Un souffle neuf sur le boulevard Alfred Raoul
La rotonde de la Direction générale du Trésor, avenue Alfred Raoul, n’avait plus connu pareille effervescence depuis plusieurs mois. Sous les lambris encore neufs de la salle des conférences, huit cadres – quatre femmes et quatre hommes – ont prêté serment de disponibilité, chacun conscient de la portée symbolique de la cérémonie présidée par le directeur général adjoint, Hylarion Stève Ibobi Ollessongo. « Nous attendons de vous une rigueur sans faille, car la confiance du contribuable se gagne au centime près », a-t-il souligné dans une allocution mesurée mais ferme.
Des profils triangulaires pour des missions croisées
Les nouveaux promus se répartissent entre la Direction générale du Trésor, la direction du contrôle et de l’audit interne, et la direction des affaires administratives et financières. Ce découpage, voulu par la note de service du 29 juillet signée du ministre Christian Yoka, obéit à une logique de complémentarité des compétences : améliorer la chaîne de la dépense, sécuriser les recettes et perfectionner l’audit permanent. « La transversalité des tâches impose une lecture panoramique des flux financiers », explique l’économiste Serge-Didier Lissouba, maître de conférences à l’Université Marien-Ngouabi, qui salue « un dosage convenable entre expertise technique et renouvellement générationnel ».
Moderniser la comptabilité de l’État, un défi majeur
La Direction générale du Trésor demeure le pivot de la régulation de trésorerie et de la tenue de la comptabilité publique. Concrètement, les services centraux non comptables et les postes comptables déconcentrés devront désormais s’appuyer sur des plans comptables harmonisés et numérisés. Selon une source interne, l’objectif prioritaire consiste à « réduire de moitié, d’ici à deux ans, les délais de validation des pièces justificatives ». Une ambition réaliste, estime le consultant financier Romuald Mavoungou, pour qui « les solutions digitales d’archivage et de traçabilité des paiements sont déjà opérationnelles dans la plupart des capitales d’Afrique centrale ».
La transparence budgétaire en ligne de mire
Au-delà des considérations techniques, ces nominations traduisent la volonté du gouvernement de raffermir la culture de bonne gouvernance dans une institution parfois critiquée pour son opacité présumée. Les huit nouveaux chefs de service sont ainsi chargés de veiller à la régularisation des opérations budgétaires provisoires et à l’émission encadrée des bons du Trésor sur le marché financier régional. Le ministère mise sur l’expérience mixte du groupe – certains ont travaillé à la Banque des États de l’Afrique centrale, d’autres dans des cabinets privés – pour garantir, selon les mots du DGA Ibobi Ollessongo, « la lisibilité des flux, condition sine qua non de la stabilité macroéconomique ».
Attentes sociales et crédibilité internationale
Dans un contexte où l’opinion publique brazzavilloise se montre de plus en plus attentive à l’utilisation des deniers collectifs, la crédibilité du Trésor engage aussi la signature du Congo sur les places financières internationales. L’agence de notation Bloomfield, qui a récemment maintenu la note souveraine du pays, souligne toutefois que « la consolidation fiscale demeure tributaire de la discipline interne ». Pour le jeune cadre financier Mireille Ibara, fraîchement nommée et première femme à diriger le service de régulation de trésorerie, « la responsabilité est double : répondre aux attentes des citoyens et rassurer les investisseurs ».
Un cap administratif assumé
L’arrivée de ces huit responsables s’inscrit enfin dans un mouvement plus large de mobilités internes – trente-deux cadres promus au total – que le ministère des Finances qualifie de « mutations normales ». Derrière l’apparente routine de la procédure, les observateurs perçoivent cependant un signal institutionnel : l’administration congolaise cherche à se doter d’énergies nouvelles pour accompagner la relance économique post-pandémie. La stratégie implique la montée en compétence des effectifs, la valorisation du mérite et une rotation régulière des postes sensibles.
À l’issue de la cérémonie, les nouveaux chefs de service ont gagné leurs bureaux respectifs, dossiers déjà empilés sur les tables. Les regards sont désormais tournés vers la prochaine loi de finances, véritable banc d’essai de leur capacité à conjuguer orthodoxie budgétaire et réactivité opérationnelle.