marchés et assurer la protection des investisseurs particuliers, gage de confiance à long terme.
Convergence réglementaire et coopération Sud-Sud
Créé en 2002 à Rabat, l’IFREFI se veut le laboratoire d’une convergence normative francophone. Au-delà des échanges techniques, la réunion des présidents d’autorités a acté la constitution de groupes de travail permanents sur la finance durable, la digitalisation des marchés et la sécurité cyber. Le Maroc, de son côté, ambitionne d’essaimer son cadre régulateur vers l’Afrique centrale et occidentale, dans une logique de coopération Sud-Sud soutenue par les bailleurs multilatéraux. Cette harmonisation graduelle pourrait abaisser les coûts de transaction et favoriser l’émergence d’émissions transfrontalières d’obligations, instrument clé pour mutualiser les risques et attirer les grands fonds internationaux.
Perspectives : de la théorie à la pose de la première pierre
En clôturant la session, le Président de l’AMMC a souligné que « le temps du diagnostic est derrière nous ; celui de l’exécution commence ». Les autorités membres se sont engagées à publier, d’ici la fin de l’année, une feuille de route commune assortie d’indicateurs de suivi. Pour Rabat, ce rendez-vous a conforté le positionnement du pays comme hub financier régional et catalyseur de projets structurants. À l’échelle francophone, la dynamique enclenchée projette les marchés de capitaux au rang de maillon stratégique, capable de transformer les plans d’infrastructures en actifs tangibles, durables et créateurs de valeur partagée.